Dans un rapport publié le 25 janvier dernier, la Cour des Comptes dresse un état des lieux critique de l’organisation de la Métropole du Grand Paris, qui regroupe 130 communes d’Île-de-France (les 123 villes des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, 6 de l’Essonne et 1 du Val-d’Oise) et la Ville de Paris, soit plus de 7 millions d’habitants. Il faut absolument remettre l’ouvrage sur le métier, selon l’institution de la rue Cambon, qui propose trois pistes de réformes qualifiées de « pragmatiques ».
Par Christine Murris
Sévère Cour des Comptes ! L’institution, qui audite et examine la Métropole du Grand Paris (MGP) depuis ses origines, n’a guère varié dans son appréciation… Dès octobre 2017, elle critiquait la MGP dans un référé du Premier président au Premier ministre portant sur le sujet plus large de l’organisation territoriale de la région Île-de-France. Dès ce moment-là, la Cour regrettait la complexité introduite par la création d’une double intercommunalité sans réorganisation préalable des acteurs existants. Le devenir des quatre départements de Paris et de la petite couronne, déplorait-elle, n’avait pas réellement été déterminé, tandis que la place et le rôle des grands syndicats techniques en charge des principaux services publics locaux n’étaient pas davantage traités. La MGP manquait de moyens tandis que les Établissements publics territoriaux (EPT) disposaient de compétences moins étendues que les communautés urbaines…
Cinq ans après, le rapport publié fin janvier 2023 sur la MGP est tout autant sévère : selon lui, sept ans après sa création, la MGP peine à endosser son rôle d’organisateur de l’espace métropolitain et à assurer les compétences que la loi lui a concédées. Que faire ? La Cour des Comptes, tout en considérant que la réforme est nécessaire et urgente, propose dans un premier temps des « ajustements » car une refonte d’ensemble pourrait « ralentir, voire compromettre l’avancement d’importants projets engagés », notamment dans le cadre du plan de relance consécutif à la crise sanitaire, de la préparation des JO, de la politique d’adaptation au changement climatique ou de la réalisation du Grand Paris Express.
Trois scénarios de réforme
Il s’agirait donc, dans un premier temps et a minima, d’identifier les modifications qui pourraient permettre « une meilleure gouvernance, une intégration communale renforcée ainsi qu’un rééquilibrage territorial ». Au-delà de ces premiers ajustements, rapidement évoqués par la Cour des Comptes, la plupart des scénarios de réforme supposent de profondes évolutions institutionnelles et pourraient poser de nombreux problèmes, à commencer, avoue la Cour des Comptes, par des questions « d’acceptabilité par les élus ». D’autant que, reconnaît-elle, rien ne peut se faire sans leur assentiment… Dans ce contexte, trois scénarios de réforme plus ambitieux sont tout de même dessinés.
Le premier passerait par la suppression des EPT et l’absorption de leurs compétences par la MGP. Ce serait, assure la Cour, une « source de simplification » et cela renforcerait considérablement les moyens financiers de la MGP. Toutefois, « le risque existe que la MGP ne prenne pas en charge toutes les compétences exercées aujourd’hui par les EPT et que ce scénario se traduise finalement par un recul de l’intercommunalité ». Résultat, craint la Cour des Comptes, cela accroîtrait encore le constat d’une « métropole des maires », caractéristique d’ores et déjà considérée comme une faiblesse par l’institution de la rue Cambon. Pour elle, la « gouvernance partagée », qui se traduit par la recherche du plus large consensus, favorise au bout du compte l’émergence du plus petit dénominateur commun. Cette méthode, regrette l’institution, « n’est pas propice à la constitution d’un véritable projet de territoire comme l’ont démontré le report du plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement, et l’adoption d’un projet de schéma de cohérence territoriale plus indicatif que prescriptif ».
Simplifier le schéma global
La seconde possibilité serait l’adoption du modèle dit « de la marguerite ». La Métropole, qui aurait alors le statut d’un syndicat mixte, serait composée de la Ville de Paris et d’EPT dotés du statut d’EPCI à fiscalité propre (on voit se dessiner la marguerite, avec son cœur et ses pétales…). Elle pourrait aussi inclure les départements de la petite couronne et la région Île-de-France. Cette réforme « présenterait de réels avantages de gouvernance » car elle simplifierait le schéma global et réduirait le nombre d’acteurs (11 EPT d’importance comparable et une ville, plutôt que 131 communes très disparates) tout en renforçant l’intercommunalité au niveau des EPT. Ceux-ci gagneraient en autonomie financière vis-à-vis de leurs communes membres et la Métropole ne serait plus, ajoute la Cour des Comptes, « la gare de triage de l’ensemble des flux financiers, dotée d’un budget en trompe-l’œil ». La formule, pourtant, pourrait froisser bon nombre de maires puisque, remplacés par les présidents d’EPT, ils perdraient leur place au sein du Conseil métropolitain…
Enfin, une MGP composée des départements de la petite couronne pourrait être créée et ces derniers absorberaient les compétences des EPT. L’avantage pour la Cour des Comptes, qui donne décidément la priorité à la simplification, serait la suppression d’un échelon territorial et l’amélioration, du même coup, de la lisibilité d’ensemble de l’organisation territoriale. La Métropole nouvelle formule se trouverait « rééquilibrée » face au poids de la Ville de Paris et les politiques sociales, compétence centrale des départements, seraient ainsi mises en œuvre avec plus de cohérence et de complémentarité. Le risque serait, reconnaît l’institution, d’y perdre les avancées en termes d’intégration intercommunale permises par la création des EPT.
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