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Crise du logement : « Sans financement, nous pouvons difficilement agir »

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 4 minutes

À l’issue du Conseil national de la refondation Logement, aucune mesure phare n’a été prise pour répondre à la crise. C’est du moins l’avis des maires des grandes villes de France qui montent au créneau pour exiger de l’État des moyens d’action, comme l’explique la maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, secrétaire générale de France urbaine.

Propos recueillis par Aurélien Jouhanneau

Le Conseil national de la refondation (CNR) Logement a accouché d’une souris et le gouvernement semble désinvesti sur la question. Diriez-vous que l’État ne fait rien pour répondre à la bombe sociale ?

La crise du logement s’amplifie, nous la vivons et la mesurons chaque jour : 4 millions de personnes sont en situation de mal-logement en France. Nous ne cessons d’interpeller l’État, après avoir fait le jeu de la concertation dans le cadre du CNR Logement, mais rien n’y fait.

Le constat est pourtant très largement partagé par les élus, par les promoteurs immobiliers ou encore par le MEDEF : l’accès au logement, qu’il soit social ou privé, est devenu très compliqué. Les raisons sont bien connues : le manque de logements et la baisse des constructions, le coût de plus en plus significatif de la part « logement » dans le budget des Français, un pouvoir d’achat des ménages en berne, corrélé à une forte inflation qui pèse sur le coût des matériaux et donc les coûts de construction… Des solutions existent mais il nous faut, pour répondre à cette crise du logement, une volonté politique à tous les niveaux.

« Les marges de manœuvre sont pour l’heure bien trop restrictives pour prétendre à une politique de l’habitat réellement territorialisée »

Au-delà des sempiternelles aides à la pierre, quels moyens réclamez- vous ? Quelles propositions faites-vous pour sortir de la crise ?

Avec France urbaine et aux côtés d’autres associations d’élus, nous avons travaillé à plusieurs propositions concrètes : flécher et conforter les délégations déjà existantes et reconnues aux intercommunalités, telles que les aides à la pierre, répondent en effet à une demande forte. Elles facilitent l’accès à un logement abordable, pilotées par les territoires pour faire face au mieux aux besoins locaux. Nous avons été plusieurs à solliciter le statut d’Autorité organisatrice de l’habitat (AOH) à l’échelle de l’intercommunalité, depuis que la loi nous le permet (la loi 3DS du 21 février 2022, ndlr).

Ce statut porte l’engagement du territoire métropolitain, mais les marges de manœuvre sont pour l’heure bien trop restrictives pour prétendre à une politique de l’habitat réellement territorialisée. Le rôle de l’État, comme garant de la solidarité nationale, les moyens qu’il dédie à la cohésion nationale pour relancer la production, dans un contrat passé avec des AOH qui co-financent et mettent en œuvre, sont non seulement nécessaires, mais ils deviennent aussi urgents. L’État doit pousser la logique jusqu’au bout : être Autorité organisatrice de l’habitat, c’est avoir le pouvoir de mieux réguler les meublés touristiques et de gérer une partie des crédits de la transition énergétique dans le logement, dont MaPrimeRénov’. C’est avec un pilotage local que nous pourrons aller vers les publics les plus fragiles et les plus impactés par la crise de l’énergie.

« Je crois que la notion de “maire bâtisseur” n’est pas obsolète, mais elle est en pleine évolution »

Rétrospectivement, les élus locaux ne sont-ils pas eux aussi responsables de cette situation ?

Nous reconsidérons de façon globale l’aménagement de nos territoires, en lien avec la manière d’occuper, de vivre et d’habiter la ville. Je crois que la notion de « maire bâtisseur » n’est pas obsolète, mais elle est en pleine évolution. Il nous faut collectivement, en particulier avec les urbanistes et les promoteurs immobiliers, pouvoir orienter une politique locale de l’habitat exigeante et respectueuse de notre environnement. Cette inflexion implique non pas de délivrer moins de permis de construire, mais de faire mieux pour requalifier l’immobilier de nos espaces urbains. Je crois beaucoup aux actions que nous devons mener pour rendre nos espaces urbains plus agréables et mieux habitables pour toutes et tous, mais encore faut-il nous donner les marges de financement.

Êtes-vous justement satisfaite des annonces du gouvernement au Congrès de l’Union sociale pour l’Habitat ?

Patrice Vergriete, ministre du Logement, a pris en fin de congrès un certain nombre de mesures qui ont abouti à un accord avec l’USH, mais sans pour autant qu’il y ait eu un pacte de confiance, puisque la réduction de loyer de solidarité est maintenue, le taux de TVA également. En matière de décentralisation, une volonté de pragmatisme a été affirmée mais il convient désormais de regarder ligne par ligne ce qu’on territorialise, avec quels moyens et selon quels objectifs.

« La pire des choses serait de confronter notre boussole sociale à nos objectifs environnementaux »

Demandez-vous des assouplissements sur l’application du Zéro artificialisation net (ZAN) pour ne pas être empêchée de construire des logements neufs ?

La pire des choses serait de confronter notre boussole sociale à nos objectifs environnementaux. Nous sommes en première ligne pour la mise en application du ZAN afin d’atteindre l’objectif de 50 % de réduction du rythme d’artificialisation. Je suis convaincue qu’il y a là une opportunité majeure de repenser nos villes, en reconsidérant l’urbanisme, nos équilibres entre territoires, en investissant les friches industrielles

et les zones péri-urbaines déjà artificialisées, etc. Rennes reste une ville relativement dense, d’autant que l’Insee prévoit une augmentation de 100 000 habitants à l’échelle de la métropole d’ici à 2040. Nous avons lancé une enquête et un débat citoyens, qui font ressortir deux principales demandes : réguler le marché de l’immobilier pour pouvoir se loger à prix abordables et bénéficier d’une qualité de logement répondant à des normes phoniques et thermiques.

La population attend des élus des engagements forts en cohérence avec nos marges de manœuvre. À l’État désormais de s’engager pleinement et durablement dans la conquête du logement pour tous.

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