Dans sa chronique, Clémence Bechu propose son point de vue mais aussi de nouveaux modes de faire la ville pour s’adapter au changement climatique. Ici, elle revient sur l’exemple d’Écopole, une métropole fictive qui a su adapter en 2050 son économie aux règles physiques.
Par Clémence Bechu
En 2050, Écopole est une métropole pionnière de l’adaptation climatique. Dès 2024, face aux catastrophes climatiques croissantes, elle a adopté une politique fondée sur les lois naturelles, anticipant les limites des modèles économiques traditionnels. Grâce à une transition progressive mais résolue, Écopole est parvenue à passer d’une économie « extractive » de ressources naturelles à une économie « régénérative »1 inspirée des premiers retours d’expérience du début du siècle.
Cette évolution a nécessité des campagnes massives de formation et d’expérimentation afin d’identifier les leviers permettant d’harmoniser les pratiques régénératives, tels l’adaptation des DTU aux innovations matérielles ou un changement de paradigme dans les financements de R&D, désormais orientés vers la santé des écosystèmes, plus que vers des objectifs financiers.
Ces aménagements autorisent à mieux valoriser les espaces disponibles au sol en ville grâce aux externalités positives, désormais quantifiées dans les modèles économiques des promoteurs immobiliers.
En vingt ans, des projets audacieux et structurants ont transformé la ville, renforçant la résilience et le bien-être des habitants. Laissant au sol une large place à de la pleine terre, la ville s’est stratifiée au travers de nombreuses terrasses et jardins suspendus, conférant aux « rez-de-ciel » une valeur déterminée, suivant l’approche « One Health », à partir de la bonne santé de la biodiversité s’y développant. Ces aménagements autorisent à mieux valoriser les espaces disponibles au sol en ville grâce aux externalités positives, désormais quantifiées dans les modèles économiques des promoteurs immobiliers. Ceux ayant survécu à la crise de 2024-2025 ont transformé leurs pratiques, quantifiant par exemple dans un TRC2 les degrés de fraîcheur gagnés durant la saison chaude grâce aux parcelles végétalisées. Ces espaces verts urbains sont localisés et choisis de manière scientifique grâce à la solution Urban Botanix3, afin d’optimiser leur capacité d’action sur le confort thermique et garantir leur durabilité. Ils revêtent également un rôle nourricier pour les citadins et fournissent des matières biosourcées, générant ainsi des boucles vertueuses dans les circuits économiques et écologiques.
Cycle autosuffisant et durable
En complément, Écopole s’est adaptée à la raréfaction des ressources en déployant des fermes verticales et des potagers communautaires en plein cœur de l’espace urbain. Dès les années 2020, des organismes pionniers – comme le Future Food Institute ou Hectar – ont soutenu cette transition, prônant une collaboration harmonieuse entre ville et nature pour transformer des systèmes alimentaires en leviers de bien-être collectif. Suivant leurs recommandations, Écopole a converti ses parkings souterrains vides en zones de polyagriculture éclairées par fibre optique et régulées par une IA ajustant le rythme circadien des plantes, ainsi que leurs besoins en nutriments et en eau. Cette dernière est récupérée des eaux grises des bâtiments, puis assainie grâce à des « aquapods »4, créant ainsi un cycle de ressources autosuffisant et durable. En plus de fournir une alimentation locale, saine, et protégée des aléas climatiques ou sanitaires, ces fermes d’intérieur produisent de la matière végétale pour des ateliers biotextiles locaux ou des matériaux isolants de construction. Elles ont également généré de nouvelles vocations pour le métier d’agriculteur urbain.
Ce modèle circulaire fait d’Écopole un exemple de durabilité, où l’énergie alimentant les infrastructures est générée de manière locale et régénérative.
L’énergie nécessaire à ce modèle découle d’une approche régénérative. Organisé en smart grid, chaque quartier optimise la gestion collective des ressources, facilitant les échanges d’énergie entre habitats, bureaux et services. En complément de la géothermie principalement développée, l’énergie provient également du solaire et des déchets, réintégrés localement dans le cycle urbain sous forme de biogaz ou de matières premières réutilisables. De plus, des mini data centers ont été installés dans chaque quartier pour répondre aux besoins numériques, avec récupération de la chaleur qu’ils produisent. Les lieux publics à forte intensité ont enfin été dotés de plaques piézoélectriques pour récupérer l’énergie des pas des piétons, et servir l’éclairage urbain. Ce modèle circulaire fait d’Écopole un exemple de durabilité, où l’énergie alimentant les infrastructures est générée de manière locale et régénérative.
Buvez l’eau des nuages !
À Écopole, l’eau n’est plus une préoccupation quotidienne. Le changement climatique ayant entraîné à la fois une augmentation des températures et du taux d’humidité dans l’air, chaque quartier est équipé de condensateurs d’humidité. Ce principe, connu depuis l’Antiquité, répandu dans des pays comme l’Afrique du Sud dès 2015, est ici poussé à grande échelle. Il en a d’ailleurs été fait un argument d’attractivité économique. À l’entrée de la métropole on peut lire : « Ici vous buvez l’eau des nuages ! »
Cette innovation a permis de réduire considérablement la vulnérabilité d’Écopole face à ses territoires voisins, et de repenser intégralement les systèmes d’arrosage et d’hygiène des habitants. Ici, on ne se douche plus, on se « brumise » ! Inspirée des technologies sanitaires de la NASA pour les stations spatiales, cette méthode a permis de passer des soixante litres d’eau d’une douche traditionnelle en France en 2025 à seulement cinq litres par personne.
Ces transformations significatives ne sont pas exhaustives. La communauté, les particuliers comme les entreprises, ont joué un rôle essentiel, avec par exemple la transformation de tout système de gouvernance au travers d’un partage de la valeur. Tout cela a permis à Écopole de s’auto-renforcer, tout en atteignant la neutralité carbone dès 2043.
En démontrant que l’adaptation a « pris le pas sur » – ou, plutôt, a favorisé – les mesures d’atténuation, Écopole n’a pas abandonné les objectifs de réduction des émissions.
En démontrant que l’adaptation a « pris le pas sur » – ou, plutôt, a favorisé – les mesures d’atténuation, Écopole n’a pas abandonné les objectifs de réduction des émissions. Au contraire, son approche régénérative a permis de les soutenir grâce à un environnement où les innovations en matière de ressources et de pratiques visent à la fois à s’adapter aux défis climatiques et à réduire activement l’empreinte carbone. Pour préserver la qualité de vie des générations futures et assurer une coexistence harmonieuse entre ville et nature, l’adaptation et la réduction des émissions deviennent deux forces complémentaires, où la régénération des écosystèmes urbains facilite la réduction du CO2, tout en renforçant la résistance face aux crises.
1 À lire : le premier référentiel de l’économie régénérative publiée par l’AFNOR (AFNOR SPEC 23152024-10) paru en octobre 2024.
2 Taux de Rendement Climatique (cf. partie 1 de l’article du numéro précédent).
3 Solution développée par The Climate Company (theclimatecompany.eu)
4 Solution de traitement des eaux in situ développée par la SAUR.
Lire sur le même sujet :
Quand l’économie s’adapte aux règles physiques