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Continuum de sécurité, quel est ton nom ?

par Jarod Charbit
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Temps de lecture : 4 minutes

La sécurité figure de façon continue au cœur de l’agenda politique. Si les politiques sécuritaires sont une véritable « balise » régalienne et demeurent un pré carré de l’État, on observe néanmoins une évolution dans la manière dont la sécurité est appréhendée par la puissance publique, avec une montée en compétences locales de la sécurité incarnée par l’armement des polices municipales. Progressivement, le volet sécuritaire s’est invité parmi les sujets qui rythment les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Alors, les politiques sécuritaires, l’affaire de tous ?

Par Martin Batko

Qu’est ce que c’est, au juste, le continuum de sécurité ? L’étymologie est latine, mais le sens prend racine dans un rapport parlementaire de 2018, baptisé « Thourot Fauvergue ». Il est certaine ment celui qui condense le mieux les débats du moment autour des enjeux de sécurité et de gouvernance. Pour tenter d’être davantage intuitif, le rap port motive le passage « d’un continuum de sécurité vers une sécurité globale », visant à une meilleure coordination des forces de l’ordre, c’est à dire la police nationale, la police municipale, la gendarmerie et les forces de sécurité privées. Ils seraient environ 430 000. L’esprit de la loi sur la sécurité globale semble surtout être l’apanage de la sécurité locale : il entend mieux associer les élus locaux aux stratégies de sécurité et de prévention, et à mieux territorialiser les partenariats afférents, selon les forces de l’ordre en présence, les besoins et les contextes des territoires. La demande de concertation et de coordination des élus locaux est d’autant plus légitime à l’aune des « contrats de sécurité intégrés » – sorte de « donnant donnant » qui octroie sur un territoire la mise à disposition de renforts de sécurité de l’État en contrepartie d’efforts égaux consentis par la collectivité.

The mayor is the new sheriff ?


La montée en compétence des élus locaux sur le sujet de la sécurité s’est illustrée à la fois par la consolidation et la normalisation des polices municipales. La plateforme de données publiques de l’État data.gouv propose de retrouver en open source les communes dotées en police municipale et les effectifs afférents. Nice comptait ainsi 445 policiers municipaux en 2021. Ils sont 70 à Lyon, 50 à Nantes… même si les villes peinent à recruter. En un an, plus de 550 policiers municipaux ont été engagés à Paris, qui dispose désormais d’une police municipale en vertu de la proposition de loi « vers une sécurité globale », promulguée en mai 2021. Surtout, cet ancrage sécuritaire local s’est inévitablement accompagné du débat sur l’armement de la police municipale – remis au goût du jour après les attentats de 2015. Le débat recouvre tout autant les armes létales que non létales, même s’il se cristallise principalement autour des armes à feu : selon un recensement du ministère de l’Intérieur, 59 % des policiers municipaux en 2021 seraient dotés d’une arme létale. Un chiffre en progression, en concordance avec un discours des élus locaux qui semble s’être lissé. Pour quelles raisons ?

Un alignement qui ne dit pas son nom


Présidentielle oblige, le volet « sécuritaire » était ces derniers mois au cœur des débats : il a mis en exergue l’augmentation des violences et la mise à mal de la tranquillité publique dans plusieurs centres urbains. Les policiers municipaux, qui sont censés incarner l’hyperproximité et remplir des fonctions visant à répondre aux incivilités du quotidien, sont en réalité les premiers à investir les scènes de tension et être de plus en plus confrontés à des violences physiques. La dotation progressive en armes létales traduit elle un dépassement de fonctions en gestation des policiers municipaux, voire un alignement de leurs missions avec celles des forces de sécurité intérieure ? Un alignement qui ne dit pas son nom, ou bien de manière dérobée : l’article 1er de la loi de sécurité globale propose aux communes disposant d’une police municipale de plus de 20 agents d’expérimenter un élargissement de leur périmètre d’intervention, pour une durée de trois ans. De quoi généraliser à terme le port d’armes à feu des policiers municipaux ?

Armes à feu : ira ? ira pas ?


Si certains élus s’émeuvent d’un débat qui se focalise trop sur le port d’armes au détriment d’autres enjeux, le sujet demeure central. Le rapport Thourot Fauvergue proposait justement de rendre l’armement des policiers municipaux obligatoire, sauf « décision motivée » du maire. S’il y a finalement eu inversion de la règle (la « demande motivée » du maire fait foi pour armer les policiers municipaux), on observe néanmoins une évolution constante et graduée de la panoplie de l’armement. En effet, si l’armement « non létal » semble de plus en plus être une norme (matraque, pistolet à impulsion électrique…), le port d’arme létale, lui, fait plus que jamais débat. À Toulouse, si la police municipale est dotée d’armes à feu depuis 2006, l’entrée en matière est plus récente à Dijon, malgré des réticences initiales de son maire, François Rebsamen. Pour autant, certains maires n’en veulent pas : c’est le cas de l’édile de Paris, Anne Hidalgo, tout comme la nouvelle majorité de la ville de Bordeaux. Les maires sont parfois pressés par les agents eux mêmes de s’y résoudre, comme à ClermontFerrand ou à Nantes. Quant à Brest, ni armes à feu ni armes non létales : elle est le dernier bastion de plus de 100 000 habitants à ne pas disposer de police municipale… On parle de « brigade de tranquillité
urbaine ».

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