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Les métropoles, ces mal-aimées

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 3 minutes

Supposées être les fers de lance de l’organisation territoriale, les métropoles font face à une pluie de critiques incessante : trop grandes, trop nombreuses, pas suffisamment efficaces… Les métropoles sont aussi accusées de garder les richesses qu’elles sont censées redistribuer. Retour sur leur création qui a enflammé le débat public.

Par Sébastien Fournier

La France n’a jamais aimé ses grandes villes. Terreau de la « marchandisation » pour les uns, lieu des crises systémiques pour les autres, elles font l’effet de repoussoir dans un pays encore attaché à son passé rural, pourtant révolu. Ici, dès qu’on parle urbain, il y a une levée de boucliers. L’avènement des métropoles en 2014 n’a pas dérogé à la règle. À cette époque, le gouvernement veut moderniser les territoires et former une armature urbaine avec une dizaine de grandes agglomérations. Les maires ruraux n’ont pas manqué alors de dire tout le mal qu’ils en pensaient, voyant les métropoles comme une menace pour la cohésion du territoire. Lors de l’examen du texte fondateur, des députés ont tenté de limiter leur portée. Ils ont même poussé l’absurdité jusqu’à défendre la création de pôles ruraux… aussi grands que les métropoles. Un prêté pour un rendu !

Le péché originel

On aurait pu en rester là mais, voilà, le gouvernement de l’époque a voulu aller plus loin. En 2016, peu de temps après l’installation des 14 métropoles, il a ouvert la voie à de nouvelles créations. Résultat, au 1er janvier 2018, on en comptait 22. Un cadeau électoral, diront certains, que François Hollande a offert aux élus locaux, avant la fin de son mandat. Pour les maires ruraux, cette extension fut de trop : l’État serait

devenu un défenseur d’un modèle insoutenable au détriment des petites villes et des villages. Un refrain que les élus ont alors servi à maintes reprises, sous forme de dualisation du territoire, comme prélude de la crise des Gilets jaunes. Ce mouvement, dont l’origine provient de la hausse des prix du carburant, a mis en scène ces oppositions, souvent dans la caricature, parfois dans la médiocrité : la France des métropoles, terreau de la mondialisation heureuse, contre celle qui souffre, « des petits et des sans-grade » relégués notamment dans le périurbain, un territoire délaissé par les pouvoirs publics. Le retour des fractures territoriales, en somme. L’actuel président de la République est lui-même devenu la cible des insurgés, symbolisant, dans son style et dans ses choix, l’idéologie libérale et territoriale qu’il conviendrait de déconstruire.

Des rapports pointant des insuffisances

Indépendamment de la crise des Gilets jaunes, ces critiques ont fait l’objet de plusieurs rapports, comme celui de la très sérieuse Cour des comptes, fin 2020. Selon la loi, « les métropoles doivent concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional ». Or, pour les magistrats, leur action de rayonnement se traduit peu sur le terrain. De quoi apporter de l’eau au moulin de ses contempteurs qui qualifient volontiers les métropoles de « châteaux forts » ou de « coffres-forts », parce qu’elles conservent toute la fiscalité locale. François Baroin, le président de l’Association des maires de France, n’avait-il pas dit peu de temps après leur création : « Les métropoles assèchent les territoires environnants. » ?

Ce même constat a également été fait par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par la sénatrice UDI Françoise Gatel. Les métropoles ne concourent pas vraiment à développer leur hinterland, dit en substance la délégation, malgré de bonnes pratiques observées, mais pas suffisamment nombreuses à ce stade. Les sénateurs relèvent par ailleurs que l’organisation des compétences entre la métropole et ses communes membres n’est pas claire, ce qui nuit à l’efficacité de l’action publique.

Des citadins fuient la ville

Aujourd’hui, la crise de la Covid-19 porte le coup de grâce. Avec la pandémie, des citadins eux-mêmes sont devenus les adversaires de la ville. Durant les confinements, ils l’ont quittée en nombre pour s’installer dans les campagnes. De cet exode urbain, on retiendra tous les désagréments auxquels ils ont souhaité échapper : le bruit, la pollution, le manque d’espaces verts, les logements exigus ou chers, ou encore les transports en commun bondés… Autant d’arguments qui serviront encore pour longtemps tous les opposants de la métropole.

Il serait temps de cultiver une envie d’urbanité, selon la formule de Magali Talandier, professeure en urbanisme à l’université de Grenoble (lire notre article). Et, surtout, de cesser les oppositions : la ville a besoin de la campagne et la campagne a besoin de la ville. Ce n’est pas en tapant sur l’une qu’on s’occupera de l’autre.

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Série noire pour les métropoles

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