Au 1er juin 2021, les ports du Havre, de Rouen et de Paris ne formeront qu’un : Haropa. Ce nouvel établissement, doté d’une enveloppe de 1,450 milliard d’euros, ambitionne de rafler des parts de marché à ses concurrents européens. Les trois ports français, complémentaires, partent avec des points forts. L’heure est désormais à la création d’une stratégie commune plus efficace, notamment en matière de multimodalité.
Par Juliette Kinkela
Grande nouvelle pour les acteurs de l’Axe Seine. D’ici le 1er juin prochain, les ports du Havre, de Rouen et de Paris fusionneront, après trois ans de réflexion. Réunis au sein d’un groupement d’intérêt économique depuis 2012, ils intégreront un établissement unique : Haropa. L’objectif est de peser dans la compétition européenne grâce à une stratégie commune. La France possède déjà un avantage : le pays est la deuxième puissance maritime mondiale en termes de superficie grâce aux espaces marins d’Outre-mer. Cependant, elle est moins bien classée en termes de parts de marché face aux ports européens de Rotterdam, d’Anvers et de Hambourg. Pour Frédéric Le Roux, délégué général de l’association Paris Seine Normandie, il est grand temps de lever ce paradoxe. « Le port, c’est la base de l’économie. Malheureusement, en France, on ne sait pas assez tirer profit de ce potentiel. La moitié des importations maritimes en Île-de-France, première puissance économique d’Europe, vient par Anvers ! », déplore-t-il.
Les choses pourraient bientôt évoluer dans le bon sens. Pour commencer sa nouvelle vie, Haropa sera doté de 1,450 milliard d’euros (dont la moitié provenant de l’État), soit environ 800 millions d’euros pour Le Havre, 260 millions d’euros pour Rouen et 370 millions d’euros pour Paris. Une enveloppe qui permettra aux trois ports de développer leur plan stratégique commun jusqu’en 2025.
Créer une offre globale
Il s’agira ainsi de miser sur la complémentarité des trois ports afin d’offrir une offre globale. Car si Le Havre est surtout spécialisé dans le trafic de conteneurs (c’est le premier port français dans ce domaine, mais aussi pour le commerce extérieur) et d’hydrocarbures, Rouen se distingue par les importations de céréales. Paris et son réseau francilien de 70 sites portuaires fluviaux misent quant à eux sur le transport de vracs industriels, notamment les matériaux de construction.
Pour améliorer leurs capacités, des investissements dans la qualité des infrastructures seront nécessaires. Parmi les projets phares déjà engagés, on note au Havre la poursuite des travaux menés sur Port 2000 qui permettront d’augmenter la capacité d’accueil des plus gros porte-conteneurs. Il reste, à ce jour, la réalisation de deux postes à quai qui devraient être opérationnels d’ici 2023. À Rouen, on fait notamment le choix d’accélérer sur la logistique, en particulier sur les zones industrielles de Honfleur et sur Rouen Vallée de Seine Logistique. À Paris, il s’agit, entre autres, de travailler à la création de Port Seine- Métropole Ouest, une plateforme multimodale (eau, fer, route) destinée à accueillir des matériaux du BTP d’ici 2025 à Achères. Objectif : accélérer l’exploitation d’une carrière sur le site mais aussi tirer profit du développement des constructions du Grand Paris Express et des Jeux olympiques.
Le nouvel Haropa compte enfin combler le fossé qui le sépare des « géants nordiques », plus aguerris en termes de multimodalité.
Renforcer le report modal
Si le Grand Paris est aujourd’hui en pleine réflexion pour développer une logistique multimodale efficace, il en est de même pour Haropa. « L’idée n’est plus de faire du port à port, mais d’avoir une vision globale qui permette de livrer de la porte à la porte », insiste Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris, association qui rassemble des opérateurs fluviaux et terrestres. Le nouvel Haropa compte enfin combler le fossé qui le sépare des « géants nordiques », plus aguerris en termes de multimodalité. « Sur les conteneurs qui arrivent à Hambourg, 50 % partent en train. Au Havre, c’est seulement 5 %, le reste passe par la route », indique Frédéric Le Roux. « Un port n’existe que par sa capacité à irriguer l’intérieur des terres », rappelle-t-il. C’est aussi ce que l’on appelle « l’hinterland ».
Une amélioration devrait prochaine- ment arriver avec l’ouverture, au printemps 2021, de la ligne Serqueux-Gisors. Ce nouvel axe ferroviaire permettra de renforcer la desserte du port du Havre par les rails. En outre, le plan stratégique d’Haropa prévoit un report mo- dal de l’ordre de 30 % à l’horizon 2025. L’établissement entend ainsi renforcer les modes fluviaux et ferroviaires grâce à des partenariats avec SNCF Réseau mais aussi en créant de nouveaux espaces logistiques le long de l’Axe Seine, sur ses terrains ou sur des sites voisins.
Ses forces et ses faiblesses, Haropa les connaît. L’établissement n’a plus de temps à perdre : mi-février, les ports belges d’Anvers et de Zeebruges ont annoncé leur fusion !
Le privé veut plus de sièges au conseil« Haropa veut passer d’un port aménageur à entrepreneur. Soit, mais comment veut-il y parvenir sans associer les entreprises », questionne Olivier Jamey, président de la Communauté portuaire de Paris et vice-président de Seine Port Union, une fédération de communautés d’entreprises. Pour lui, c’est clair : le privé doit siéger en nombre dans les instances de « décisions opérationnelles » d’Haropa, condition sine qua non pour concurrencer les autres ports européens. « On a affaire à des ports qui fonctionnent avec une culture marchande depuis des siècles. Alors qu’en France, on fonctionne avec un port d’État, ce qui est très utile en termes de capacité d’investissements sur les infrastructures. Mais pas en termes de performance », regrette-il. Les acteurs économiques ont encore quelques mois pour se faire entendre. |
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