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Le RER métropolitain voit-il le bout du tunnel ?

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 6 minutes

Le président de la République a annoncé, fin novembre 2022, sa volonté de voir dix métropoles françaises dotées de Réseaux express régionaux (RER). La première ministre a présenté en février dernier un plan de financement et désigné un opérateur expérimenté sur le sujet, la Société du Grand Paris. Les métropoles, qui ont déjà des projets plus ou moins avancés, manifestent leur intérêt tout en restant prudentes…

Par Christine Murris

Le RER – Réseau express régional – métropolitain, dont bien des villes rêvent depuis longtemps – tout en le laissant souvent dans les cartons faute de financement –, va-t-il connaître dans les mois et années à venir une accélération aussi vigoureuse que subite, voire inattendue ? À en croire les déclarations les plus récentes, au plus haut sommet de l’État, on pourrait enfin croire son heure venue… Première étape, la déclaration du président de la République, « l’air de rien », au détour d’une séquence postée sur YouTube fin novembre dernier. « Un super objectif », expliquait, très détendu, Emmanuel Macron, en parlant justement de ces RER « qui ne sont pas que pour Paris ».

Et le président de développer : « Pour tenir notre ambition écologique, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale : dans dix grandes agglomérations, dans dix métropoles françaises, (il s’agit) de développer un réseau de RER, un réseau de trains urbains. » Première réaction générale : une immense surprise. Depuis des décennies, la priorité est donnée à la route et les lignes ferroviaires font davantage parler d’elles en matière de fermetures qu’en matière de projets.

Depuis cette fameuse déclaration, les métropoles se jaugent et évaluent leurs chances : qui peuvent bien être les dix heureuses élues ? Sachant que la France compte officiellement plus de vingt métropoles qui sont toutes candidates à l’amélioration de leurs transports publics… A fortiori au moment où la perspective de la mise en place – chaotique – des zones à faibles émissions (ZFE) rend toujours plus compliqué d’accéder en voiture au cœur des agglomérations.

Quoi qu’il en soit, et en attendant des précisions, les premières réactions ont été des plus positives. Tous ceux qui, depuis des années, prêchent plus ou moins dans le désert en faveur du développement de ces infrastructures ne pouvaient guère que se réjouir, une fois passé l’effet de surprise… À commencer par France urbaine, qui réunit, justement, les collectivités concernées, c’est- à-dire les métropoles ou les « grandes agglomérations » évoquées par le président.

France urbaine « prête à engager un travail commun avec l’État »

« Les élus des grandes villes, agglomérations et métropoles appellent depuis plusieurs années l’État à aider financièrement les collectivités à investir massivement dans le développement des infrastructures de mobilités, en développant notamment des RER métropolitains », a rappelé l’association, mettant ainsi très directement le doigt sur le point délicat de l’affaire, l’investissement.

Rien ne pourra se faire sans financements nouveaux… Surtout, selon France urbaine, dans la mesure où le modèle économique des transports urbains est actuellement « fortement déficitaire et lourdement impacté par la hausse des prix de l’énergie ».

Quelques lignes plus loin, France urbaine enfonce le clou : « Pour mener à bien cette ambition nationale, les élus urbains appellent à ce que les régions, compétentes en matière de ferroviaire métropolitain aient des moyens supplémentaires pour l’investissement dans les infrastructures, le matériel roulant et la signalisation. » Ce n’est pas la Région Île-de-France qui le démentira ! Rappelons que pour boucler son budget consacré aux transports publics en 2023, l’exécutif francilien a connu ces derniers mois des débats homériques qui se sont conclus par une hausse historique du passe Navigo (+12 %) et une subvention exceptionnelle de l’État de 200 millions d’euros. Pour 2024, la Région Île-de-France cherche toujours de nouveaux soutiens financiers, pérennes cette fois, pour le secteur.

Encore une fois, on l’aura compris, rien ne pourra se faire sans financements nouveaux… Surtout, poursuit France urbaine, dans la mesure où le modèle économique des transports urbains est actuellement « fortement déficitaire et lourdement impacté par la hausse des prix de l’énergie ». Reste pourtant que l’association, qui n’entend pas être taxée de mauvaise volonté, se déclare toute prête, en conclusion de cette première réaction, « à engager un travail commun avec l’État et les Régions dans les plus brefs délais ».

Les associations d’usagers prudentes

Les usagers des transports, dès les lendemains de l’annonce du chef de l’État, n’ont pas été en reste. La Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut) a ainsi très rapidement fait connaître si ce n’est son enthousiasme, en tout cas, son assentiment et ses attentes. Il est vrai qu’elle travaille de très longue date sur le sujet. Dès… 2018, la Fnaut publiait ainsi une étude très complète sur la question, explicitée dans son bulletin d’information, qualifiant les RER métropolitains de « projets réalistes ». Les usagers plaidaient déjà, il y a cinq ans, pour que « les grands projets ferroviaires ne concernent pas que les voyages de longue distance ou le transport du fret ».

De nombreuses métropoles de province, expliquaient-ils, possèdent d’ores et déjà une « étoile ferroviaire » sous-utilisée. Des RER, complémentaires des services TER traditionnels, pourraient donc utilement desservir le cœur des agglomérations. Étroitement connecté aux transports urbains – tramways, bus, métros… –, ce réseau permettrait « d’absorber une circulation automobile envahissante et d’éviter la construction de nouvelles infrastructures routières… ». Bref, de supprimer ces véhicules polluants que l’on cherche désormais par tous les moyens – vélos, covoiturage, tramways, ZFE, etc. – à éradiquer, pour des raisons de pollution de l’air aussi bien que de santé publique.

Des projets discutés parfois depuis des décennies de Lille à Toulon

Et les usagers de se lancer dans le détail des exemples de RER qui leur paraissaient alors les plus pertinents. La Fnaut prenait ainsi l’exemple de l’agglomération toulonnaise, dont le projet est fort ancien et qui a connu ses premières discussions publiques dès 2016. Son document de concertation de 2019 note que « le projet de RER toulonnais permet d’envisager un quasi-doublement de la desserte TER dès la phase 1 du projet à l’horizon 2026-2028, avec des navettes entre Carnoules et la gare qui sera retenue à l’ouest de Toulon ». Dans cette agglomération de près de 450 000 habitants, enserrée entre mer au sud et moyenne montagne au nord, tous les axes routiers est-ouest sont saturés.

Quant à la ligne Marseille-Vintimille, qui développe d’ores et déjà les services d’un TER, elle est en limite de capacité. Une première gare, située en face d’un hôpital, est en cours de mise en service après un an de travaux. Des passages s’y feront régulièrement et fréquemment, une des caractéristiques du RER par rapport au TER. Mais ce n’est là qu’une toute première étape, le plus gros reste à faire…

À Lille, le projet, également ancien, a longtemps fait figure de serpent de mer : il réapparaît régulièrement, sous des dénominations variées, pour mieux se rendormir ensuite, mais connaît depuis quelques mois un nouvel élan avec l’intervention de la Société du Grand Paris qui a apporté son expertise à la réflexion lilloise. Au fil de l’histoire, bien des pistes ont déjà été envisagées, que l’on parle de Service Express métropolitain, de RER métropolitain ou de Réseau Express Grand Lille.

Début février, le gouvernement annonçait un plan d’investissement de 100 milliards d’euros, d’ici 2040, destiné à développer et améliorer le transport ferroviaire.

Le but affiché, ici comme ailleurs, est évidemment d’améliorer le service avec une fréquence renforcée en heures de pointe vers des villes comme Hazebrouck, Béthune ou encore Valenciennes. Arrêts plus fréquents, horaires plus réguliers, accessibilité meilleure : les atouts traditionnels du RER tel qu’on le connaît – hors dysfonctionnements… – en région parisienne sont cités dans tous les projets. Reste ici comme ailleurs à affronter la question des financements. D’où l’intérêt majeur du deuxième coup de théâtre de cette affaire, survenu avec le discours d’Élisabeth Borne, faisant état, début février, lors de la remise du rapport du Conseil d‘orientation des infrastructures, d’un plan d’avenir pour les transports assorti d’un budget de 100 milliards d’euros à investir d’ici 2040 !

100 milliards et un plan d’avenir pour les « transports du quotidien »

Premier objectif affiché par la première ministre : « Résorber les fractures territoriales, rompre l’isolement, redynamiser certains territoires (…) améliorer la vie de nos concitoyens. » Seconde ambition, qui va de pair avec la première et rejoint toutes les préoccupations des collectivités territoriales aujourd’hui, « la décarbonation », puisque les transports représentent le quart des émissions de gaz à effet de serre en France. Les infrastructures prévues, d’après la cheffe du gouvernement, « doivent être conçues pour permettre l’intermodalité ». Chacun aura reconnu là l’une des caractéristiques essentielles des RER…

Reste bien sûr à élaborer la déclinaison opérationnelle de ces objectifs. C’est dans le dialogue avec les collectivités que ce travail se fera, selon Élisabeth Borne, avec des mots évidemment destinés à leur plaire : « Ce dialogue avec les collectivités, c’est une impérieuse nécessité pour que chaque euro dépensé ait la plus grande efficacité, a ainsi affirmé la première ministre. Ce sont bien les collectivités qui ont en main les outils nécessaires pour que nos investissements améliorent le quotidien de nos concitoyens. »

Concrètement, les 100 milliards prévus d’ici 2040 s’attacheront cependant d’abord à mettre un terme au vieillissement du réseau et à le moderniser : c’est donc dans un premier temps de maintenance que l’on parle. Dans un second temps, il s’agira bel et bien de déployer les RER métropolitains « avec des trains plus nombreux, plus réguliers et desservant mieux les bassins de vie », a souligné Élisabeth Borne. Dès maintenant, des discussions devraient ainsi s’engager avec les exécutifs locaux pour déterminer calendrier, modalités opérationnelles et financement. Dans cette perspective, les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, comme l’aérien, et ceux qui dégagent des profits importants, comme les sociétés d’autoroute, pourraient être mis à contribution.

Tout, à en croire ce dernier discours, devrait aller vite : Élisabeth Borne a assuré que les préfets de région recevront, dans les semaines à venir, leurs mandats de négociation et une planification précise devrait être établie en juin ! Les projets des collectivités, à dire vrai, sont réfléchis de longue date. Elles attendent maintenant avec espoir de les voir se concrétiser, sachant que les financements sont prévus pour s’étendre jusqu’à 2040…

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