Connu pour diriger Châteauroux (Indre) depuis la vague bleue de 2014, Gil Avérous (49 ans) a mené tambour battant une carrière exclusivement tournée vers les collectivités locales. Mais qui se cache vraiment derrière cet édile à la tête de l’association Villes de France ? Portrait d’un fonceur teinté de fortes ambitions à peine dissimulées.
Par Aurélien Jouhanneau
Quand l’on prend Gil Avérous au téléphone pour tirer son portrait, il fonce sur Paris. Depuis que l’édile Les Républicains (LR) de Châteauroux a été élu à la présidence de Villes de France – association qui regroupe les communes de 10 000 à 100 000 habitants – en septembre dernier, son agenda ne lui appartient plus. En deux jours, il doit honorer une pléiade de rendez-vous, dont des rencontres avec David Lisnard, maire de Cannes à la tête de la puissante Association des maires de France (AMF), et le député LR Éric Woerth. Des pairs qui ont face à eux un fin connaisseur des politiques locales accessible. « Si Gil manque de charisme, sa simplicité et sa jovialité le rendent sympathique. Il gagnerait à casser son image de type trop lisse pour accrocher davantage la lumière des projecteurs », glisse un visiteur régulier. Benjamin d’une fratrie de sept enfants, l’Indrien obtient sa maîtrise en manage ment territorial en 1994, après son Deug de droit. « Si je caressais le rêve de devenir notaire, je suis rattrapé par ma passion pour les travaux publics et les chantiers. » Il enchaîne alors les expériences sur le terrain : de directeur d’une communauté de communes de l’Indre, Gil Avérous rejoint la Ville de Saint-Maur pour coiffer la casquette de directeur général des services de 2001 à 2008. Durant ce septennat, il noue des liens personnels avec l’édile de Châteauroux, Jean-François Mayet. « Il me propose un poste dans les ressources humaines de l’agglomération. Un poste que je refuse ! » À 35 ans, le jeune loup mûrit une tout autre ambition : celle d’être son directeur de cabinet. Avec acharnement, il y parvient et l’édile UMP finit par céder aux chants des sirènes.
Succession fratricide
Rapidement, le ticket Mayet/Avérous fonctionne comme sur des roulettes. « À la fois très différents, nous formons un couple complémentaire : lui est issu du monde l’entreprise, moi de l’administration territoriale. Il me laisse une totale autonomie pour gérer les clés de la ville. » Un ancien élu municipal le confirme : « Il n’y avait pas l’épaisseur d’une feuille à papier à cigarette. » Également sénateur, Jean-François Mayet (72 ans) annonce en 2012, deux ans avant les prochaines municipales, qu’il ne briguera pas un troisième mandat à la tête de Châteauroux. Et désigne pour dauphin… Gil Avérous. Une décision qui ne manque pas de diviser la majorité UMP sortante. Sur sept listes qui concourent aux votes des Castelroussins, trois sont issues des rangs de l’ancienne équipe municipale. Mieux, au second tour, des dissidents de droite s’associent à la gauche locale pour battre l’héritier Avérous. Convaincu qu’il doit imposer sa stature de chef incontestable – et régner sans partage –, il refuse de draguer ses alliés d’hier. « Je ne fusionne pas et je ne change rien à mon programme. » Au terme d’une quadrangulaire, Gil Avérous s’empare de Châteauroux avec 49 % des suffrages exprimés. « Plus difficile est la victoire, plus grande est la joie de gagner », empreinte-t-il au footballeur Pelé.
Fusion à la hussarde
Aussitôt intronisé maire et président de Châteauroux Métropole – communauté d’agglomération qui recense 14 communes – Gil Avérous revêt ses habits de manager issu de l’administration publique locale. Car il s’agit pour lui d’avoir des résultats à (très) court terme. « Je fusionne les équipes de la Ville et de l’agglomération pour trois raisons : éviter les doublons auprès de nos administrés, retrouver des marges financières pour pouvoir investir confortablement. » Cette lourde restructuration
menée à la hussarde en trois petits mois fait toutefois grincer des dents au sein des 500 salariés de l’agglo. « Avec le recul, j’aurais dû faire appel à un cabinet indépendant pour accompagner les équipes », reconnaît-il. Autre axe majeur de son premier mandat, dont il espère récolter les fruits : garder et attirer les jeunes talents sur le territoire castelroussin. Pour ce faire, il modernise l’image trop provinciale et ouvrière de la ville qu’il dirige. « Nous nous dé ployons pour muscler les offres d’enseignement supérieur et d’apprentissage post-bac, en particulier dans la maroquinerie et l’aéronautique. » Ambitieux et conscient qu’il a entrepris un remodelage de sa ville sur 15 ans, Gil Avérous est candidat à sa réélection en 2020 – une élection qu’il remporte dès le premier tour. « Ce nouveau mandat marque une réflexion globale de l’aménagement du territoire, avec un nouveau plan local d’urbanisme à l’échelle de l’agglomération. Notre enjeu tient à ramener des habitants dans le cœur d’agglomération avec une offre de logements qualitative, mais aussi de l’emploi et des commerces à Châteauroux », liste le manager ultra-local. Sans oublier de draguer à tout va le milieu sportif pour être l’hôte d’événements nationaux et internationaux. Un pari gagnant : sa ville a vu son nombre de nuitées bondir de 200 000 à 300 000 en 2020. Récemment, l’élu damé le pion à La Courneuve et décroché l’accueil des épreuves de tir et de partir pour les Jeux olympiques de 2024.
Sarkozyste et…
Si l’édile ne bénéficie pas de l’aura de certains grands barons politiques à la tête de grandes métropoles françaises, il n’en oublie pas moins de cultiver ses réseaux politiques au niveau national. Élevé dans une famille qui ne parle pas politique – mais qui vote à gauche – le jeune Gil Avérous est séduit par Jacques Chirac, qu’il rencontre au cul des vaches en Corrèze à la fin des années 1980 par l’intermédiaire d’un oncle agriculteur. « Je prends ma carte au RPR car j’apprécie sa stature de chef bonapartiste, ainsi que ses valeurs sur le travail et l’ordre. » Pourtant, Gil Avérous devra attendre… 2015 pour prendre des responsabilités nationales dans sa famille politique comme secrétaire national chargé de l’économie numérique. En 2016, le maire de Châteauroux trouve le bon prétexte pour se faire remarquer : il organise une visite de Nicolas Sarkozy, alors président des LR, au siège de Leboncoin. L’ex-chef de l’État s’était attiré les moqueries du Net pour ne pas connaître le site de petites annonces. Séduit par l’initiative, le candidat à la primaire de la droite et du centre pour la présidentielle de 2017 l’invite dans la foulée à dîner chez lui. « Depuis ce moment là, nous avons créé des liens amicaux forts », savoure Gil Avérous. Six ans plus tard, il se verra remettre la Légion d’honneur par Sarkozy.
…Macron-compatible
ar la candidature de Valérie Pécresse. « Vexé dans son égo de ne pas avoir été intégré plus tôt dans l’équipe de la candidate et tenté par Macron, Gil assurera le strict minimum », relate un briscard local de LR dans l’Indre. Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, l’élu castelroussin annonce qu’il démissionne de son poste de président du comité des maires au sein du parti Les Républicains. La raison ? LR n’appelle pas à voter au second tour pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. « La vision libérale de l’économie du chef de l’État me convient parfaitement, confie-t-il. Depuis sa ré élection, il ne considère plus de manière verticale les collectivités locales comme de simples supports de l’État, mais comme des partenaires. » Ses détracteurs lui prêteront des ambitions pour décrocher un maroquin. Par le passé, l’édile de Châteauroux n’a pas hésité à se démarquer de la doctrine LR sur le plan sociétal… En 2020, il réclame à nouveau, la dépénalisation du cannabis. « Légaliser le cannabis est le meilleur moyen de nuire et d’anéantir le trafic », estime-t-il. Par ailleurs, s’il n’a jamais caché son homosexualité, Gil Avérous n’apportera pas son sou tien au mariage pour tous en 2013. Pour autant, il refusera de signer le manifeste de la Manif pour tous. « Je n’ai jamais fait de mon orientation sexuelle un argument politique, même si je n’ai rien à cacher ! »
Et demain ?
Si la présidence de Villes de France n’était ni une évidence, ni dans ses plans de carrière, Gil Avérous goûte néanmoins son plaisir d’avoir été le « trait d’union » pour succéder à Caroline Cayeux, qui a rejoint le gouvernement l’été dernier. « Personne ne pouvait me taxer d’être inféodé à Macron avec mon étiquette LR. » La ministre l’avait désigné comme dauphin pour barrer la route à Luc Bouard, maire de la Roche sur Yon et proche d’Édouard Philippe (Horizon). Ambitieux et fonceur, l’édile de Châteauroux martèle qu’il n’est pas là uniquement pour assurer l’intérim à l’association. « Je serai candidat en 2023 sous le signe de la continuité et de la stabilité », confirme-t-il. Une candida ture dont il a déjà esquissé les contours. À savoir : renforcer les liens avec le Parlement et institutionnaliser les journées Villes de France. Convaincu qu’il n’a aucun rôle à jouer comme député ou sénateur – « m’enfermer dans une assemblée loin des réalités du terrain, ça ne me ressemble pas ! » – il a en revanche le sourire jusqu’aux deux oreilles à l’idée de décrocher, un jour, un maroquin. « Je ne vais pas men tir : servir mon pays au niveau national serait un honneur. » « Il en rêve depuis des années, abonde un élu LR et macroniste compatible. Son tour viendra quand il aura plus de coffre. De toute évidence, le bulldozer Avérous a déjà acté en son for intérieur – même s’il ne confirme pas encore – d’être can didat à un troisième mandat de maire en 2026.
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