Offrir une seconde vie – moins polluante – à un utilitaire, plutôt que mettre en circulation de nouveaux véhicules : c’est le pari de Phoenix Mobility. La toute jeune entreprise iséroise, qui bénéficie de la nouvelle réglementation sur ce sujet, vise la conversion à l’électrique de 100 000 véhicules d’ici à 2024.
Par Magali Tran
Le phœnix (ou phénix) est cet oiseau mythique dont la grande longévité s’accentue encore par sa capacité à renaître de ses propres cendres. Tout un symbole pour la jeune entreprise Phoenix Mobility, qui prolonge la durée de vie des véhicules thermiques en remplaçant leur moteur par une batterie électrique. À l’origine de ce qui était au début un projet de n d’études de l’école d’ingénieurs Grenoble INP, un constat partagé : « Un milliard de véhicules thermiques sont en circulation dans le monde. Si l’on veut opter pour une nouvelle mobilité, il faut des véhicules plus propres. Nous n’avons ni les moyens, ni les ressources, ni le temps pour les remplacer », explique Antoine Desferet, l’un des cinq co-fondateurs de Phoenix Mobility. D’où l’idée de convertir les véhicules existants à la motorisation électrique. Le projet de fin d’études s’est mué en projet d’entreprise. « Nous avons été encouragés par les membres du jury », se souvient-il. L’aventure débute donc… dans le garage de l’école d’ingénieurs.
Une offre constructeur peu développée
L’équipe décide de viser les véhicules utilitaires des professionnels et des collectivités. Le retour sur investissement est assez rapide puisque ce sont des véhicules dont la valeur à la revente reste importante et dont l’utilisation est intense. Autre avantage, l’offre constructeur en version électrique est peu développée et, lorsqu’elle existe, elle reste chère, de l’ordre de 65 000 euros sans options (et sans compter le coût de l’aménagement intérieur du véhicule, souvent nécessaire). Pour les professionnels, la conversion vaut le coup : en passant par l’atelier de Phoenix Mobility, la facture s’élèvera entre 15 000 et 25 000 euros (fourchette qui dépend de l’autonomie proposée, du modèle…) pour une batterie électrique garantie 6 ans (ou 300 000 kilomètres). Sans oublier les aides cumulables de l’État (5 000 euros pour un utilitaire) et de certaines collectivités, dont la Métropole de Grenoble (4 000 à 6 000 euros).
Décupler l’impact
Entretemps, les auspices se sont montrés favorables, puisque la réglementation a évolué. Ce principe de conversion des véhicules n’est en effet pas nouveau. Le « retrofit », c’est son nom, se pratique surtout au cas par cas, souvent par des passionnés voulant continuer à faire rouler des véhicules anciens. Mais, pour chaque modèle adapté, un accord du constructeur et une homologation étaient jusqu’à présent nécessaires. Or, pour Phoenix Mobility, l’enjeu est de changer d’échelle et d’impacter réellement le parc automobile. « Nous abordons le retrofit avec une vision industrielle », confirme Antoine Desferet. L’arrêté du 13 mars 2020 (pris en application de la loi d’orientation des mobilités) supprime l’accord constructeur et simplifie le processus d’homologation. Désormais, « lorsqu’on crée un kit de conversion pour un modèle, par exemple un Renault Trafic, il sera possible de l’installer dans tous les véhicules de ce modèle », précise l’entrepreneur. La boîte s’installe tout simplement à la place des composants thermiques qui sont retirés. « Nous avons conçu les kits avec un système de “plug & play” très simple à installer, dans une vision la plus standard possible », pour- suit-il. Cela permettra à l’entreprise de « décupler l’impact » de la conversion électrique en proposant ce système « rapide et facile à installer » à des garagistes. C’est l’objectif à atteindre pour le milieu de l’année 2021 : créer un réseau de garages partenaires qui seront formés pour ce type d’installation. L’autre développement prévu consistera en l’ouverture de deux antennes : l’une en Île-de-France, l’autre dans les Hauts- de-France. Il est loin le temps du bricolage dans un garage. Phoenix Mobility a déménagé dans un local de 500 mètres carrés à Saint-Martin-d’Hères et compte maintenant une vingtaine de salariés. D’ici à 2024, l’entreprise espère avoir converti 100 000 véhicules. Pour l’heure, une vingtaine sont prêts et n’attendent plus que l’homologation pour être remis en circulation.
« Lorsqu’on crée un kit de conversion pour un modèle, par exemple un Renault Trafic, il sera possible de l’installer dans tous les véhicules de ce modèle. »
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