Premier dans son genre, le téléphérique urbain de Brest séduit. Sa fréquentation ne faiblit pas et il figure même dans les guides touristiques. Surtout, il s’insère dans le tissu urbain, permettant de relier sans rupture de charge le centre-ville et le plateau des Capucins.
Par Magali Tran
Il y a eu les couacs, un accident, des moqueries… Mais aujourd’hui, presque deux ans après sa mise en service, le premier téléphérique urbain français est un succès, au moins par les chiffres. « Nos objectifs ont été atteints et même dépassés », assure Yohann Nédélec, vice-président de Brest Métropole en charge des Déplacements. « Nous envisagions, pour juin 2018, d’atteindre 750 000 voyageurs. Or nous avons fêté le millionième voyage à cette date. » « C’est un véritable engouement », confirme Jean-Luc Bouhadana, directeur de Keolis Brest, exploitant du réseau de transports en commun Bibus. La nouvelle liaison est même devenue un attrait touristique en tant que tel, figurant dans les guides : depuis les cabines, surplombant la rivière Penfeld à 70 mètres de hauteur, la vue sur la rade est imprenable. Surtout, le téléphérique accompagne le développement du plateau des Capucins. La nouvelle infrastructure permet une jonction en ligne droite des deux rives, entre le nouveau quartier, situé à mi-chemin entre les ponts de Recouvrance et de l’Harteloire, et l’hyper-centre.
1220 : C’est le nombre d’usagers qui utilisent le téléphérique urbain en 1 heure.
INTÉGRÉ AU RÉSEAU DE TRANSPORTS PUBLICS
« Un nouvel ouvrage d’art aurait coûté entre 120 et 150 millions d’euros, rappelle Yohann Nédélec, là où le transport par câble a représenté 25 millions d’euros. En outre, dans une logique de développement durable, Brest Métropole souhaitait privilégier les modes de déplacement propres. » Aujourd’hui, pour l’élu, « c’est d’une simplicité absolue, on circule à pied, sans présence de voitures et sans rupture entre les deux rives ». C’est aussi pour cela que le téléphérique a été intégré au réseau de transports en commun. « C’est l’un des facteurs de réussite : il y a une cohérence dans l’esprit de l’usager. Avec sa carte Bibus, il va partout », précise le vice-président. Cette intégration permet aussi de mutualiser les équipes de maintenance, comme le souligne Jean-Luc Bouhadana : « Nous avons recruté de nouvelles personnes à l’occasion de la mise en place du téléphérique, mais tout le personnel intervient sur les différentes lignes. » Revenant sur les incidents de mise en service, le directeur de Keolis Brest reconnaît des dysfonctionnements qu’il considère néanmoins comme « des problèmes de jeunesse. Il nous a fallu apprivoiser le système technique. Il faut garder en tête que c’est une innovation mondiale, avec le croisement des cabines “en saut de mouton” ». Aujourd’hui, le téléphérique urbain atteint 99 % de disponibilité. Toutefois, en cas d’incident, il ne peut pas être remplacé – et cela se voit ! –, contrairement aux rames de tramway ou aux bus.
PENSER LES MOBILITÉS DANS LEUR ENSEMBLE
Mais pour le transporteur comme pour l’élu, l’installation d’un téléphérique urbain ne doit pas relever d’un effet de mode. « Pour que ça marche, il faut qu’il corresponde à un besoin. Les mobilités doivent être pensées dans leur ensemble, dans une logique de territoire », insiste Yohann Nédélec.
La Fnaut (fédération nationale des associations d’usagers des transports) ne dit pas autre chose. Pour Jean Sivardière, son vice-président, « la définition d’un mode de transport doit partir du besoin de déplacement : qui va utiliser le transport, quel est le volume de clientèle potentielle ? ». À partir de ces données, « toutes les solutions techniques possibles doivent être examinée et, en général, il y en a plusieurs, poursuit-il. Le téléphérique urbain est pertinent dans deux cas de figure : dans les villes à deux niveaux, avec une ville basse et une ville haute, et pour le franchissement d’obstacles particuliers ». À Brest, avec la Penfeld, le dénivelé et la présence de l’arsenal militaire en contrebas, le téléphérique s’est imposé. Aujourd’hui, « il semble une évidence », affirme Jean-Luc Bouhadana.
À suivre à Toulouse Métropole ? Dans le Grand Paris ? Ou, pourquoi pas, pour une deuxième ligne à Brest Métropole, plus en amont du fleuve pour relier le quartier résidentiel de la Cavale Blanche à celui de Bellevue, où se trouve notamment l’université de Bretagne Occidentale…