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Réciprocité, des débuts difficiles

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 4 minutes

Les contrats de réciprocité, nés en 2014, n’ont pas connu un franc succès. La preuve, seulement trois ont été signés. Si des projets sont sur la table, les élus peinent à s’engager. En cause, un dialogue pas toujours évident 
et des conditions pas vraiment réunies.

Par Sébastien Fournier

Quel avenir pour les contrats de réciprocité « ville-campagne » ? Le sujet devrait être au cœur des discussions des prochains États généraux de l’Association nationale des Pôles territoriaux et des Pays (ANPP) qui se tiennent à Nancy les 8 et 9 octobre. Mais cette fois-ci, le ton pourrait être un peu plus amer. La raison ? Des territoires qui peinent à contractualiser et une faible mobilisation de l’État. Pourtant, tout avait bien commencé. Nés à l’occasion des Assises de la ruralité en 2014, les contrats de réciprocité avaient pour objectif de renforcer les coopérations entre les territoires urbains et ruraux. Il n’était pas encore question d’alliance, mais l’idée était là. « Il y avait une forte attente », dit un élu rural, rappelant que la création des métropoles avait à l’époque suscité certes de l’espoir mais surtout beaucoup d’inquiétudes…

À partir de 2015, ces contrats ont fait l’objet d’une expérimentation : trois ont été finalisés. Le premier a été signé en 2016 entre la Métropole de Brest et le Pays Centre Ouest Bretagne, et les deux autres en 2017, d’une part, entre la Métropole de Toulouse et le Pays Portes de Gascogne, et, d’autre part, entre la Métropole de Montpellier et la communauté de communes de Lacaune et Montagne du Haut Languedoc. Ils portent sur des coopérations dans les domaines de la santé, l’agriculture bio- logique, le tourisme, le développement économique ou encore la pérennisation de la filière bois. Depuis, de nombreux territoires ruraux ont manifesté leur intérêt pour la démarche mais aucun nouveau contrat n’a vu le jour. Et aucune généralisation n’est prévue en l’état.

À l’ANPP, on cache difficilement sa déception. Sans pour autant chercher des responsables, l’association pointe les difficultés à établir un dialogue sur le terrain. « Les pays et les petits territoires sont demandeurs mais pas les métropoles. Ils viennent avec des projets mais ça n’avance pas », déplore Michael Restier, le directeur de l’association. Pourtant, du côté de France urbaine, l’association des métropoles, qui a fait de l’alliance des territoires son credo, on assure que tout le monde y travaille…

« Il faut faire dialoguer les territoires entre eux, car nos habitants, eux, se moquent des limites administratives. »

Bernard Morilleau, président du Pays de Retz

UNE QUESTION D’ÉTAT D’ESPRIT

Hors, les choses sont plus compliquées. Les projets ou les réflexions avancent de façon inégale et les responsables ne sont pas toujours ceux que l’on dit.

« J’avais régulièrement des contacts personnels avec Johanna Rolland, présidente de Nantes Métropole, nous étions tous deux demandeurs d’une collaboration, c’est comme ça que ça marche ! », raconte Bernard Morilleau, président du Pays de Retz qui regroupe quatre inter-communalités proches de Nantes. Les deux territoires ont engagé une réflexion commune autour de quatre pistes de travail : la mobilité, le tourisme, l’économie et l’alimentation. « Nous avons organisé une rencontre entre nos élus. Apprendre à se connaître, c’est indispensable pour travailler ensemble », ajoute-t-il comme pour mieux souligner l’importance de l’état d’esprit dans les rapports entre élus. Les deux territoires avancent dans leurs réflexions. Ils comptent bien concrétiser leur collaboration d’ici 2019. Cependant, les relations entre métropoles et territoires ruraux ne sont pas toujours évidentes. Les rapports sont parfois condescendants. « On vient nous chercher quand on a besoin de nous », soupire Frédéric Terrien, directeur du Pays de Saverne. « Nous ne sommes pas la cinquième roue du carrosse », affirme-t-il.

Ce territoire vient toutefois d’amorcer des discussions avec l’Eurométropole de Strasbourg autour d’un projet dans le domaine de la santé. « Nous ne revendiquons pas d’avoir un CHU dans nos territoires, nous ne sommes pas naïfs, mais on n’est pas là pour se partager la petite monnaie », prévient-il. Si le projet avance, c’est bien parce que l’idée de co-construction a fini par l’emporter. Mais les difficultés ne viennent pas toujours des métropoles. Chez certains élus ruraux, l’opposition aux territoires urbains freine tout dialogue constructif. « Je suis fatigué de ces oppositions, si les métropoles semblent mieux servies que nos territoires, à nous de nous prendre en main pour éviter les fractures », prévient Bernard Morilleau.

DES BLOCAGES ET UNE FAIBLE MOBILISATION


Si les contrats de réciprocité peinent à voir le jour, c’est aussi en raison de blocages politiques et d’un contexte institutionnel chamboulé. « Le big bang territorial n’a pas facilité les choses. La refonte de la carte intercommunale est récente, il faut la digérer », explique un élu. Raymond Vall, le président de l’ANPP déplore également un manque de mobilisation derrière les territoires. Le gouvernement avait prévu une extension des contrats après l’expérimentation. Il avait été également question dans quelques cas d’un accompagnement financier.
 À ce jour, certains élus attendent encore. « Plutôt que d’envisager des contractualisations spécifiques, la logique de réciprocité et plus largement de coopération interterritoriale a vocation à structurer toutes les contractualisations existantes ou à venir, qu’il s’agisse de contrat de plan État-Régions, des contrats de ruralité, de pactes métropolitains comme des futurs contrats de cohésion », indique-t-on du côté du Commissariat général à l’égalité des territoires. « Quelles que soient les modalités, il faut faire dialoguer les territoires entre eux, car nos habitants, eux, se moquent des limites administratives », conclut Bernard Morilleau.

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