L’association France urbaine entend braquer la lumière des projecteurs sur les grandes villes, agglomérations et métropoles. Son premier vice-président Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, livre ses revendications et invite les candidats à prendre position sur l’avenir de ces territoires urbains.
Propos recueillis par Aurélien Jouhanneau
Comment France urbaine va-t-elle faire entendre sa voix dans le cadre de l’élection présidentielle ?
Avec Intercommunalités de France, nous avons élaboré une plateforme de 32 propositions concrètes que nous soumettrons à l’avis des candidats. Ces postulants à la magistrature suprême pourront prendre position lors d’une audition que nous organisons le 22 mars prochain. Face aux discours anti-métropoles qui perdurent, nous réaffirmerons devant eux l’importance des villes et agglomérations d’un point de vue économique, culturel et d’intégration sociale. Bien sûr, nous ne nions pas les problèmes sur nos territoires (pollution, mobilités, sécurité…), mais c’est avec des solutions innovantes que nous pourrons les régler, loin des faux procès dont nous sommes souvent victimes. Nous attendons du futur président de la République qu’il soit à nos côtés de manière stable et pérenne, car force est de constater que ce n’est plus le cas depuis deux quinquennats. En outre, pour les cinq ans à venir et au-delà, nous avons besoin de l’appui de l’État pour réussir plusieurs transitions, qu’elles soient écologique, sociale ou sécuritaire.
« Nos rapports avec l’État sont devenus totalement illisibles sur le plan financier et fiscal. »
Quelles sont vos revendications sur le plan fiscal et financier ?
D’abord, permettez-moi de partager un constat. Depuis 20 ans, sous tous les gouvernements successifs, l’autonomie fiscale des collectivités locales s’est détériorée. Recettes fiscales supprimées, compensations financières, dégrèvements… nos rapports en la matière avec l’État sont devenus totalement illisibles. De facto, nous avons le plus grand mal à apporter des réponses concrètes à nos concitoyens. Face à cette situation qui résulte d’une ribambelle de réformes qui ont durablement dégradé notre capacité d’agir, nous estimons nécessaire la mise en œuvre de mesures de simplification pour disposer d’une réelle autonomie à l’échelon local. Loin de nous l’idée d’un grand soir, nous demandons de disposer de recettes territorialisées pour développer l’habitat et accompagner le développement économique, plutôt que percevoir des dotations financières de l’État.
« Je regrette que les candidats à la présidentielle accusent les métropoles d’être des lieux de la mondialisation ultra libérale. »
À l’inverse de la ruralité et des villes moyennes, les grandes villes n’ont pas de caisse de résonance dans le débat. Le modèle des métropoles est-il devenu indéfendable, voire obsolète ?
Le doigt accusateur qui est pointé à l’encontre des métropoles n’est pas un phénomène nouveau : elles sont attaquées de toute part depuis la loi Maptam de 2014. Que les candidats à la présidentielle exaltent la France de la ruralité et des villes moyennes, c’est tout à leur honneur ! Toutefois, je regrette qu’ils accusent les métropoles d’être des lieux de la mondialisation ultra libérale. Ce discours discriminatoire a notamment pris racine autour de l’idée qu’Emmanuel Macron était le président des grandes villes. Or, le chef de l’État actuel n’a jamais pris de mesures pro-métropoles depuis 2017 ! En revanche, il a relancé la politique de la ville qui était bloquée sous son prédécesseur, notamment en faveur des quartiers les plus défavorisés. Pour plusieurs raisons, le modèle des métropoles est à défendre. D’une part, au regard de l’Histoire, aucune nation ne s’est bâtie sans de grandes villes.
Il serait donc antinomique de vouloir tirer un trait sur ces foyers de développement économique ! D’autre part, nos territoires sont solidaires : les deux tiers des Français qui vivent sous le seuil de pauvreté habitent dans les métropoles. Nous avons plus que jamais besoin de nos métropoles pour faire face aux enjeux liés au cadre de vie, au climat et à la transition énergétique.
« A part user de la formule fourre-tout de la « République des territoires » pour certains candidats, à l’heure actuelle, c’est l’encéphalogramme plat sur ce sujet. »
La loi 3DS ne symbolise-t-elle pas un retour en arrière pour les métropoles en matière de prises de décision ?
Je ne le crois pas ! Cette loi fait suite à la frustration légitime de territoires ruraux malmenés par la loi NOTRe de 2015. La loi 3DS est un texte d’ajustement et de bon compromis : la ruralité en sort renforcée sans venir affaiblir et détricoter les acquis de l’intercommunalité urbaine. Nous y relevons même des avancées en matière de logement et de transition écologique.
En revanche, il serait intéressant de savoir si les candidats à la présidentielle portent une ambition de réforme territoriale et de décentralisation. Car, à part user de la formule fourre-tout de la « République des territoires » pour certains d’entre eux, à l’heure actuelle, c’est l’encéphalogramme plat sur ce sujet.
L’élection des élus communautaires et métropolitains doit-elle se faire au suffrage universel direct comme le préconisent un certain nombre d’édiles et de parlementaires ?
C’est le sens de l’Histoire : nous devrons y arriver un jour comme c’est déjà le cas pour la Métropole de Lyon. Dans la loi Maptam de 2014, l’article 54 prévoyait l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct. Huit ans plus tard, nous attendons toujours le texte ! Mais, au sommet de l’État, on craint que ce type d’élection écrase les communes, voire les supprime.
À ce jour, nous n’avons pas trouvé la solution pour faire vivre cette démocratie directe à l’échelle métropolitaine sans venir perturber son plus petit échelon qui la compose. Dans la métropole lyonnaise, des communes rurales n’y retrouvent d’ailleurs pas leur compte. Ce modèle doit être bien observé : il opère la fusion entre le département et la métropole sur le territoire métropolitain. En outre, la suppression des départements reviendra un jour ou l’autre dans le débat, notamment dans les métropoles les plus importantes.
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