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Quand souveraineté et réchauffement redonnent du souffle au nucléaire

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 3 minutes

La guerre en Ukraine a modifié le regard porté sur le nucléaire à l’échelle internationale et européenne. Ultra dépendante au gaz et pétroles russe, l’Union européenne en fait désormais un levier pour améliorer sa souveraineté, mais aussi pour lutter contre le réchauffement climatique.

Par Marc Fressoz avec Sébastien Chabas

Comment le nier ? Les bouleversements géopolitiques récents additionnés au constat lancinant du dérèglement climatique ont produit une réaction en chaîne inespérée chez les partisans du nucléaire : relégitimer cette source d’énergie pilotable comme étant la plus à même d’apporter des réponses aux questions à la fois de souveraineté et de décarbonation. En ayant boycotté le gaz et le pétrole russe après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, les pays de l’Union européenne ont expérimenté de plein fouet l’instabilité du marché mondial de l’énergie. « La guerre de Poutine révèle à quel point nous sommes dépendants des combustibles fossiles importés et à quel point notre dépendance à l’égard de la Russie nous rend vulnérables », a souligné la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans un discours en mai 2022. Et de préciser cette réalité : « 40 % du gaz importé dans l’Union européenne provenait de Russie » en 2021.

Sur un autre plan, les experts du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) tiraient près d’une année plus tard la sonnette d’alarme, affirmant que « la hausse de la température globale s’est encore accentuée ». Dans son rapport diffusé en mars 2023, le GIEC constate que le dérèglement s’emballe. « Le réchauffement du climat mondial dû aux activités humaines est un fait établi, faisant de la décennie 2011-2020 la plus chaude depuis environ 125 000 ans. » Les prévisions des experts ne portent guère à l’optimisme. « Les scénarios socio-économiques montrent que le niveau de réchauffement global de 1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle sera atteint dès le début des années 2030 et ce, quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO2. » Le réchauffement à horizon 2100 est estimé à 3,2 °C.

À la faveur de cette double actualité, le nucléaire civil est revenu positivement au cœur des débats. Dénigré hier, rejeté au profit des renouvelables, il est apparu subitement comme une solution durable pour répondre aux enjeux du moment.

À la faveur de cette double actualité, le nucléaire civil est revenu positivement au cœur des débats. Dénigré hier, rejeté au profit des renouvelables, il est apparu subitement comme une solution durable pour répondre aux enjeux du moment. Une évidence. En témoignent la constitution d’une Alliance pour le nucléaire devenue majoritaire au sein de l’Union européenne, ou le changement de pied de la présidente de la Commission (lire article pages…) ou même les déclarations du G7. « L’indépendance énergétique va de pair avec une forme d’autonomie stratégique », analyse Sylvie Bermann, la présidente du World Nuclear Exhibition, soulignant cette prise de conscience. « Pour protéger le climat, il est essentiel d’avoir une industrie qui ne produit pas de de CO2. » « L’énergie nucléaire convenablement maîtrisée est la seule forme d’énergie écologique massivement disponible aujourd’hui », écrivait Marcel Boiteux dans son livre Haute tension publié en 1983. La vision de cet ex-dirigeant d’EDF, l’un des pères du programme nucléaire, est en passe de se réaliser.

30 % d’énergies fossiles en 2035

Reste que dans la communauté mondiale des experts, les avis divergent encore. Certains, à l’instar des mouvements écologistes, prônent depuis longtemps la décroissance articulée avec la montée en puissance des énergies renouvelables, sans le nucléaire. D’autres prêchent la décroissance couplée au nucléaire et aux renouvelables, à l’image du Shift Project, l’association de Jean-Marc Jancovici. De son côté, le GIEC accorde dans ses dernières projections une part marginale à l’électricité nucléaire, placée derrière la géothermie, expliquant qu’au niveau mondial, l’atome civil part d’assez loin et que sa dynamique d’expansion ne sera pas aussi importante que celle des renouvelables. Aux yeux des experts du groupe, « les énergies renouvelables (solaire et éolienne) contribuent très fortement à réduire les émissions, à des coûts relativement faibles », ajoutent-ils. Les obstacles techniques au stockage de ces énergies non pilotables constituent toutefois une faiblesse.

En tout cas, à l’échelle française, on mise sur le nucléaire. Notre pays consomme environ 60 % d’énergies fossiles (pétrole, gaz et, résiduellement, charbon) dans son mix-énergétique. Il faudra, selon le gouvernement français, ramener le pourcentage autour de 40 % en 2030 et 30 % en 2035. « Ces évolutions conduiront inéluctablement à une augmentation importante de la part de l’électricité dans la production et la consommation énergétique, pour atteindre un niveau de l’ordre de 700 à 900 TWh en 2050, presque le double de notre production électrique actuelle », affirme Marc Fontecave, chimiste membre de l’Académie des sciences et du conseil scientifique d’EDF. Le programme de développement du nucléaire que le gouvernement démissionnaire a annoncé en 2022, va dans ce sens. Il faut toutefois qu’il soit confirmé. Et là, rien n’est vraiment certain.

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