Rennes Métropole mène une expérimentation d’un an en accompagnant 2 000 habitants volontaires prêts à adopter un nouveau comportement en matière de mobilité. La preuve que la solution ne passe pas seulement par des infrastructures de transport.
Par Philippe Pottiée-Sperry
Rennes Métropole s’est lancée dans une démarche pour le moins originale, qui s’inscrit dans le cadre de son plan de déplacement urbain (PDU), adopté début 2020, pour réduire la place de la voiture. Elle a ainsi recruté, il y a près d’un an, 2000 habitants volontaires pour expérimenter un accompagnement personnalisé au changement de comportement en matière de mobilité. « Dans tous les territoires, les deux tiers des déplacements font moins de 3 kilomètres et s’effectuent en voiture dans 40 % des cas », souligne Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole délégué aux mobilités et aux transports. « Notre opération veut montrer que des alternatives existent, en ne passant pas forcément par de nouvelles infrastructures. » Le facteur humain du changement d’habitudes est essentiel. D’où l’importance d’une expérimentation à grande échelle qui se donne les moyens pour réussir, par l’importance du panel retenu, sa diversité et l’accompagnement des volontaires.
Adopter plusieurs écogestes
Baptisé « Les deux mille », le projet se déroule sur trois secteurs bien différents en termes d’urbanisme, de population et d’offre de mobilité : un quartier en cœur urbain, une commune en première périphérie et une autre plus éloignée. Mené avec le prestataire E3D-Environnement, il dure un an, jusqu’en septembre prochain, pour favoriser l’adoption de pratiques plus respectueuses de l’environnement, en particulier en matière de déplacements. Matthieu Theurier cite l’absence de bouchons durant la crise sanitaire, en juin 2020, grâce à une réduction de 10% de la circulation routière sur la métropole due au télétravail. De quoi faire réfléchir ! Tout a démarré au printemps 2021 par un courrier envoyé à tous les foyers des secteurs choisis pour leur expliquer l’opération et le besoin de recruter des volontaires.
Quelques exemples d’écogestes : coller un autocollant stop pub sur sa boîte aux lettres, refuser les sacs dans les boutiques, faire un trajet court à pied plutôt qu’en voiture…
S’en est suivi un démarchage à domicile qui a bien fonctionné. Concrètement, il leur était proposé d’adopter des écogestes suivant leurs prédispositions. Les premiers s’effectuent sur les thèmes de leur choix : énergie, eau, déchets, mobilité… «Délibérément, nous avons privilégié une porte d’entrée environnementale plus large, explique Matthieu Theurier. Il s’agit d’avoir une démarche progressive et globale pour faire évoluer les mentalités et les habitudes. » Quelques exemples d’écogestes : coller un autocollant stop pub sur sa boîte aux lettres, refuser les sacs dans les boutiques, faire un trajet court à pied plutôt qu’en voiture, tester le covoiturage deux fois par semaine… Ils varient selon les secteurs afin de s’adapter à leurs spécificités. Chaque volontaire s’est engagé au départ sur trois écogestes qui, au fil du temps, deviennent plus impliquants. Signe encourageant dès le début de l’expérimentation : 74 % des volontaires ayant identifié un trajet court effectué en voiture ont décidé de le faire à pied ou à vélo.
Un suivi régulier et personnalisé
Les ambassadeurs d’E3D-Environnement effectuent un suivi téléphonique régulier auprès de chaque volontaire, en moyenne toutes les six semaines. Ils disposent aussi d’une plateforme dédiée et de temps d’échanges. À cela s’ajoute un comité de suivi réunissant tous les deux mois les trois communes concernées, les services de la Métropole et le prestataire. La plateforme reste peu utilisée par les foyers mais permet aux ambassadeurs d’y mettre des témoignages des volontaires. Les différents services de la Métropole y ont accès pour suivre l’opération. « Le contact humain permet d’avoir beaucoup plus de résultats que par des outils purement numériques », constate Gilles Marchal, le directeur général de E3D-Environnement. À terme, l’objectif est de faire adopter naturellement par les volontaires des pratiques plus écoresponsables, en particulier dans le domaine des mobilités. Coût de l’opération : 300 000 euros. Parmi les premières leçons, Gilles Marchal indique que « l’approche multi-thématique sur la transition écologique (eau, énergie, déchets, mobilités) est la plus adaptée pour les habitants, en ne les braquant pas sur les seuls écogestes relatifs aux déplacements, souvent plus difficiles à accepter ».
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Bilan détaillé à l’automne
« Aujourd’hui, nous sommes à une moyenne de trois à quatre accompagnements par téléphone et/ou mail, souligne Gilles Marchal. Il s’agit donc d’au moins 30 minutes de dialogue personnalisé avec chaque foyer qui ont permis d’obtenir de vrais changements de comportement alors que nous pensions qu’il faudrait plus de temps. Cela montre leur responsabilité avec une évolution rapide de leurs pratiques. » Satisfait de cette mobilisation, Matthieu Theurier veut encore attendre pour voir si les nouveaux comportements s’ancrent bien dans le temps. Les études mobilités initiales sur les trois secteurs retenus sont re- conduites en ce moment pour recueillir des « données objectives » sur les changements d’habitudes.
Un bilan détaillé de l’expérimentation sera dressé cet automne avec des décisions prises avant la n de l’année. Si la méthode d’accompagnement amène des changements sur la durée, l’opération pourrait être déployée de façon plus massive sur la métropole à l’échelle de 100 000 habitants. La réflexion est aussi en cours pour son extension à d’autres secteurs. « Notre ambition est de générer de nouveaux comportements qui puissent convaincre et concerner progressivement et durablement l’ensemble de la population », conclut Matthieu Theurier.
Premiers résultats positifs« Sur l’ensemble des 2 000 volontaires, seulement 20 % ont abandonné l’expérimentation en cours de route. C’est un résultat très encourageant », souligne Gilles Marchal, le directeur général de E3D-Environnement. Alors que la plupart d’entre eux reconnaissaient au départ effectuer leurs trajets seuls en voiture, aujourd’hui, près d’un sur deux a accepté de covoiturer au lieu d’utiliser son véhicule en solo. De plus, 38 % des volontaires ont remplacé un trajet en voiture par un trajet à vélo. Jusqu’à présent, 94 % ont adopté au moins un nouvel écogeste et 63 % un nouveau comportement sur la mobilité. « L’accompagnement des populations au changement de comportement est indispensable pour obtenir des résultats lors de la mise en place ou le développement d’un service ou d’un équipement en faveur du développement durable », estime Gilles Marchal. |
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