Qu’est-ce qu’une ville à taille humaine ? Avec la généralisation du télétravail pour un quart de la population active, la crise sanitaire a amplifié des mouvements géographiques qui existaient déjà et remis le confort au centre des aspirations. Quelles sont les villes qui attirent ?
Par Magali Tran
Finies les définitions démographiques de l’Insee sur les tailles de villes ? Dépassés les concepts de petite ville / ville moyenne / grande ville ? La conférence organisée par Le Monde – Cities, le 16 décembre à Paris, a réuni les intervenants autour de l’idée de « ville à taille humaine ». Dans une belle unanimité, tous ont fait fi de la question de la taille, pour insister sur les qualités urbaines.
Pour le géographe Michel Lussault, cette « taille idéale dépend des âges de la vie, des trajectoires biographiques et sociales », mais aussi de la capacité collective à « restaurer la production de l’urbanité ». Pour le géographe, la crise sanitaire a remis sur le devant de la scène « une aspiration au confort : la vie en ville est difficile ; les logements y ont perdu en taille, en hauteur sous plafond, en aménités. Le logement doit être repensé non pas à partir des normes, mais d’une réflexion sur l’usage ». Ce qui fait écho au référentiel de qualité d’usage du logement, récemment élaboré par François Leclercq et Laurent Girometti dans le cadre de la démarche de réflexion « Habiter la France de demain » du ministère du Logement.
L’accès à l’emploi reste un facteur primordial
Corinne Jolly, directrice du site PAP.fr, confirme cette aspiration à une certaine qualité de vie, qui motive 60 % des déménagements actuels (par opposition aux déménagements contraints). Environ 40 % des acheteurs potentiels fréquentant le site recherchent une pièce en plus pour télétravailler. Mais l’accès à l’emploi reste un facteur primordial, poursuit Corinne Jolly. Ainsi, la plupart des mouvements s’inscrivent plutôt dans un éloignement (à moins de 10 km du lieu de résidence précédent) que dans un changement radical de vie. Ce qui fait dire à Jérôme Fourquet que l’étalement urbain a encore de beaux jours devant lui. Toutefois, « il ne faut pas exagérer le poids démographique des cadres navetteurs », rappelle le directeur du département Opinion de l’Ifop. Il insiste lui aussi sur « la fatigue urbaine » qui entraîne, malgré les beaux discours sur la ville du quart-d’heure, le développement de « la ville de la livraison en 10 minutes, qui nécessite des chaînes logistiques énormes ». Si, de l’avis de chacun, les aménités urbaines sont essentielles (vie associative, offre de santé…), Gil Avérous, maire (LR) de Châteauroux, pointe aussi du doigt l’inadéquation, en cœur de ville ancien, entre une offre de logements qu’il faudrait mettre en conformité aux besoins actuels et les restrictions liées à la protection du patrimoine. L’élu croit également au rôle des administrations qui délocalisent leurs services, non pas dans les métropoles, mais dans les villes moyennes.
Les pistes de réflexion sont nombreuses pour (re)faire des villes des lieux d’échange, d’interactions, de sociabilisation, d’opportunités. La ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon souhaite, quant à elle, que le sujet de l’aménagement urbain, et notamment de l’étalement urbain, « ne reste pas un débat de spécialiste mais devienne un sujet politique, soumis au grand public : dans quel modèle voulons-nous vivre ? »
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