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En Europe, loge qui peut

par Clara Seiler
LOGEMENT EUROPE
Temps de lecture : 4 minutes

La crise du logement n’est pas un phénomène franco-français, mais touche bel et bien l’ensemble des pays européens. Dans toutes les métropoles du vieux continent, les promoteurs, aux prises avec un assèchement de l’émission de permis de construire et des contraintes environnementales de plus en plus accrues, ont le plus grand mal à (re)constituer une offre résidentielle neuve pour répondre à une demande toujours plus forte.

Par Aurélien Jouhanneau

La présidence française du Conseil de l’Union européenne a-telle permis de mettre en exergue la crise du logement qui touche l’ensemble du vieux continent ? « Absolument pas ! », répond sans détour Marc Pigeon, président de Build Europe, association de promoteurs, aménageurs et constructeurs nationaux. « En six mois, c’est mission impossible, poursuit-il. Il faudrait au minimum un mandat de trois ans pour faire bouger les lignes et trouver des solutions pérennes. » Certes, le logement n’est pas une compétence de l’UE, mais Build Europe – tout comme Housing Europe, fédération dédiée au logement social – souffle à l’oreille d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour influencer des décisions sur les questions périphériques au résidentiel, dont le climat, la fiscalité et… la guerre en Ukraine. « L’UE a certes besoin de développer des solutions d’urgence, mais cette crise des réfugiés fait remonter à la surface un problème qui touche l’Europe depuis longtemps : le manque d’offre de logements », constate Marc Pigeon.

Si Build Europe demande de faciliter les propositions d’hébergements provisoires, elle invite surtout les États membres à réunir les conditions du développement d’« une offre de logements durable et diversifiée pour favoriser l’intégration ». «Dans le cas contraire, nous répéterons le schéma classique de logements temporaires qui durent. » Selon le président de Build Europe, certaines métropoles européennes – dont Lyon, Bordeaux et Montpellier, côté français – marchent sur la tête. « Elles accueillent des réfugiés ukrainiens et, dans le même temps, elles réduisent leur plan local d’urbanisme. Ce qui n’est pas sans conséquences pour les habitants avec une offre neuve réduite comme peau de chagrin. » Et de rappeler un chiffre à qui veut l’entendre : le logement représente en moyenne, en France, 25 % des dépenses d’un ménage.

Mise en œuvre trop radicale du ZAN

Pour changer de braquet, Build Europe réclame une relance « massive » du logement abordable auprès des différents gouvernements. Les prix de vente de logements neufs au mètre carré dans l’UE ont augmenté de 10 % en moyenne en 2021. À titre d’exemple, l’Estonie et la Lituanie ont enregistré des hausses de +20 % sur ce segment. « Les logements abordables deviennent par ricochet inabordables, estime Marc Pigeon. La quasi-totalité des pays membres de l’UE sont dans le même bateau : le malthusianisme des élus locaux, alimenté par l’opposition toujours plus vive des populations les mieux logées à la construction de nouveaux logements, tend à devenir la règle. De facto, une mise en œuvre trop radicale du zéro artificialisation nette (ZAN) entraînera inévitablement une réduction de l’offre et une inflation du prix des terrains, donc des logements. »

« Les élus locaux doivent être soutenus pour lever les freins à la délivrance de nouveaux permis de construire. » Marc Pigeon, président de Build Europe

Sans oublier la lutte contre les passoires thermiques : « Sans plan massif pour aider les propriétaires, cela aboutira au retrait de la location et de la vente de millions d’unités résidentielles », poursuit-il. En parallèle de l’ouverture maîtrisée à l’urbanisation de nouvelles zones, Build Europe milite pour la planification de l’offre de terrains pour faire face aux besoins futurs. À commencer par l’augmentation de la réversibilité des bâtiments et la reconquête des friches urbaines – ces dernières devraient pouvoir bénéficier de dispositifs exceptionnels selon l’association. « Comme tout nouveau logement coûte aux collectivités locales en équipements publics, les élus locaux doivent être soutenus pour lever les freins à la délivrance de nouveaux permis de construire », pointe Marc Pigeon. Si les promoteurs européens expriment vouloir lutter contre le réchauffement climatique et soutenir l’ambition environnementale des pays membres de l’UE, ils demandent toutefois une pause normative pour les cinq années à venir : « Un temps nécessaire pour permettre à l’ensemble de notre filière de s’adapter aux évolutions récentes. »

Développer des taux réduits de TVA

Autre levier pour éviter une « crise brutale » du logement : revoir la politique fiscale. « Il faut pouvoir réduire le poids de la fiscalité pour ce service de première nécessité et, par exemple, développer des taux réduits de TVA ou des aides ciblées pour aider au développement d’une offre de logements abordables tant en accession qu’à la location », insiste Marc Pigeon. Avec son bâton de pèlerin, le président de Build Europe milite également, depuis des années, pour arrêter de raisonner en marché ouvert et fermé dans le résidentiel. Pour rappel, dans l’Hexagone, 4 millions de Français sont mal logés selon la Fondation Abbé Pierre, quand 1,7 million de ménages attendent encore un logement social d’après l’Union sociale pour l’habitat. « Je me bats beaucoup contre ce système de marché ouvert et fermé, mais nous faisons face à un très fort lobbying exercé par les acteurs du logement social alors même que cette typologie de logement n’est pas considérée comme une aide d’État selon les critères de la Commission européenne », souligne Marc Pigeon. Il estime, en outre, que les acteurs privés sont en capacité d’accompagner ce secteur avec les mêmes devoirs que les sociétés publiques. « Le logement reste un logement, social ou pas social. » Et de poursuivre : « Personne ne le dit, mais les prix fixés par les collectivités locales pour vendre un logement à un organisme social impactent, à la hausse, les prix de sorties des logements libres. »

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