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Dunkerque : un territoire au cœur de l’industrie et des énergies décarbonées

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 6 minutes

Depuis le début des années 1960, le développement de la sidérurgie et de la métallurgie a fait du territoire dunkerquois un bassin industrialo-portuaire majeur. Les implantations, à partir des années 1980, d’importants producteurs d’énergie l’ont également propulsé comme première plate-forme énergétique d’Europe. Résolument tournée vers le futur, l’agglomération entend devenir pionnière de l’industrie décarbonée, à l’instar du nucléaire et des énergies renouvelables. Pour ce faire, elle accompagne et encourage les entreprises enclines à réduire drastiquement leurs émissions de CO2. Coup de projecteur.

Par Pascaline Duban

En 2013, l’industrie et la métallurgie sont les premiers employeurs du territoire dunkerquois avec 7 300 emplois, suivies par la chimie-pétrochimie et le secteur énergétique. L’activité du port – 3e au niveau national – est encore largement liée à cette industrie : les minerais et le charbon représentent 40 % du trafic total. Mais dès 2014, Patrice Vergriete, à peine élu maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine (CUD), impulse un nouvel élan pour le territoire axé sur la transformation écologique du Dunkerquois et en s’appuyant sur une démarche de concertation unique en France – les États généraux de l’emploi local (Egel) –, qui durera neuf mois.

De ces Egel, la CUD acte la mise en œuvre de plusieurs chantiers d’envergure : le nouveau plan de mobilité ; la piétonnisation du centre-ville de Dunkerque ; la mise en place du bus gratuit ; la valorisation touristique avec une rénovation complète de la station balnéaire ; ou encore la mise en place d’une politique événementielle. Si le secteur du BTP local n’est pas en reste avec à la réalisation de grands équipements indispensables à l’attractivité

d’une ville centre d’agglomération, les secteurs industriels et portuaires se réinventent également. En 2017, année de la mise en service du Terminal méthanier, le Grand Port Maritime présente son projet Cap 2020. Ce dernier s’articule autour du creusement d’un nouveau bassin et de l’extension des zones logistiques. En outre, ces deux éléments structurants doivent permettre au port de Dunkerque de devenir l’un des maillons clés de la chaîne de distribution des marchandises en Europe, tout en quadruplant la part du trafic de conteneurs en 2035 (28 %) – contre 7 % en 2016.

À l’avant-garde de l’écologie industrielle

Entre-temps, le territoire voit son rôle de pionnier de l’écologie industrielle s’affirmer sur plusieurs fronts. Dès 2018, Ecocem France prend possession de sa nouvelle unité de production de ciment écologique valorisant le laitier sidérurgique, en partenariat avec son voisin ArcelorMittal. Puis, c’est au tour d’Indachlor d’annoncer l’installation d’une unité de recyclage de résidus de production chlorés. Sans oublier la mise sur les rails du projet d’« autoroute de la chaleur » de 30 kilomètres porté par le port de Dunkerque. Son objectif ? Permettre aux entreprises qui produisent de la chaleur de la revendre à celles qui en ont besoin. Enfin, en 2020, l’extension du réseau de chaleur historique local – qui fonctionne depuis le début des années 1980 via la récupération de la chaleur fatale d’ArcelorMittal – se concrétise grâce à un « nœud énergétique ». Unique en France, cette installation est réalisée en partenariat avec plusieurs industriels, la CUD et Dalkia (exploitant du réseau).

Accélérer la transformation industrielle

Au-delà, les Egel ont démontré la nécessité de soutenir l’émergence d’une « industrie du futur » plus compétitive, résiliente, créatrice d’emplois d’avenir, et surtout décarbonée. Un travail immense quand on sait que le territoire génère aujourd’hui encore 21 % des émissions industrielles de CO2 en France – soit 13,7 millions de tonnes re- jetées en 2020. Très vite, l’agglomération dunkerquoise s’empare du sujet avec le lancement, dès 2016, du programme Euraénergie. Un plan d’action conçu pour accueillir les projets d’avenir dans les domaines de la transition, de l’efficacité énergétique et de l’écologie industrielle, tout en intégrant la dimension d’économie circulaire.

Parallèlement, le territoire s’engage, en partenariat avec le monde économique, portuaire et universitaire local, dans le dispositif gouvernemental « Territoires d’Innovation ». Désigné lauréat de cet appel à manifestation d’intérêt en septembre 2019, Dunkerque bénéficie d’un fonds de 37 millions d’euros pour mettre en place un volet d’actions pour accélérer la transformation industrielle du territoire. Cette dotation annoncée par le gouvernement permettra ainsi la concrétisation de projets valorisés à hauteur de 288 millions d’euros.

Rester un site majeur de production nucléaire

Pour réussir cette transition, l’agglomération entend conserver son statut de producteur d’énergie incontournable à l’échelle de l’Hexagone en misant sur l’existant, le nucléaire, et les énergies renouvelables. Concernant le nucléaire, le territoire est déjà au sommet et compte bien y rester grâce à la centrale nucléaire de Gravelines – la plus puissante d’Europe de l’Ouest –, avec ses six réacteurs d’une puissance de 900 MW chacun. Mais la décision du gouvernement d’y implanter deux réacteurs de nouvelle génération EPR à l’horizon 2035 vient évidemment conforter les ambitions et la stratégie du territoire de devenir un pôle industriel décarboné. Pour mémoire, la centrale nucléaire représente actuellement 74 % de l’électricité consommée dans la région Hauts-de-France et 8 % de la consommation électrique nationale. Sans oublier qu’elle reste un poids lourd économique avec 2 000 emplois directs, auxquels s’ajoute un millier de prestataires à demeure. Le grand carénage – un investissement de 4 milliards d’euros destiné à prolonger la vie de la centrale au-delà des 40 ans tout en produisant de manière sûre et sécurisée – a d’ailleurs permis aux entreprises locales de se placer sur des marchés importants de maintenance et de monter ainsi en compétences. Ces dernières étant exportables bien au-delà du territoire.

Miser à fond sur les énergies renouvelables

Sur le front des énergies renouvelables, plusieurs programmes sont achevés ou en cours. Le premier fonctionne depuis 2018 : il s’agit d’un démonstrateur « Power-to-Gas » porté par Engie. Connu sous le nom de « projet GRHYD », celui-ci injecte 20 % d’hydrogène sur le réseau gazier qui alimente en énergie une centaine de logements et un centre de soins d’une petite ville de l’agglomération. Les autres projets concernent l’implantation à horizon 2027 d’un champ éolien offshore d’une puissance de 600 MW au large des côtes dunkerquoises ; l’arrivée prévue d’une unité de production d’hydrogène vert portée par le Français H2V ; et l’implantation d’une centrale photovoltaïque au sol sur un total de 20,3 hectares sur des terrains du port de Dunkerque.

À cela se greffent deux autres projets à la pointe de l’innovation. D’une part, le « DRI », porté par ArcelorMittal et Air liquide, qui doit aboutir à la création d’une unité dédiée de production d’hydrogène bas carbone de façon massive, régulière et à coût abordable. D’autre part, le projet « Reuze » initié par Infinium et Engie, en partenariat avec ArcelorMittal, dont l’objectif sera de fabriquer un carburant bas carbone à partir du CO2 pour les secteurs du maritime et de l’aérien.

L’enjeu majeur de la décarbonation

Cette transition écologique passe aussi par la décarbonation de la production des acteurs industriels locaux. Vaste chantier sur lequel ArcelorMittal, un des principaux émetteurs de CO2 sur le territoire, est en première ligne – puisque visant une diminution de 35 % de ses émissions d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour ce faire, le sidérurgiste n’a pas d’autre choix que de « réinventer sa façon de fabriquer l’acier » en évitant l’utilisa- tion de matière d’origine fossile, le charbon en premier lieu.

Une enveloppe de 1,4 milliard d’euros sera consacrée à cette révolution du process qui, pour schématiser, verra l’hydrogène remplacer le charbon afin de réduire le minerai de fer nécessaire à la fabrication de la fonte. ArcelorMittal a fait ses calculs : 4,5 millions de tonnes par an d’émission de CO2 devraient ainsi être économisées. Mais le sidérurgiste veut aller plus loin encore… Comment ? Avec son projet pilote de captation du CO2 en fonctionnement depuis mars 2022. L’objectif ? Stocker et réutiliser le dioxyde de carbone. Lancé dans ce processus de décarbonation, ArcelorMittal est convaincu qu’il n’est pas seul.

S’appuyant sur le territoire dunkerquois – dont il sait pouvoir compter sur les infrastructures dédiées –, il veut « jouer collectif » en embarquant collectivités, institutions et industriels pour réussir la transformation indispensable au maintien de la plate-forme industrialo-portuaire et à l’amélioration de l’impact environnemental.

Un territoire d’accueil

La transition de l’agglomération, c’est aussi l’accueil de nouvelles industries innovantes, directement issues de la décarbonation. Pour cela, la CUD sait pouvoir compter sur le port de Dunkerque qui, avec ses 3 000 hectares de foncier disponible, se révèle être un aménageur du territoire à part entière. La création de la Zone grandes industries (ZGI) a été décisive dans cette réindustrialisation du territoire. Aménagée sur 125 hectares immédiatement disponibles grâce à l’anticipation de toutes les démarches administratives par le Port, la ZGI permet aux industriels de réduire considérablement le temps entre l’annonce du projet et sa concrétisation.

Située à proximité immédiate des réseaux d’eau potable et industrielle, de gaz, de la fibre optique, elle dispose aussi depuis 2021 d’un nouveau poste électrique construit « en anticipation » des futurs besoins. « La création de cette infrastructure d’envergure témoigne de l’ambition collective que nous portons pour faire du Dunkerquois un écosystème industrialo-portuaire de premier plan sur la scène internationale », appuie Patrice Vergriete. C’est d’ailleurs cette facilité d’installation qui a conduit le Français Verkor à y installer une usine de production de cellules et modules de batteries électriques à grande échelle. Pour mémoire, ce projet doit conduire à la création de 1 200 emplois d’ici 2027.

De nouveaux défis à venir

Dunkerque, laboratoire de toutes les transitions, vit une situation inédite : alors que le taux de chômage y est historiquement bas – 8,2 % à l’heure actuelle contre 11,6 % en 2014 – et que la main-d’œuvre manque cruellement pour certains métiers, le territoire absorbera 16 000 nouveaux emplois à échéance de dix ans. Pour se préparer à ce renouveau industriel d’ampleur inégalée, l’agglomération entend relever deux défis majeurs. Premièrement, former sa jeunesse aux métiers du futur, pour que ces emplois créés profitent avant tout à ses habitants. Deuxièmement, construire des milliers de logements afin d’accueillir de nouveaux résidents. Assurément, Dunkerque n’en a pas fini de se transformer pour mieux défendre sa place incontournable de territoire au cœur de l’industrie décarbonée.

 

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