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L’avenir des transports publics : la quadrature du cercle

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 6 minutes

Face à une demande grandissante, les transports publics vont devoir s’adapter pour transporter un nombre toujours plus élevé de voyageurs à l’avenir. Mais de lourdes incertitudes pèsent sur leur développement pour réussir le report modal qu’appelle la transition écologique. Il n’y aura donc pas une mais des approches différentes et adaptées à chaque contexte local pour parvenir à l’atteinte de cet objectif ambitieux.

Par Olivier Constant

Même s’il s’avère difficile d’établir les grandes lignes de l’évolution des transports en commun à l’avenir, on peut cependant s’appuyer sur les tendances récentes ou actuelles pour tenter d’en dresser les futures grandes évolutions. À commencer par l’augmentation de la fréquentation des réseaux, l’objectif du choc d’offres voulu par le GART et l’UTP étant de passer de 6,1 milliards de voyages en 2019 à 12 milliards d’ici 2034.

Effet de ciseau

Rien ne pourra se faire, toutefois, sans la résolution de la délicate équation financière. Car « le besoin d’un choc d’offres compte tenu de l’augmentation de la mobilité et de l’évolution des besoins de déplacements », évoqué par Alain Richner, vice-président de la FNAUT, ne pourra être rempli que si les finances sont là. D’où la question posée par un bon connaisseur des transports publics : « Quelles seront les marges de manœuvres en matière d’investissement ? ». Tout en remarquant à l’appui de ses interrogations que « les contrats de plan État-Région à peine signés, on ne sait pas véritablement les financer. Il pourrait donc y avoir un effet de ciseau entre une demande accrue de transport et moins de financement ».

Depuis l’avènement des services express régionaux métropolitains (SERM), ces inconnues financières ne s’expriment plus, en effet, en milliards mais bel et bien en dizaines de milliards d’euros.

Pourtant, 25 milliards d’euros ont été engagés par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) (hors Île-de-France) en faveur des mobilités du quotidien depuis 2008. Trente milliards d’euros devraient s’y rajouter d’ici à 2030. Mais cela ne sera toujours pas suffisant tant les besoins sont immenses.

Depuis l’avènement des services express régionaux métropolitains (SERM), ces inconnues financières ne s’expriment plus, en effet, en milliards mais bel et bien en dizaines de milliards d’euros. Des chiffres avancés ici et là évoquent des besoins pouvant aller jusqu’à 30 ou 35 milliards pour les seuls SERM. Ces chiffres considérables sont à mettre en parallèle avec les 100 milliards d’euros promis pour le développement du ferroviaire par le gouvernement d’Élisabeth Borne. Pourtant, il n’est plus fait mention actuellement de la ventilation des sommes (dont 25 milliards promis par l’État) qui pourraient être consacrées à tel ou tel projet, l’heure étant véritablement à la recherche d’économies du fait de la dégradation des comptes publics.

Propositions

Face au mur d’investissements nécessaires pour accompagner la croissance continue, voire exponentielle, de la fréquentation des transports publics, le GART met en avant une dizaine de propositions. « Nous proposons de réaffecter une partie des recettes de la route vers les transports collectifs. Toujours dans le domaine routier, nous souhaitons flécher une partie des recettes des concessions autoroutières vers la mobilité décarbonée. Nous avons, par ailleurs, différentes propositions quant aux plus-values immobilières autour des projets de transport », explique Alexandre Magny, directeur général du GART. Avant de compléter son propos en indiquant que « la Société des Grands Projets (SGP) est un outil parmi d’autres pour financer le développement des transports publics et notamment ceux des SERM. Ce qui nous préoccupe toutefois à ce stade, c’est que l’État n’a donné aucune indication financière à son engagement en faveur des SERM ».

« Une politique de mobilité ne peut se résumer à la gratuité. L’important, c’est l’offre de mobilité. Nous sommes donc plus attachés à la question de la tarification solidaire, celle-là même qui est payée en fonction des ressources des habitants. En résumé, la gratuité n’est pas transposable partout. » Le GART

La délicate équation financière qui peut s’apparenter à une quadrature du cercle tant les inconnues sont nombreuses concerne tout aussi bien la non moins délicate question de la gratuité des transports. Si, selon la FNAUT, « la gratuité des transports présente le risque de limiter la capacité d’investissement à l’avenir », de grandes métropoles comme celle de Montpellier font le pari du dynamisme de leurs entreprises pour compenser le manque à gagner. Pourtant, les bons résultats affichés par cette métropole n’ont pas convaincu le GART de la possibilité de généraliser ce dispositif. « Une politique de mobilité ne peut se résumer à la gratuité. L’important, c’est l’offre de mobilité. Nous sommes donc plus attachés à la question de la tarification solidaire, celle-là même qui est payée en fonction des ressources des habitants. En résumé, la gratuité n’est pas transposable partout ».

La délicate question de la gouvernance

Tous ces investissements sont d’autant plus cruciaux qu’ils doivent financer de nouvelles lignes de métro, tramways, bus à haut niveau de service, cars express et vélos, pour ne citer que quelques-uns des projets. Car comme le souligne encore Alain Richner, « les autorités organisatrices des transports étendent progressivement leurs périmètres d’intervention.

Certaines agglomérations comme celles d’Alès et de Dreux font plus de 1 000 km². Compte tenu des zones périurbaines à desservir, il faut donc que l’offre soit mise en rapport.

Certaines agglomérations comme celles d’Alès et de Dreux font plus de 1 000 km². Compte tenu des zones périurbaines à desservir, il faut donc que l’offre soit mise en rapport. Le report modal ne pouvant se faire que s’il y a une qualité de service, l’offre doit donc être plus importante et permanente tout au long de la journée, à l’exemple de ce qui existe déjà dans les pays voisins. Comme il y a une évolution des horaires de travail, il convient donc que l’offre de transport s’adapte à ces nouveaux comportements du quotidien. Ce n’est qu’au prix de cette continuité de service que les habitants de ces territoires seront prêts à abandonner leur véhicule, même partiellement ».

Cette extension de territoire mais aussi la conduite de nouveaux projets en site propre pose clairement la question de la gouvernance. Et notamment le problème aigu de la compétence voirie. « Le développement des pistes cyclables à Paris n’a pas toujours pris en compte les besoins des bus alors que leur vitesse moyenne a baissé de 30 % depuis 2008. Certaines voies bus sont devenues des pistes cyclables, illustrant un effet de balancier en faveur d’un mode individuel. Pourtant, ces derniers transportent plus de voyageurs en occupant moins d’espace », précise le spécialiste des transports publics. La solution semble donc passer par un travail en commun réalisé par les différentes collectivités.

À cet égard, le partenariat noué entre la Région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg peut valoir d’exemple pour le développement harmonieux du réseau urbain et périurbain. Montpellier Métropole a, de son côté, résolu tout problème autour de la voirie, l’exploitant du réseau, la TAM, étant désormais en charge également de la voirie et du stationnement grâce à son passage du statut de SEM (Société d’économie mixte) à celui de SPL (Société publique locale) au capital 100 % public. « Il faut souvent plus de dix ans pour réaliser un projet de tramway en banlieue parisienne, contre cinq à six ans à Lyon par exemple, par l’unité de la gestion de la voirie par la Métropole du Grand Lyon, qui détient 24 des 36 sièges du SYTRAL », souligne l’expert.

Pour que les transports publics deviennent un réflexe

Les transports publics de l’avenir passeront aussi par le maintien de l’existant et par l’éventuelle montée en puissance de modes de transport encore en devenir. Là-encore, la gouvernance est importante car il ne s’agit pas d’aliéner tout le maillage de lignes ferroviaires qui existait auparavant autour des agglomérations. Certaines de ces lignes fermées au service voyageurs ont fort heureusement été transformées en voies vertes, « l’essor du vélo s’expliquant, notamment, par la liberté qu’il procure pour organiser ses déplacements », observe Alexandre Magny. Ces pénétrantes seront d’autant plus importantes à l’avenir qu’elles pourraient supporter de nouveaux modes de transport comme les navettes autonomes légères. Ces dernières connaissent, toutefois, de multiples retards ou déconvenues (disparition récente de Taxirail, par exemple).

C’est assurément la facilité d’emprunt des transports publics qui constitue une des clés de leur réussite à l’avenir. Sur ce plan, la FNAUT milite pour la mise en place d’une intégration tarifaire ouvrant la voie à l’instauration d’un billet unique.

En revanche, d’autres moyens de déplacement se développent actuellement. C’est notamment le cas du câble urbain dont l’une des réalisations en cours se situe en Île-de-France. Même si son insertion en milieu urbain dense n’est pas très aisée, ce mode de transport possède assurément toute sa pertinence lorsqu’il convient de franchir des dénivelés ou des infrastructures. Puisque le câble urbain évite ainsi les détours, il en découle des gains de temps pour les utilisateurs.

Les AOM pourraient être aussi enclines à voir ce que pourront donner le système Urbanloop qui sera déployé à Nancy et les taxis volants. Mais ces nouveaux modes de transport présentent déjà le handicap d’avoir des capacités d’emport passagers très limitées. La FNAUT estime, pour sa part, que « nous n’avons pas besoin de modes de transport nouveaux. Il suffit juste que les systèmes actuels soient modernisés et mieux interconnectés ».

En attendant, c’est assurément la facilité d’emprunt des transports publics qui constitue une des clés de leur réussite à l’avenir. Sur ce plan, la FNAUT milite pour la mise en place d’une intégration tarifaire ouvrant la voie à l’instauration d’un billet unique.

Mais il est aussi un domaine qui peut contribuer à l’augmentation du report modal, c’est celui de l’information voyageurs. Comme il s’agit, en effet, de provoquer le réflexe transports collectifs et de rendre fluide l’ensemble du déplacement, « il faut spécialiser les canaux d’information pour les rendre plus lisibles. Cela implique de mettre en place de nouveaux panneaux spécialisés par desserte (exemple : dissocier les informations sur les SERM des dessertes Grandes Lignes et régionales) aux temps de rafraichissement très courts. Les voyageurs gagnent, ainsi, un temps précieux sur leur cheminement », explique le spécialiste des transports urbains. Les applications mobile ont aussi un rôle à jouer.

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