Accueil Tour d'horizonEntretiens « Sous les deux mandatures précédentes, rien n’a été fait pour lutter contre l’artificialisation des sols »

« Sous les deux mandatures précédentes, rien n’a été fait pour lutter contre l’artificialisation des sols »

par Johan Bataille-Finet
Temps de lecture : 3 minutes

Alors que l’Assemblée nationale vient de voter le projet de loi « Climat et résilience », issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, Jean-Luc Fugit, député LREM du Rhône, répond aux principales critiques de l’opposition. Il revient sur la polémique autour des mesures contre l’artificialisation des sols et évoque les questions de pollution en tant que président du Conseil national de l’air.

Propos recueillis par Sébastien Fournier

Le projet de loi comporte des avancées mais beaucoup reprochent son manque d’ambition. Vous entendez ces critiques ?

Certains reprochent le manque d’ambition et d’autres que nous allons trop loin, de mettre à mal l’industrie automobile par exemple. C’est la facilité de l’indignation. En réalité, nous mettons en place une écologie de l’action. Une écologie du concret en matière de consommation, de mobilité, de logement, d’urbanisme notamment. Dans ce texte, nous avons essayé de rendre possible la mise en œuvre des mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat. Et nous en avons ajouté d’autres. Vous savez, en matière d’écologie, on peut faire de grandes déclarations mais il importe d’être concret. Et être concret, ça veut dire imaginer des processus d’accompagnement. C’est ce que nous faisons. Mais il y a toujours un jeu politique. Il ne vous a pas échappé que nous sommes à l’approche d’élections locales et d’enjeux nationaux…

Le texte fait l’impasse sur plusieurs propositions de la convention citoyenne, vous en convenez ?

Pour une raison simple, certaines propositions ne relevaient pas de la loi mais du réglementaire. D’autres concernaient par ailleurs l’international. Il est donc normal de ne pas toutes les retrouver dans la loi. J’ajoute que certaines mesures sont prévues dans le projet de loi de finances. Nous n’allions donc pas les reprendre dans le texte dont nous parlons. La convention citoyenne a été un extraordinaire exercice de démocratie participative mais maintenant il y a le travail parlementaire. Le texte est encore en cours d’examen, il peut encore évoluer.

Est-ce que la crise due au Covid-19 n’a pas atténué l’ambition malgré tout ?

Certaines mesures auraient pu être votées avec des trajectoires plus exigeantes en terme de mise en œuvre. Mais nous avons tenu compte de ce que nous vivons en ce moment. Pour autant nous refusons l’inaction et souhaitons être constructifs. Nous sommes sur un chemin étroit. Il ne faut pas avoir d’œillères ni être dans la brutalité. Ce texte, justement, ne fait pas d’obligation sans accompagnement. C’est le cas en matière de véhicules propres notamment.

On ne peut pas à la fois dire on a un problème de santé et ne rien faire.

Parmi les mesures votées, figure l’extension des Zones à faibles émissions (ZFE) aux agglomérations de plus de 150 000 habitants. Ce dispositif n’est pas simple à mettre en œuvre, certaines collectivités qui y sont aujourd’hui contraintes demandent des délais supplémentaires. Ne faudrait-il pas commencer déjà par les faire appliquer ?

On ne peut pas à la fois dire on a un problème de santé et ne rien faire. Il faut agir pour éviter le dépassement des seuils de pollution observé dans certaines agglomérations, Les ZFE, ce sont des outils locaux de planification des déplacements. Ils démarrent en douceur parce qu’ils ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Une vingtaine d’agglomérations ont décidé de s’y engager dont une dizaine qui sont obligés par la loi Mobilité. D’ici 2024, nous allons élargir le dispositif à 35 agglomérations. Cela ne doit pas se faire n’importe comment. Lorsqu’on met en place ce genre de mesure, il faut y aller de façon progressive, non de façon punitive. Nous devons également faire de la pédagogie et de l’accompagnement en aidant celles et ceux qui n’ont pas suffisamment de moyens à changer de type de véhicule. Différentes mesures ont été prises à cet égard.

En Allemagne, il y a 98 zones de restrictions de circulation de type ZFE et en Italie, 118. On devrait pouvoir y arriver en France. Aujourd’hui, la pollution de l’air on est tous à la fois victime et responsable. C’est un bien commun qu’il faut partager.

En matière de lutte contre l’artificialisation des sols, le texte interdit la construction de nouvelles surfaces commerciales, mais pas les entrepôts du E-commerce… C’est un « deux poids, deux mesures » ?

Ce n’est pas exact. Nous avons traité les questions de logistique dans le texte. Elles concernent tout particulièrement les collectivités locales. La bétonisation infinie, ce n’est plus possible. Tout le monde partage ce constat, au-delà des clivages politiques. Nous avons souhaité donner un cadre législatif évolutif afin que les acteurs locaux aient le pouvoir de juger avec la Commission départementale d’aménagement commercial. Dans les territoires, chaque situation est différente. L’élargissement des zones artisanales et commerciales doit être apprécié de façon circonstanciée.

Attention à ne pas tomber dans les caricatures et dans le slogan électoral. Vous savez, la majorité actuelle aura fait énormément pour l’environnement quand bien même certains pensent que c’est insuffisant. Sous les deux mandatures précédentes, rien n’a été fait pour lutter contre l’artificialisation des sols. Alors ça me fait sourire quand certains nous donnent des leçons à longueur de journée.

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