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ZFE en Provence-Alpes-Côte d’Azur, des frictions dans l’air

par Johan Bataille-Finet
ZFE GRENOBLE
Temps de lecture : 4 minutes

Les métropoles Aix-Marseille-Provence, Toulon Provence Méditerranée et Nice-Côte d’Azur doivent se mettre au pas et réduire à tout prix la pollution de l’air, conformément au décret du 17 septembre 2020. L’instauration à géométrie variable des Zones à faibles émissions en 2021 n’est pas sans engendrer des frictions. Le point sur l’avancement de ce dossier dans les trois métropoles.

Par Marie Le Roux

La crise sanitaire a rebattu les cartes. Trois milliards d’euros ont été perdus en 2020 dans les transports publics urbains et ferroviaires, selon l’UTP (Union des transports publics et ferroviaires). L’équation devient difficile à résoudre pour les collectivités qui sont dans le viseur de la Commission européenne pour non-respect des normes sur la qualité de l’air. C’est dans ce contexte tendu que les métropoles du Sud élaborent en 2021 leurs périmètres de Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dans lesquelles la circulation des véhicules les plus polluants – identifiés au moyen des vignettes Crit’Air – sera limitée voire interdite (cf. OMF n°2). Elles positionnent le curseur avec plus ou moins de sévérité. « Avec la crise, les collectivités ont pris du retard », affirme Yves Le Trionnaire, directeur de l’Ademe en PACA. « L’Ademe assure l’accompagnement technique et alloue une dotation de 2 millions d’euros par métropole pour les aider à déployer leurs ZFE-m. À Marseille et Toulon, nous finançons les études de préfiguration. Marseille a bien avancé, Toulon devrait aboutir à la définition de son périmètre. Quant à Nice, où les études ont été réalisées en interne, les réflexions bloquent. »

1 800 poids lourds par jour sur la prom !

Paradoxe ! Nice doit inclure dans sa ZFE la Promenade des Anglais où circulent chaque jour 1 800 poids lourds, car c’est leur itinéraire de délestage de l’A8 pour se rendre en Italie. « C’est la vitrine de la ville, candidate à l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Le gouvernement n’a pas tenu ses engagements sur le déclassement de la Promenade [de la liste des routes à grande circulation] », dénonce Gaël Nofri, adjoint à la circulation, au stationnement et à la logistique du centre-ville. La municipalité n’a donc pas la main. « Nous avons souhaité prendre un arrêté interdisant la circulation des poids lourds sur cet axe. Mais le préfet a refusé au motif qu’il s’agit justement d’une route à grande circulation… ce qui est incompatible avec une ZFE ! », regrette Gaël Nofri. Autre point noir de la ville azuréenne, le péage Saint-Isidore qui entraîne un report de circulation dans le centre-ville. La ZFE de Nice, qui se limitera aux zones commerçantes et touristiques, ciblera en priorité le transport routier de marchandises qui représente 44 % des émissions de gaz à effet de serre de la métropole. « Le débat public va nous permettre d’échanger avec la population. Il devrait être lancé en mai/juin », poursuit l’élu, qui plaide en outre en faveur d’un contrôle automatisé via l’imposant réseau de caméras de la ville. Par ailleurs, l’installation de la ZFE devra s’accompagner d’une réflexion sur la logistique urbaine…

Renouvellement des véhicules

Du côté d’Aix-Marseille-Provence (AMP), la métropole a défini une zone de 19,5 kilomètres carrés, comprenant les artères traversant la Cité phocéenne et s’étirant sur les nouveaux quartiers d’Euroméditerranée au Nord de la ville. « Sur Euroméditerranée, le trafic va fortement se densifier avec l’installation de 20 000 nouveaux salariés et 30 000 ménages. Instaurer une ZFE revient à contraindre les accès des véhicules, ce qui peut devenir un frein d’accès à l’emploi », observe Nicolas Picheral, président du bureau d’études MOUVinnov, spécialisé dans les mobilités. Par ailleurs, la situation n’est pas sans contrainte sur le budget des collectivités. « Outre les poids lourds et camions de livraison de marchandises, les auto- bus, autocars et véhicules affectés sur les services publics métropolitains seront aussi concernés par les restrictions de circulation. Il faut bien évidemment mener une politique d’achat et de renouvellement pour tous les véhicules concernés, mais également prévoir des stations de recharge », précise Henri Pons, vice-président d’AMP chargé des transports.

L’offre de transports en commun revue ?

Quant à la ZFE de Toulon Provence Méditerranée, elle est encore en cours de définition. Elle suscite déjà des inquiétudes, notamment du côté de Transdev, opérateur du réseau de transport public Mistral. « Plus de 30 lignes sur 64 transitent par le centre-ville. Or, le parc de bus n’a pas été renouvelé en totalité. 140 bus propres vont arriver, dont 50 hybrides livrés d’ici juin et le reste en fin d’année, mais nous possédons encore 130 véhicules de l’ancienne génération. Nous ne connaissons pas pour l’instant le périmètre mais si, demain, les bus ne passent plus, l’offre devra être modifiée », observe Thierry Durand, directeur de la RMTT (Régie mixte des transports toulonnais).

Dans les villes du Sud, réputées pour l’incivisme des automobilistes, l’introduction progressive des ZFE, qui devra être adossée à un système de contrôle avec détection automatique des véhicules, risque de faire de vagues…

Les autocaristes font le plaidoyer de l’euro 6

En un an, les autocaristes spécialisés dans le tourisme accusent 87 % de pertes. Craignant que la situation empire avec l’instauration des ZFE-m (Zones à faibles émissions mobilité), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) s’est emparée du sujet. « Nous nous sommes battus pour inciter nos adhérents à investir dans des véhicules Euro 6. Aujourd’hui, les métropoles sont en train de rejeter cette norme au motif qu’il s’agit de motorisation diesel. Nous courons à la catastrophe ! Depuis un an, nous ne travaillons plus, nous avons investi 300 000 euros par véhicule, déprécié de 30 à 40 % en raison de la crise. Les échéances du Prêt garanti par l’État (PGE) vont arriver, tout comme la fin du report des crédits baux. Et nous ne pourrons plus les vendre. Nous plaidons pour un maintien de la circulation des véhicules répondant a minima aux normes Euro 5 et Euro 6 », explique Claude Ponsot, président de la Commission Tourisme FNTV et FNTV Provence-Alpes- Côte d’Azur. L’association professionnelle a sollicité par écrit les trois agglomérations de Nice, Toulon et Marseille pour une concertation qui pose clairement la question des restrictions de circulation et des critères techniques et énergétiques. « À Marseille, la nouvelle majorité ne veut plus des paquebots de croisière et, à Nice, Christian Estrosi rejette le tourisme de masse. À force de nous pousser hors des centres-villes, les groupes étrangers abandonnent Nice. Les tours operators ont eu le temps de comparer et, désormais, 30 à 40 % du marché va fuir pour séjourner sur la Riviera italienne entre Bordighera et San Remo », s’alarme Claude Ponsot.

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