Dans une tribune, l’ex-député PS de la Gironde, Gilles Savary propose de renforcer les prérogatives des polices municipales pour assurer la sécurité dans les transports publics, un espace négligé dans les textes de loi actuellement en discussion sur ce sujet. Il va jusqu’à envisager l’extension des compétences à l’échelle des agglomérations afin d’éviter les querelles de clochers.
Le tragique attentat de la basilique Notre-Dame de Nice a malheureusement souligné la pertinence opérationnelle de polices municipales formées et équipées, y compris dans le champ d’action antiterroriste traditionnellement réservé aux forces de l’ordre, à condition qu’elles s’inscrivent dans une démarche de sécurité globale.
Cette démarche, adoptée par la mairie de Nice et l’Etat au lendemain du carnage de la promenade des Anglais le 14 Juillet 2016 , n’a pas empêché l’attentat mais a probablement sauvé des vies en ce jour de folie meurtrière , et mérite à ce titre l’intérêt qu’y apportent les parlementaires Jean Michel Fauvergue et Alice Thourot à travers leur proposition de loi sur la Sécurité globale.
Si le projet de texte, en l’état, comporte un important volet visant à renforcer les prérogatives des polices municipales, il fait l’impasse sur la sécurisation d’un espace public particulièrement exposé aux risques d’attentats, d’agressions et d’incivilités qui a fait l’objet d’une loi d’initiative parlementaire en 2016 avec l’appui décisif du ministre de l’Intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve : les transports publics.
Il s’agit bien d’un espace public, au même titre que toute voie publique, mais d’un espace public confiné et en mouvement, particulièrement vulnérable qui exige un mode opératoire spécifique.
Outre un renforcement très sensible des prérogatives des forces de police et de gendarmerie, ainsi que des polices internes de la SNCF ( la SUGE) et de la RATP ( le GPSR) , c’est-à-dire de forces essentiellement concentrées en Ile de France sous la responsabilité opérationnelle du Préfet de Police , la loi du 22 mars 2016 a esquissé une politique de sécurisation des réseaux de transport publics de Province qui est loin d’avoir répondu aux attentes des parlementaires qui l’ont inspirée, dont Gerald Darmanin fut l’un des plus actifs.
D’une part, elle ouvrait la possibilité aux préfets de conclure des contrats d’objectifs départementaux de sécurité dans les transports collectifs , avec les Collectivités locales organisatrices de transport et leurs exploitants afin d’assurer un suivi des incidents , et surtout de coordonner les forces nationales et locales d’intervention sur les lignes sensibles, d’organiser des opérations « coup de poing » coordonnées, et de réagir rapidement en cas d’alerte . Faute de la moindre circulaire adressée aux préfets par le ministère de l’Intérieur, seul à ce jour le Département des Bouches du Rhône a conclu un tel accord et dispose d’une vision globale des risques auxquels sont exposés ses réseaux de transports de passagers.
D’autre part, la loi de 2016 permettait aux polices municipales d’intervenir dans les transports collectifs et invitait les maires de communes contigües situées sur un même réseau à déterritorialiser leurs périmètres d’intervention, par conventions entre elles, afin qu’elles puissent opérer dans la continuité d’une ligne de transport sans rupture de compétence à chaque frontière communale franchie par un tramway, un bus ou un métro. Les conservatismes de clochers ont réduit à peu de choses cette possibilité légale qui n’a guère été mise en œuvre qu’à Orléans et Melun.
Reste la possibilité de créer comme à Nantes une police intercommunale des transports, mais elle reste facultative, au bon vouloir des exécutifs d’agglomérations et des maires, ces derniers disposant d’un droit de veto de son exercice dans leurs communes.
A l’évidence le compte n’y est pas, et il serait déplorable d’attendre un drame majeur ou la réplique de l’assassinat du chauffeur de bus bayonnais cet été, pour découvrir ce trou dans la raquette de nos politiques de sécurité publique.
S’agissant d’une compétence de service public totalement décentralisée, il ne serait pas incongru que les dispositions du code général des collectivités territoriales concernant les polices intercommunales intègrent explicitement une compétence transport obligatoire, aux cotés d’autres compétences de polices municipales transférables aux intercommunalités comme l’assainissement, la collecte des déchets, la voirie, le stationnement, l’accueil des gens du voyage ou l’habitat.
S’agissant du seul espace public mobile, qui transcende par essence les limites communales, il ne serait pas extravagant que ces polices intercommunales des transports, ou les polices municipales investies de la compétence transport disposent de par la loi d’une compétence extra municipale, sur la totalité du périmètre des réseaux, de leurs lignes, de leurs véhicules de transport et de leurs emprises. D’autant plus que les transports publics évoluent vers des mobilités complexes qui estompent les frontières modales et patrimoniales d’intervention.
La mobilisation des polices municipales, comme celle d’ailleurs de sociétés de sécurité privées disposant d’agréments et d’habilitations professionnels validés par une formation spécifique, seraient de nature, et à moindre coût, à créer un continuum de sécurité publique entre espace public fixe et espace public mobile, et à garantir ainsi aux citoyens la même tranquillité publique dans un tramway que sur une place publique.
Ce faisant tous les réseaux de transports publics du pays disposeraient de moyens adaptables « sur mesure » à leurs différents degrés d’exposition aux risques, ainsi qu’aux objectifs de sécurité et de tranquillité publiques définis par leurs Autorités Organisatrices, sans préjudice du recours aux moyens d’intervention des forces de police et de gendarmerie disponibles localement.
Il ne resterait plus qu’à rendre obligatoires les contrats d’objectifs départementaux crées par la loi de 2016 pour combler enfin les lacunes actuelles des politiques de sécurité dans la plupart de nos réseaux de transport de Province et d’Outre mer.
Gilles Savary, ex député PS de la Gironde