Technocratique et trop rigide la France ? La crise liée à la Covid-19 a montré au contraire que notre pays était capable de s’affranchir du joug normatif. Le déploiement des pistes cyclables temporaires en milieu urbain en est le meilleur exemple. À Rennes et Lyon, les schémas cyclables ont été réalisés en trois mois… au lieu de dix ans. Un exploit dans un pays où la réglementation ralentit souvent l’action publique. Et si cette façon de faire se diffusait au-delà de l’urbanisme transitoire ?
Par Yoanna Sallese
Avec le premier confinement, on a vu fleurir un peu partout en ville de nouvelles pistes cyclables. Marquées d’un trait de peinture ou par des plots, ce fut simple et rapide. C’est ce que l’on appelle l’urbanisme tactique. Avant la crise, le moindre aménagement cyclable demandait plusieurs mois, voire plusieurs années d’études et de planification. Il fallait ensuite attendre les concertations citoyennes et le vote des élus. Sauf que pour faire face à l’urgence et aux besoins de déplacements hors transports en commun, les collectivités se sont affranchies – au moins temporairement – des procédures administratives. « Un coup de peinture suffit », affirme Catherine Pilon, secrétaire générale du Club des villes et territoires cyclables ! « Les élus avaient des projets de pistes dans leurs tiroirs et la crise leur a permis de les déployer sans crainte car ils pouvaient les modifier facilement. » Cette rapidité de mise en œuvre s’explique également par des coûts moins importants : « Souvent, les contraintes budgétaires ralentissent le traitement des dossiers, poursuit-elle, ce qui peut prendre plusieurs mois avant que les élus se mettent d’accord sur un montant. Alors qu’avec ces installations légères, les coûts sont minimes, ce qui accélère la procédure. » De fait, 84 % des collectivités ont étendu leurs réseaux cyclables entre mars et septembre derniers, selon les chiffres du Club des villes et territoires cyclables. Et sur un an, la pratique du vélo a augmenté de 10 %, ajoute l’association.
Un schéma cyclable en trois mois
À Rennes, Valérie Faucheux, adjointe à la maire en charge des déplacements, n’en revient toujours pas : « Voté en 2016, le déploiement de nos pistes cyclables devait prendre fin en 2026, précise-t-elle. En trois mois, une très grande partie de notre programme a été réalisé ! » La ville s’est notamment focalisée sur le centre-ville et ses pourtours, soit sept kilomètres de nouvelles pistes. Pour l’élue : « Cette facilité d’aménagement avec un simple marquage au sol nous permet de repenser la ville autrement et de faire diminuer le nombre de voitures. De plus, nous avons constaté un changement de catégorie de cyclistes : les personnes âgées et les familles se déplacent davantage à vélo. » Dans le même temps, la ville a modifié son plan de circulation et a réaménagé les quais nord de la Vilaine où passaient plus de 5 000 automobilistes par jour. « Nous avons créé un double sens cyclable pour limiter le trafic routier », explique l’adjointe. Début septembre, la tendance s’est inversée : près de 5 000 vélos étaient comptabilisés chaque jour contre 1 000 véhicules motorisés, soit une augmentation de 150 % de cyclistes sur ce tronçon.
À terme, l’objectif pour la métropole est de se doter d’un réseau express vélo, soit 105 kilomètres de pistes qui devraient relier Rennes aux communes de la première couronne, à horizon 2024. D’ici dix ans, la Métropole espère atteindre 400 kilomètres de pistes sur le territoire et propose de consacrer 10 millions d’euros par an pour y parvenir.
Reste à sécuriser les pistes cyclables
Dans le Grand Lyon, là aussi, l’urbanisme tactique a permis de réaliser une grande partie du schéma cyclable adopté en 2015. « Quand les pistes ont été tracées, tous les maires étaient d’accord », rappelle Fabien Bagnon, vice-président de la métropole en charge de la voirie et des mobilités actives. C’est même devenu un argument de campagne électorale aux Municipales. Un consensus qui a permis de développer près de 60 kilomètres de voies cyclables pendant l’été. À présent, l’enjeu est de sécuriser ces aménagements temporaires. « Nous repérons les axes prioritaires pour concevoir de vraies pistes sécurisées, indique Fabien Bagnon. Cette phase va prendre du temps mais ce n’est pas un problème puisque les traçages sont déjà là. »
Il en est de même à Rennes où la collectivité est en train de revoir tous ses réseaux de chaleur. « Des travaux sont prévus sur six ans. Logiquement, il faudrait attendre qu’ils soient terminés pour sécuriser les pistes cyclables. » Mais pas de panique ! Valérie Faucheux en est sûre : « Grâce à l’aménagement transitoire, on rebondira rapidement en proposant de nouvelles pistes. »
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