La mobilisation aura payé. Après avoir fait pression sur le gouvernement, les élus de la région Occitanie viennent d’obtenir un engagement de l’Etat en faveur de la ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et Toulouse. Ils attendaient depuis longtemps la concrétisation de ce projet maintes fois reporté. Récit d’un lobying efficace, plein de rebondissements.
Par Sébastien Fournier
Le projet de LGV Bordeaux-Toulouse, c’est un peu l’Arlésienne. Une chose dont on parle depuis longtemps mais qui ne se concrétise jamais. Il tient aussi du feuilleton avec ses rebondissements et ses ratés. En effet, la ligne est envisagée depuis les années 1980 mais sa création a été souvent reportée, suscitant la colère des élus locaux. Ils militent depuis longtemps en faveur de cette liaison à grande vitesse, rapprochant l’Atlantique de la Méditerranée, et reliant Paris à la ville rose en trois heures au lieu de quatre aujourd’hui.
Cahin-caha, le projet reçoit sa déclaration publique en 2016. Mais, patatras, celle-ci est annulée l’année suivante au motif que, s’agissant des modalités de financement, l’évaluation économique et sociale est insuffisante. C’est la consternation. De surcroît, en 2017, le gouvernement prend ses distances avec le projet. La création de lignes à grande vitesse n’a plus la cote car la priorité va aux transports du quotidien. En fait, il n’y a plus assez d’argent dans les caisses de l’Etat pour financer toutes les infrastructures ferroviaires. Et comme les réseaux régionaux de proximité souffrent depuis longtemps de sous-financements, le gouvernement les préfère aux projets à grande vitesse.
Le projet est relancé
Les élus locaux n’ont pourtant pas baissé les bras. A la faveur d’un lobbying incessant, ils ont réussi à remettre le projet sur les rails. Grâce notamment à une décision de justice de 2019 censurant le motif d’annulation de la déclaration publique. En 2020, ils ont même trouvé un allié de poids en la personne de Jean Castex, le « nouveau » Premier ministre. L’élu local est convaincu de l’utilité du projet. Il souhaite accélérer les choses et provoque une réunion de travail à l’automne avec les acteurs concernés.
Mais un soutien, aussi éminent soit-il, n’est pas toujours suffisant pour obtenir des engagements fermes. Le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, et la présidente PS de la région Occitanie, Carole Delga, viennent d’en faire l’expérience. Alors que le dossier n’avance guère, ils apprennent lundi 19 avril que l’Etat va financer un autre projet, la LGV Marseille-Nice, qui est loin d’être aussi avancé que celui de Bordeaux-Toulouse.
Le maire de Toulouse adopte une stratégie gagnante
Pour les élus locaux, cette nouvelle fait l’effet d’une arête coincée dans la gorge. Exaspérés, ils décident de réagir. A grand renfort de presse, ils fustigent une décision incompréhensible et demandent à l’Etat de tenir ses engagements. Ils convainquent même le quotidien régional, La Dépêche du midi, de monter à la hâte une pétition en faveur du projet. Profitant d’un déplacement du Premier ministre à Toulouse, samedi dernier, au sujet de la future ligne de métro, Jean-Luc Moudenc met les pieds dans le plat. Mais au lieu de manifester son agacement, l’édile adopte une toute autre stratégie. Si l’Etat peut se prononcer si vite sur un dossier si peu urgent que celui de PACA, il devrait pouvoir faire bien mieux sur le projet Bordeaux-Toulouse. L’argument fait mouche. Alors qu’il est sur le départ pour Paris, Jean Castex fait comprendre à Jean-Luc Moudenc que le gouvernement va corriger le tir.
Et cela n’a pas traîné. Mercredi dernier, dans un courrier adressé à Jean-Luc Moudenc et Carole Delga, le Premier ministre annonce finalement que l’Etat va s’engager à hauteur de 4,1 milliards d’euros dans le projet. Et pour attester de la clarté du message reçu, il précise qu’il est le plus avancé de tous les projets de ligne ferroviaire à grande vitesse. L’affaire est conclue !
Une grande victoire pour les partisans du projet
Immanquablement, Carole Delga et Jean-Luc Moudenc ont accueilli cet engagement avec « beaucoup de satisfaction », soulignant qu’il était « le fruit d’un travail important (…) par-delà les clivages politiques ». A dire vrai, les élus ont été surpris de la rapidité de la réponse du gouvernement. Si le coup d’accélérateur était attendu, on ne l’espérait pas dans un si court laps de temps.
Reste que cet engagement doit maintenant se concrétiser par la signature d’un accord formalisé entre l’Etat et les collectivités locales. Les acteurs locaux se disent particulièrement vigilants à ce que le calendrier soit tenu par l’État et la SNCF. Mais Jean-Luc Moudenc ne doute pas une seconde qu’il le sera. « Le projet est bel est bien lancé », affirme-t-il.
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