Si l’accès au logement est un droit, consacré par plusieurs conventions et traités internationaux, il ne cesse de poser problème. Malgré les politiques volontaristes qui ont été conduites depuis plus d’un siècle, les obstacles perdurent et, pire, ils s’aggravent aujourd’hui. Retour sur les grandes orientations politiques passées.
Par Martin Batko
Sans remonter au milieu du XIXe siècle, période des premières impulsions politiques en matière d’habitat dans un contexte de forte pression démographique dans les villes, l’intervention de l’État s’est surtout développée à partir du XXe siècle avec la création des offices publics. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’État fait le pari d’une relance par l’investissement qui s’avérera insuffisante. C’est alors que sont nées les Habitations à loyer modéré (HLM). Si les politiques mises en place visaient à résorber le déficit de logements, avec l’émergence des entreprises du bâtiment notamment, elles avaient également pour but de répondre aux populations les plus pauvres. D’ailleurs, en 1954, l’Abbé Pierre lance un appel, pour mettre à l’abri les « sans-logis », dont les 70 ans ont été tristement « célébrés » en février dernier.
Depuis les années 1970, date à laquelle une politique d’accompagnement a succédé à une logique de production, les politiques de l’habitat ont été centrées sur la personne et orientées vers les publics les plus précaires. Mais pour pouvoir répondre à la diversité des situations, l’État a pris soin de maintenir une capacité d’ajustement de l’offre, tout en conservant entre ses mains l’outil économique.
Les années 2000 ou l’élargissement de la palette sociale
La loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU) de 2000 consacre l’élaboration d’un parc social équilibré et homogène sur le territoire, obligeant les communes à qualifier 20 % des logements en parc social. La loi prolonge la mise en place de l’aide personnalisée au logement (APL), véritable symbole d’accès social au logement, et la création en 1971 de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui finance des travaux de rénovation et de réhabilitation des logements pour les plus modestes.
Les grands ensembles urbains construits à la fin des années 1950 bénéficient d’un toilettage massif, entériné par le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) de 2003, qui vise à transformer et parfois détruire pour reconstruire 600 quartiers en France. C’est l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) qui l’a piloté, avec une enveloppe de 50 milliards d’euros.
En 2007, les politiques centrées sur la personne se confirment avec l’instau- ration du droit au logement opposable (dite « loi DALO »), lequel entérine le droit à un logement décent pour les personnes dans l’incapacité de pouvoir se (re)loger.
Et maintenant, de nouvelles priorités ?
Ce dispositif a fait récemment parler de lui : l’ancienne première ministre Élisabeth Borne a chamboulé l’ordre des priorités au nom de la mixité sociale : les personnes les plus précaires ne seraient plus nécessairement les seuls bénéficiaires du DALO. Une inflexion qui conviendrait aux classes moyennes, objet de toutes les attentions aujourd’hui. Son successeur, Gabriel Attal, est même allé plus loin en souhaitant ouvrir la possibilité d’associer dans le chiffrage et la construction du parc social des logements intermédiaires, accessibles aux classes moyennes.
Les besoins pour répondre à la précarité actuelle, aux tendances démographiques et aux réalités écologiques portent le nombre de nouveaux logements à 500 000 par an entre 2024 et 2040.
Les élus locaux se sont dressés vent debout contre une mesure qui menacerait le logement social. Ils réclament d’ailleurs plus de marges de manœuvre en matière de politique du logement, souhaitant être reconnus comme « autorité organisatrice de l’habitat ». Leurs revendications portent en particulier sur la décentralisation des aides à la pierre, la régulation des meublés de tourisme ou encore le financement de la rénovation énergétique. Ils alertent par ailleurs, aux côtés des professionnels, sur la chute spectaculaire de la construction de logements neufs, de 122 000 par an depuis 2007 à près de 68 000 en 2023, alors que les besoins pour répondre à la précarité actuelle, aux tendances démographiques et aux réalités écologiques portent le nombre de nouveaux logements à 500 000 par an entre 2024 et 2040.
Une véritable « bombe sociale » ?
La stratégie centrée sur les classes moyennes est-elle la bonne ? Certes, le gouvernement, à juste titre, souhaite répondre à un mécontentement, et on ne peut que lui donner raison. Même si elles peuvent accéder plus facilement que d’autres populations au logement, en émargeant notamment à certains dispositifs, les classes moyennes subissent de plein fouet la hausse des taux d’intérêt, la fin du « taux zéro » pour l’accession proposé par l’État et la raréfaction des offres de logement. Cela présage un avenir sombre et un accroissement du sentiment de déclassement.
Toutefois, le gouvernement prend le risque d’aggraver, tout du moins par effet d’annonce, une situation que d’aucun qualifie de « catastrophique ». La Fondation Abbé Pierre a repris à son compte la « bombe sociale » qui nous fait face, addition d’une explosion de la pauvreté, du nombre de ménages demandeurs d’HLM en constante aug- mentation et d’une baisse de l’effort public pour le logement (1,6 % du PIB en 2022). La suppression de crédits de 10 milliards d’euros qui va affecter les politiques publiques locales, n’a pas de quoi rassurer.
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