Si le résidentiel rencontre un franc succès auprès des investisseurs professionnels et des particuliers en région, le secteur du logement neuf – comme à Paris et en Île-de-France –, traverse une crise profonde. L’une des principales raisons ? Des édiles qui rechignent à bâtir de nouveaux logements et un État qui ne prend pas assez le sujet à bras le corps selon les spécialistes du secteur.
Par Pierre-Antoine de Kersaint
Dans les grandes métropoles régionales – comme à Paris et en Île-de-France – le segment du logement neuf traverse une crise profonde. Les promoteurs, aux prises avec un assèchement de l’émission de permis de construire et des contraintes environnementales accrues, ont le plus grand mal à (re)constituer une offre résidentielle neuve pour répondre à une demande toujours plus forte. « Cette crise du logement se transforme lentement mais sûrement en bombe sociale », stipule Hervé Legros, président-directeur général d’Alila. Le promoteur lyonnais, spécialiste dans la construction de logements aidés, cite un chiffre : dans la métropole lyonnaise est passée de 17 000 logements construits en 2017 à 2 500 en 2022. « Rappelons que si nous mettions des remparts autour de la métropole de Lyon, c’est-à-dire que personne n’y entre ni n’en sorte, la population augmenterait de 10 000 âmes par an. Il y a en effet 20 000 naissances pour 10 000 décès chaque année sur ce territoire », rappelle Vincent Pavanello, spécialiste immobilier et co-fondateur de l’association Real Estech.
‘‘Désattractivité’’
« Quelle que soit la couleur politique des grandes villes, selon Hervé Legros, les maires n’ont plus aucune volonté de bâtir du logement neuf. C’est un phénomène identique à Strasbourg, Nantes, Toulouse, Bordeaux… Et les présidents de métropoles ne peuvent les contraindre à construire. » Dans la métropole de Lille, où s’écrit un nouveau plan local habitat (PLH), la MEL se fixe pour objectif de produire 43 400 nouveaux logements et d’en rénover 57 000 d’ici 2028. « Même si l’agglomération prévoit d’y consacrer 100 millions d’euros par an, cela ne sera pas suffisant pour répondre à la forte demande », prédit un promoteur lillois. Pour Vincent Pavanello, le malthusianisme de certains élus s’explique désormais davantage par « des convictions idéologiques que par des calculs électoraux ». « Les exécutifs, au niveau des villes comme au niveau métropolitain, assument donc de mener des politiques de ‘‘désattractivité’’ qui passent notamment par la forte diminution des objectifs de construction », ajoute-t-il. À Bordeaux, ville emmenée par l’écologiste Pierre Hurmic, on se défend d’avoir accordé un nombre ‘‘record’’ de permis de construire en 2021. Sur un objectif de production de 3 000 nouveaux logements, la capitale girondine en produira à peine 2 000 cette année – dont 700 sociaux. « Même s’il est difficile de quantifier combien il manque de nouveaux logements, nous recherchons des alternatives à la construction neuve comme la réhabilitation de logements vacants. Sur notre territoire, nous en avons dénombré près de 3 000 ! », abonde Stéphane Pfeiffer, adjoint en charge du logement. Le label « Bâtiment frugal bordelais » – qui promeut le zéro artificialisation nette, la qualité et les matériaux biosourcés – va être prochainement rendu obligatoire dans le PLH. « Ce nouvel outil, poursuit Stéphane Pfeiffer, a été globalement bien reçu par les promoteurs. Certains se le sont déjà très bien approprié pour revoir leurs process de production. »
Flécher une partie de la TVA
Pour changer de braquet, les décideurs sortent du bois afin de dénoncer une carence du premier rôle d’un politique – qu’il soit national ou local – et surtout décliner des solutions. « Si nous nous sommes longtemps demandé s’il fallait transférer la compétence du permis de construire du maire à une autre autorité, comme l’État ou le président de l’intercommunalité, nous nous proposons plutôt de flécher une partie de la TVA générée par les logements neufs vers les collectivités », expose Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) (lire interview page 39). Quand pour d’autres, il serait judicieux de mettre en place des sanctions financières contre les édiles récalcitrants à la construction, comme le préconise Hervé Legros. Récemment, une certaine effervescence s’est fait ressentir sur le banc de la classe politique. Le ministre de la Ville et du Logement, Olivier Klein, a lancé un Conseil national de la refondation (CNR) du logement, quand la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a invité des députés à une table ronde « Logement : qu’est-ce qu’on n’a pas encore tenté ? ». « Il y a de nombreuses externalités négatives à la non-construction qui justifient l’intervention de l’État », estime Vincent Pavanello.
Généraliser l’usage de la PIL
Pour le patron d’Alila, qui a l’oreille du président de la République, il faut « un plan Marshall pour taper vite et fort, sans phosphorer dans des instances des politiques de ‘‘désattractivité’’ qui passent notamment par la forte diminution. des objectifs de construction », ajoute-t-il. À Bordeaux, ville emmenée par l’écologiste Pierre Hurmic, on se défend d’avoir accordé un nombre ‘‘record’’ de permis de construire en 2021. Sur un objectif de production de3 000 nouveaux logements, la capitale girondine en produira à peine 2 000 cette année – dont 700 sociaux. « Même s’il est difficile de quantifier combien il manque de nouveaux logements, nous recherchons des alternatives à la construction neuve comme la réhabilitation de logements vacants. Sur notre territoire, nous en avons dénombré près de 3 000 ! », abonde Stéphane Pfeiffer, adjoint en charge du logement. Le label « Bâtiment frugal bordelais » – qui promeut le zéro artificialisation nette, la qualité et les matériaux biosourcés – va être prochainement rendu obligatoire dans le PLH. « Ce nouvel outil, poursuit Stéphane Pfeiffer, a été globalement bien reçu par les promoteurs. Certains se le sont déjà très bien approprié pour revoir leurs process de production. » pléthoriques ». Le promoteur invite le législateur à voter des mesures d’exception. « Nous l’avons déjà fait en 2018 avec la loi d’exception relative à l’organisation des Jeux olympiques de 2024 à Paris. » En outre, celle-ci contient des mesures permettant que la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’une construction nécessaire au déroulement des JO puisse être opérée dans le cadre de la procédure intégrée du logement (PIL). « Il est urgent de généraliser l’usage de la PIL en zones tendues, pour toute opération de logements neufs »,invite-t-il. Pour rappel, en France, 4 millions de Français sont mal logés selon la Fondation Abbé Pierre, quand 1,7 million de ménages attendent encore un logement social d’après l’Union sociale pour l’habitat.
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