Forte de ses nombreux atouts et ses projets structurants, la métropole toulousaine compte diversifier son économie pour miser sur les filières d’avenir à l’exemple de la médecine du futur, du numérique et des mobilités décarbonnées. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, revient sur sa nouvelle feuille de route pour un territoire au rayonnement national, mais aussi international.
Propos recueillis par Aurélien Jouhanneau
Année après année, la métropole toulousaine s’est transformée en l’un des territoires les plus attractifs de France. Quels sont ses principaux atouts ?
En effet, l’essor démographique de notre métropole est continu. Avec entre 5 000 et 8 000 nouveaux habitants chaque année, Toulouse, 4e plus grande ville de France, a pris la tête du classement des villes connaissant la plus forte croissance démographique en 2020, d’après l’Insee. Aujourd’hui, Toulouse figure au Top 3 des très grandes métropoles, selon Arthur Loyd, et au 2e rang pour la qualité de vie. Notre travail porte ses fruits ! La richesse de l’offre culturelle et sportive, et la douceur de vivre du Sud-Ouest font que les nouveaux habitants qui viennent travailler sur notre territoire s’y installent le plus souvent durablement. Le premier vecteur d’attractivité reste bien entendu l’emploi. En outre, les secteurs de l’aéronautique et du spatial – dont Toulouse est reconnue comme la capitale européenne – génèrent près de 80 000 emplois et les filières comme la santé du futur, la recherche ou le numérique, 3e écosystème français, recensent 51 000 emplois.
Quelle est votre ambition économique et urbaine pour l’ensemble de la métropole ?
Notre ambition, pour la période 2022-2026, est de travailler concrètement afin de garantir la pérennité de nos emplois et développer les secteurs qui créeront ceux de demain. Toulouse Métropole doit créer les conditions de la réussite pour nos entreprises et être une chance pour nos entrepreneurs ! Nous travaillons chaque jour à l’augmentation de la capacité et de la qualité d’accueil de nos entreprises. Notre objectif : faire émerger et soutenir des sociétés à fort potentiel de croissance. Sur le plan urbain, nous créons les conditions de vie agréables pour les habitants, dans tous les quartiers et toutes les communes. Nous faisons en sorte que leurs mobilités soient facilitées, fluidifiées et sécurisées en façonnant les axes de circulation de manière à laisser plus de place aux transports en commun, aux déplacements à vélo ou à pied. Nous profiterons du projet de la 3e ligne de métro pour aménager plus d’espaces dédiés aux services, des commerces de proximité et des espaces verts dans tous les quartiers.
Quid de votre nouvelle feuille de route économique post-crise sanitaire ? En outre, quelles filières économiques souhaitez-vous privilégier et soutenir sur votre territoire ?
Notre nouvelle feuille de route est la traduction concrète de la réflexion menée dès les premières heures de la crise sanitaire. Elle s’inspire du rapport rendu par la Mission Toulouse, territoire d’avenir – parrainée par Jean Tirole, prix Nobel d’économie toulousain, et présidée par Marion Guillou, membre du Haut Conseil pour le climat – constituée à ma demande d’une quinzaine de personnalités pour penser le monde d’après. Avec cette nouvelle stratégie, nous entendons préparer notre territoire et nos entreprises pour affronter les défis qui se présentent ! Ce pari implique à la fois d’investir massivement dans les domaines les plus porteurs, ceux qui créent les emplois de demain, de confirmer notre leadership mondial et européen dans les secteurs de l’aéronautique et du spatial, et de diversifier notre économie. Plusieurs secteurs ont été identifiés, comme notamment la médecine du futur, le numérique, les mobilités décarbonées, le tourisme ou l’agroalimentaire. D’autres secteurs comme l’artisanat et le commerce de proximité – qui représentent un des premiers pôles d’emploi avec près de 50 000 salariés –, l’économie circulaire permettant de réduire les problématiques d’approvisionnement ou l’économie sociale et solidaire, de plus en plus présente dans toutes les filières, figurent également parmi les secteurs que nous soutenons déjà et que nous soutiendrons encore davantage d’ici 2026.
Comment la Métropole s’est-elle montrée résiliente face à la crise sanitaire ?
Dès 2021, alors que les déclinistes et les défaitistes nous promettaient un effondrement industriel et dans l’adversité d’une crise sanitaire inédite, notre territoire et nos forces vives ont montré leur capacité de résilience. Cela ne s’est pas fait en un jour, ni sans efforts ! Mobilisant, dès le printemps 2020, tous les moyens de la collectivité, notre plan de relance métropolitain de 95 millions d’euros a pleinement joué son rôle pour sauvegarder notre tissu économique et nos emplois locaux. Or, dès 2021, déjouant les prévisions, l’emploi est reparti à la hausse avec +1,1 %. 2022, s’annonce sur la même tendance, nous laissant espérer un retour à la normale en 2023. Notre plan d’investissement de 7,5 milliards d’euros, porté par la Mairie de Toulouse, la Métropole et Tisséo sur la période 2021-2026, est le plus important de France ! La dynamique de croissance que nous souhaitons insuffler par cet investissement record doit être profitable à tous les secteurs.
Bas carbone, transition écologique, défi climatique, crise énergétique… Quels sont vos objectifs en la matière ?
L’enjeu est essentiel, à Toulouse comme ailleurs. Toutefois, nous avons choisi d’opter pour une écologie de solution plutôt que pour une culpabilisation systématique, contreproductive. Nous ne souhaitons pas opposer fin du monde et fins de mois… Pour contribuer à réduire les factures d’énergie de nos concitoyens, tout en les accompagnant dans leur transition écologique, nous conjuguons exigence, quant à la qualité énergétique des nouvelles constructions, et aide à la rénovation énergétique des logements existants. Notre objectif : 7 500 logements rénovés par an, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs créé en février un guichet unique – la Maison de l’Énergie – pour apporter conseils et suivis personnalisés aux particuliers comme aux professionnels, y compris les syndics de copropriété. La collectivité doit aussi continuer de donner l’exemple ! Nous nous engageons à ce que tout bâtiment neuf que nous construirons intègre l’énergie photovoltaïque, tout en continuant de doter les équipements anciens et les parkings de panneaux photovoltaïques. Nous sommes prêts également, par exemple, à généraliser la démarche de commande publique verte et l’étendre aux subventions et aux délégations de service public.
Et en matière de mobilité ?
Pour faciliter le développement des déplacements décarbonés, nous encourageons la pratique du vélo par des aménagements et le doublement de la prime vélo pour les particuliers et les entreprises. La mise en service de Téléo, le téléphérique urbain le plus long de France, en mai dernier, et le démarrage des travaux de la 3e ligne de métro, fin 2022, sont des signaux forts en matière de transports durables ! Ils contribuent à réduire l’empreinte carbone des voyageurs et le nombre de véhicules en circulation dans nos villes.
La ligne LGV Bordeaux-Toulouse est-elle enfin sur de bons rails pour renforcer l’accessibilité à la métropole ? Si l’État et les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine soutiennent ce projet, en revanche, à Bordeaux, cela suscite des oppositions… notamment celle de son maire Pierre Hurmic. Ce dernier qualifiant ce projet de « sujet emblématique du monde d’hier »…
Cette ligne LGV est souhaitée par une grande majorité de Toulousains mais également par bon nombre d’habitants du Grand Sud-Ouest. Le soutien exprimé par la quasi-totalité des collectivités du territoire – à l’exception en effet de Pierre Hurmic – en est la preuve. Nous avons réussi l’exploit de fédérer l’ensemble des acteurs, l’État et l’Europe autour de ce projet dont le financement, obtenu à hauteur de 5,5 milliards d’euros auprès de 24 collectivités territoriales, a pu être bouclé en un temps record, en à peine six mois. Cette ligne, qui permettra aux Toulousains de se rendre à Paris en 3 heures, nous donne la formidable occasion de développer non seulement le fret ferroviaire dans notre région mais également les transports du quotidien. Dire qu’il s’agit d’un « sujet emblématique du monde d’hier », c’est une vision anti écologique qui fait fi des 7 millions de véhicules par an ou 280 000 tonnes d’équivalent CO2 économisés grâce à cette nouvelle ligne. Il est plus que jamais urgent d’être ambitieux et de faire confiance au génie de l’homme pour construire des équipements qui nous aideront à relever le défi climatique !
Revendiquez-vous l’étiquette de « président de métropole bâtisseur » ?
Construire pour construire n’a pas de sens ! Je préfère aménager pour servir et améliorer la qualité de vie de chacun, dans tous les quartiers, de toutes les communes. Pour atteindre cet objectif, je pense qu’il est essentiel de fédérer les 37 maires de la métropole ! Je m’y emploie et suis à l’écoute de nos concitoyens, quel que soit leur lieu de vie. Je soutiens le développement de services de qualité dans les quartiers, d’aménagements sécurisés, conviviaux et verdoyants en bas de chez eux. En parallèle, je soutiens aussi la richesse culturelle de notre territoire et j’encourage la dynamique sportive. Bien sûr, cela passe également par la construction de logements pour répondre à la demande et limiter une hausse des prix que le niveau de vie des Toulousains ne pourrait pas suivre, et d’équipements publics adaptés et de qualité (écoles, crèches…). Sans oublier de favoriser des aménagements facilitant les déplacements à pied ou à vélo et garantir une offre de transports publics de nature à réduire l’usage de l’automobile en ville et les embouteillages, notamment sur les courts trajets.
Le modèle des grandes villes – et des métropoles – est souvent décrié. Que dites-vous à ceux qui le critiquent ?
Depuis son origine, l’humanité a toujours cherché à se réunir pour concentrer les savoir-faire. Les villes sont, depuis toujours, le terreau des grandes évolutions et des grands progrès bénéfiques à tous. Vivre dans une grande ville, c’est tout à la fois pouvoir travailler près de chez soi, emmener ses enfants à l’école à pied ou à vélo, se soigner dans son quartier ou dans un CHU de pointe, faire ses courses à proximité. Certains désagréments sont objectivement inévitables, mais c’est justement notre rôle que de nous y attaquer ! Ceux qui tentent d’opposer villes et campagnes entretiennent un vieux fantasme consistant à penser que les grandes villes, repliées sur elles-mêmes, gardent pour elles toutes les richesses. Depuis 2017, nous avons mis en place des coopérations avec nos territoires voisins : le Gers, le Comminges, l’agglomération de Tarbes. Ces partenariats montrent à quel point le rural et l’urbain se complètent. Aucun village ne pourrait produire seul les 35 000 repas quotidiens pour nos écoles ! Et nous n’élèverons pas de vaches place du Capitole… Ces initiatives – qui favorisent la production locale, créent des circuits courts et permettent à chacun, quel que soit son budget, de profiter de produits locaux et de qualité – devraient être davantage soutenues par l’État pour qu’elles deviennent la norme pour l’approvisionnement de nos cantines, restaurants seniors, voire de nos professionnels de la restauration.
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