Le dynamisme économique de la métropole lyonnaise en a longtemps fait un territoire de choix pour l’implantation des entreprises. Toutefois, la majorité écologiste souhaite emprunter un virage à 180 degrés en matière d’attractivité en privilégiant les projets entrepreneuriaux à fort impact positif pour le tissu local.
Par Joris Garmand
Durant sa campagne pour conquérir la présidence de la Métropole de Lyon en 2020, Bruno Bernard avait fustigé « le mythe de la croissance infinie », questionnant ainsi le mode de développement en vigueur sous l’égide de son prédécesseur, Gérard Collomb. Cela signifie-t-il que l’actuelle mandature espère en finir avec l’attractivité et l’accueil perpétuel de nouvelles entreprises et d’habitants ? Non, a tenu à clarifier Émeline Baume, première vice-présidente de la Métropole de Lyon, alors même que la capitale des Gaules a été qualifiée de métropole française la plus attractive pour la sixième année consécutive, selon une étude du cabinet Arthur Loyd. Par l’emploi du terme « mythe », Bruno Bernard tenait plutôt à déconstruire le récit du rayonnement entretenu par ses prédécesseurs, « sur la base d’emplois potentiellement créés d’après des projections à trois ans, par des sièges sociaux de grands comptes attirés par l’Aderly (Agence pour le développement économique de la région lyonnaise, ndlr). Ce n’étaient que des hypothèses », tance Émeline Baume. Il ne s’agit pas de ne plus attirer, mais d’attirer mieux, désormais. « Bien sûr que Lyon doit rester attractive, poursuit-elle. Mais notre responsabilité, c’est de garantir un cadre de vie acceptable pour toutes et tous, au sens large du terme. En intégrant l’emploi, le logement, les modes de déplacement, le sport ou encore l’offre culturelle. »
En rupture avec le modèle précédent
Pour maintenir cette cohésion sociale, l’actuelle équipe prévoit d’agir en rupture avec le modèle précédent, qui basait sa stratégie d’attractivité sur l’installation de grands sièges sociaux français et internationaux sur son territoire. « Chaque société est évidemment libre de s’implanter où elle le souhaite. Simplement, nous ne mettrons plus d’argent public pour accompagner des grands comptes qui ne servent pas les chaînes locales. La valeur apportée à un territoire ne se mesure pas qu’à travers l’emploi hypothétiquement généré », précise la première vice-présidente. L’exécutif territorial a donc fourni une nouvelle feuille de route à l’Aderly, financée à 70 % par la Métropole. À travers les deux programmes qu’elle porte – Invest in Lyon, focalisé sur l’attractivité économique, et OnlyLyon, qui concerne le marketing territorial –, l’agence doit privilégier les projets productifs à impact positif (santé, environnement, énergie, économie sociale et solidaire) au détriment du tout-tertiaire, ceci afin de répondre à trois volets stratégiques préalablement identifiés.
Favoriser l’économie circulaire
Première cible, l’abaissement de l’empreinte carbone de l’économie locale, conformément aux accords de Paris. À ce titre, l’économie circulaire est perçue comme un levier indispensable par la majorité écologiste. « Il nous faut des lieux de réparation, des lieux d’achat de seconde main et, dans le même temps, des industriels qui produisent des choses réparables, réutilisables », explique Émeline Baume. L’élue milite, entre autres, pour la mise en place d’un écosystème entre les recherches publique et privée, tourné vers ce modèle d’économie en boucle. La récente installation de Forvia (Faurecia) s’inscrit d’ailleurs dans cette démarche. « Ils implantent à Lyon leur centre R&D mondial sur les matériaux qui vont équiper nos voitures de demain, des matériaux durables, bio-sourcés ou à base de plastique recyclé », se félicite Bertrand Foucher, directeur général de l’Aderly. « Nous étions en concurrence avec huit autres villes européennes. Ils ont finalement choisi Lyon, notamment en raison de son tissu industriel et de son savoir-faire historique en matière de chimie. »
Accompagner tous les territoires
Vient ensuite le volet social, avec en ligne de mire, la réduction des inégalités – tant en matière d’emploi que de desserte – entre les résidents de divers secteurs géographiques de la Métropole. Rappelons-le, cette dernière im- plique un bassin territorial d’1,6 million d’habitants, englobant les aires de Bourg-en-Bresse, Saint-Étienne, Bour- goin-Jallieu, Roanne et Vienne, et ne peut pas se résumer à la seule prospérité de sa ville-locomotive. « Nous avons la volonté de favoriser un territoire multipolaire. Chaque territoire doit être un bassin de vie pluriel et nous devons faire en sorte de renforcer la coopération interterritoriale », affirme Émeline Baume. Suivant cette logique, la Métropole accompagne notamment le développement du territoire du Val de Saône ou celui de Porte des Alpes.
Intégrer la raréfaction des ressources
Le dernier enjeu consiste à affronter une phase de « raréfaction plurielle », selon les termes de la première vice-présidente. L’élue évoque à la fois une diminution des ressources naturelles, des talents et du foncier. « Spécifiquement sur notre région, le foncier disponible est extrêmement rare, constate Bertrand Foucher. On ne peut pas, aujourd’hui, candidater à des projets de giga factories qui nécessitent plusieurs dizaines d’hectares. »
Il identifie tout de même certains leviers – dont évidemment la réhabilitation de friches. En matière de compétences, le bassin est aussi soumis à un assèchement : « On déplore plusieurs milliers d’offres d’emploi non couvertes sur la région, indique le directeur général de l’Aderly. Conséquence, quand on arrive avec un projet d’implantation d’un investisseur français ou étranger, certains entrepreneurs locaux peuvent avoir une réaction de défiance. » Une tension sur les compétences et le recrutement qui a fatalement un impact sur la manière d’envisager l’attractivité… « On voit que l’équation de l’attractivité, qui était relativement simple quand les ressources étaient illimitées, l’est beaucoup moins aujourd’hui, Elle nous amène à redéfinir notre politique d’attractivité de manière beaucoup plus sélective », souligne Bertrand Foucher. En résumé : la métropole lyonnaise impose à l’agence de développement économique de se montrer plus exigeante et d’aller chercher des projets de qualité, qui répondent à des besoins spécifiques locaux.
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