Accueil Dossiers 1982-2022 : 40 ans de décentralisation

1982-2022 : 40 ans de décentralisation

par Jarod Charbit
Temps de lecture : 3 minutes

Le 2 mars 1982, la France s’engage, non sans controverse, dans un processus de décentralisation. Une véritable rupture avec la tradition jacobine française. Depuis, de nombreuses lois sont venues redéfinir l’articulation des pouvoirs entre l’État et les autorités locales. Mais selon les Girondins, la décentralisation n’est toujours pas aboutie. L’occasion pour Objectif Métropoles de France de revenir sur les différentes phases de ce processus d’aménagement engagées depuis 40 ans : de la naissance au rendez-vous manqué.

Par Aurélien Jouhanneau

Acte I – La genèse

Suite à l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981, Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur, enclenche une vague de décentralisation sans précédent en faveur des collectivités locales. En un an et demi, trois lois sont promulguées – dont celle très symbolique du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Sur le terrain, elles se traduisent par plusieurs changements profonds : la disparition de la tutelle exercée par le préfet (contrôle de légalité a posteriori exercé), le transfert de l’exécutif départemental du préfet au président du conseil général quand les régions deviennent des collectivités territoriales à part entière. À ce titre, chaque conseil régional est élu au suffrage universel depuis 1986. De plus, les aides financières accordées aux collectivités locales par l’État sont globalisées sous la forme de dotations. Enfin, le pouvoir central transfère des blocs de compétences au bénéfice des communes, des départements et des régions. Pendant les années 1990, ce mouvement décentralisateur inédit se prolonge avec le renforcement de la coopération intercommunale et une loi relative à l’aménagement et au développement durable.

Acte II – Des départements renforcés

Avec Jean-Pierre Raffarin à Matignon, et sous l’impulsion Jacques Chirac depuis l’Élysée, l’Hexagone emprunte le sentier d’un acte II de décentralisation. Celui-ci prend naissance avec la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, suivie par plusieurs lois organiques nécessaires à son application. En outre, le texte fixe les principes de l’autonomie financière des collectivités territoriales – bien que ces dernières demeurent dépendantes de l’État. De nouvelles compétences sont transférées à chaque type de collectivités. Au total, ce sont les régions, et surtout les départements, qui sont les plus servis. Cet acte II déçoit à ce titre : Philippe Estèbe, géographe et directeur de l’Institut des hautes études d’aménagement du territoire (Ihedate), déclarera que ces collectivités sont des « agences départementales de l’État ».

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012) marque une rupture. Le gouvernement de François Fillon veut enclencher une simplification du « mille-feuilles » territorial français (intercommunalité renforcée, création des métropoles, possibilité pour les régions de fusionner) tout en fortifiant la démocratie locale. Ces mesures sont tirées des travaux du comité Balladur et promulguées dans la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2020. Mais surtout, ce texte vient contraindre les communes, départements et régions sur le plan budgétaire dans un contexte post-crise financière. Les collectivités locales sont davantage associées à l’État pour maîtriser les déficits publics. Côté fiscalité, la taxe professionnelle, déjà rabotée, est supprimée pour être remplacée par la contribution économique territoriale.

Acte III – Le grand chamboule-tout

L’élection de François Hollande à l’Élysée en 2012 est synonyme d’une nouvelle ère décentralisatrice. Cette volonté politique assumée au plus haut sommet de l’État prend forme à travers trois textes législatifs. Le 28 janvier 2014, la loi relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite loi Maptam – vient restaurer les libertés locales. Celle-ci supprime d’abord le conseiller territorial, rétablit ensuite la clause de compétence générale aux départements et aux régions, précise par ailleurs la notion de chef de file et effectue surtout une refonte du statut des métropoles. Au total, dix métropoles sont créées. À noter : Paris, Lyon et Marseille sont dotées d’un statut particulier. Cet acte III de décentralisation est complété en 2015 par la refonte des régions : leur nombre passant de 22 à 13. La même année est promulguée la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – dite loi NOTRe – qui redistribue les compétences. En outre, elle parachève la carte intercommunale et prévoit l’accroissement de taille minimale des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)… À noter, en toute fin du quinquennat de François Hollande, que le nombre de métropoles passe de 13 à 22.

Acte IV – Le rendez-vous manqué

À la suite du mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron décide d’organiser un Grand débat national début 2019. Il lance alors des ballons d’essai sur la différenciation et l’autonomie des collectivités locales, sans pour autant vouloir tout bouger. À l’époque, les élus, traumatisés par les années Hollande, veulent de la stabilité. Mais patatras, le Covid plonge la France dans une crise sanitaire. Il en résultera néanmoins la loi 3DS – relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – promulguée le 21 février 2022. Si ce texte offre des marges de manœuvre aux collectivités locales et conforte leurs compétences (logement, transport, transition écologique…), il est jugé technique. Réélu en avril dernier, le chef de l’État porte l’ambition de décentraliser à nouveau. Il donne rendez-vous aux élus locaux en janvier 2023 pour en dessiner les contours. S’agira-t-il d’un acte réussi ? L’avenir le dira.

 

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