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Les RER métropolitains, des projets à l’ambition très large

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 5 minutes

Après un consensus et le vote d’une loi, les projets de Services express régionaux métropolitains (SERM) se dessinent. Il s’agit d’une grande ambition capable de réparer les territoires, réduire la congestion et réussir le report modal.

Par Éric Ritter

La grande ambition » présidentielle, du 27 novembre 2022, en faveur du développement de services de type RER dans une dizaine de métropoles françaises a pu être diversement interprétée au départ. Annonce sans lendemain ? Mise à mal de la régénération ferroviaire ? Réponse à la demande répétée de moyens supplémentaires pour les transports collectifs urbains ? Le fait est qu’un an plus tard, une loi relative aux Services express régionaux métropolitains (SERM) a permis la mise en place, à l’échelle régionale, d’une matrice de dialogue entre les parties prenantes.

Le caractère nécessairement intermodal des SERM s’est très vite imposé dans les débats comme un sujet majeur pouvant répondre aux besoins de mobilité des personnes. L’outil qu’ils constituent a naturellement suscité un grand enthousiasme dans le monde ferroviaire, mais il a été aussi bien compris auprès de tous les acteurs de la mobilité, confrontés, après plusieurs décennies de politiques publiques, au grand défi du report modal.

Congestion, pollution, gaz à effet de serre, pouvoir d’achat,… les arguments ne manquent pas pour changer de mo- dèle. Alors, les SERM sont-ils en capacité d’opérer ce changement ? La question est cruciale : sans report modal, la décarbonation des mobilités pourrait échouer.

Les SERM traduisent une volonté de corriger ou d’atténuer une des évolutions majeures observées dans les territoires : une concentration dans les zones urbaines et un étalement dans les zones peu denses.

Il faut dire que les SERM traduisent, de facto, une volonté de corriger ou d’atténuer une des évolutions majeures observées dans les territoires : une concentration dans les zones urbaines et un étalement dans les zones peu denses. Ce sont de « vrais outils d’aménagement du territoire pour corriger les effets de la métropolisation qui vide le centre des petites villes et sature les grandes », selon Patrice Vergriete, le nouveau ministre délégué aux Transports.

Un phénomène qui n’est pas propre à la France. En Europe, plusieurs pays ont mis en place des systèmes de transport similaires pour répondre à la même évolution de l’aménagement du territoire : l’Allemagne avec quatorze réseaux S-Bahn, l’Espagne avec treize réseaux Cercanias et, évidemment, la Suisse qui, avec quatorze réseaux RER, a longtemps fait figure de modèle en matière ferroviaire, mais aussi d’intégration des projets dans l’espace public. Ces exemples ont été au cœur des débats du premier colloque organisé par Objectif RER métropolitains à Strasbourg, les 8 et 9 février derniers. L’occasion d’évoquer la dizaine de projets en France et de vanter les atouts des SERM au-delà du seul aspect ferroviaire.

Des outils de déconcentration métropolitaine

En effet, Jean-Claude Degand, porte-parole du collectif qui a organisé ce colloque, insiste sur une dimension plus large. Selon lui, ces réseaux peuvent et doivent être conçus comme des « outils de déconcentration métropolitaine ». Bien sûr, les offres nouvelles devront s’appuyer sur les « étoiles ferroviaires » qui irriguent d’ores et déjà la quasi-totalité des agglomérations concernées, une première étape avec l’infrastructure actuelle étant souvent possible. Mais, au-delà, des aménagements d’infrastructures, des gares nouvelles, voire des tronçons de voies nouveaux, seront nécessaires. Ainsi, les SERM contribuent à rebattre les cartes de la gouvernance au niveau local et aussi celles de la pertinence de chacun des modes.

Jean-Claude Degand voit plus loin encore : « La diamétralisation (ndlr : la traversée directe des agglomérations, sans changement) des services limitera les correspondances pour les voyageurs et désaturera les gares en évitant le stationnement prolongé des rames. La mise en place complète de ces services de type RER est envisageable en plusieurs étapes successives d’ici à 2030 dans la très grande majorité des agglomérations pressenties. »

@ SNCF réseau décembre 2023

Ce que soulignent les débats, c’est aussi l’importance des pôles d’échanges qui, judicieusement répartis pour créer une continuité de service entre trains, métros, tramways, bus, voire avec les autocars interurbains, verront leur rôle renforcé. D’ailleurs, les premières réflexions sur les SERM intègrent une approche renouvelée du transport routier avec la promotion des cars express, ou cars à haut niveau de service, au sein de la gamme des solutions destinées à assurer le report modal. Que ces solutions intègrent un SERM au sens strict du terme ou que ces cars viennent compléter l’offre de transports collectifs et notamment les TER ferrés, une évidence s’est peu à peu installée dans le paysage : les modes de transport sont bien complémentaires, et ce, même jusqu’au covoiturage.

Vélos et covoiturage

Dès les débats au Parlement, un accord s’est dessiné sur la nécessité de déployer systématiquement des réseaux cyclables dans le cadre des projets de SERM, au même titre que des lignes de covoiturage. L’intermodalité train + vélo recèle ainsi « un potentiel important à travailler en aménageant des aires de stationnement de vélos près des gares pour le premier et le dernier kilomètre, et en facilitant le chargement du vélo dans les trains », comme l’évoque un observateur avisé du paysage. Ce n’est pas anecdotique, puisque la pratique du vélo continue sa progression et que ce mode de déplacement doit évidemment être intégré dans les projets. Au-delà des pratiques, c’est la question de la chaîne de décisions qui se pose.

L’importance des projets… suppose le recours à une gouvernance nouvelle.

Comme le soulignent déjà les principaux protagonistes du colloque de Strasbourg, l’importance des projets, à cheval sur les domaines d’intervention des régions, des métropoles, des départements et des communes, suppose le recours à une gouvernance nouvelle. De ce point de vue, l’exemple de la Nouvelle-Aquitaine est riche d’enseignements, avec la création d’un syndicat mixte qui, à présent, constitue le lieu d’échanges et de décisions idoine pour des territoires spécifiques, en l’occurrence pour la Gironde, où un projet de SERM est défendu.

L’étape décisive de la labellisation

Le colloque a été l’occasion de revenir sur les modalités de mise en œuvre. Le périmètre retenu dans la loi condi- tionnera la « labellisation » des projets et le soutien de l’État aux régions et aux métropoles qui les piloteront. La définition des SERM intègre les stationnements des vélos en gare et l’obligation de respecter un seuil minimum d’emplacements à bord des trains. Ce n’est pas anecdotique. Ces avancées importantes, qui marquent un tournant pour l’intégration du vélo aux offres de transport, indiquent une volonté : donner à chaque mode sa chance, dans une logique de complémentarité rail/route qui pourrait contribuer à changer la donne.

Juridiquement, le statut de SERM sera conféré par arrêté du ministre chargé des Transports, sur le fondement d’une proposition conjointe de la Région et des AOM (Autorités organisatrices de la mobilité), contribuant au financement de ce service. Les collectivités locales devront présenter un plan financier (estimation des coûts d’investissement et d’exploitation, modalités de financement envisagées). C’est évidemment là que le bât blesse. Quelques mois après l’adoption de la loi de Finances, un plan d’économies est venu doucher les ardeurs. Les transports ne se sentent pas épargnés.

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