Accueil Savoir-Faire Métropolitains Nantes : « la fabrique dialoguée de la ville »

Nantes : « la fabrique dialoguée de la ville »

par Sébastien Fournier
Christelle-Scuotto-Calvez
Temps de lecture : 5 minutes

Désignée capitale européenne de l’innovation en 2019, Nantes Métropole fait partie des collectivités engagées depuis longtemps dans la participation citoyenne. Christelle Scuotto-Calvez, maire des Sorinières et vice-présidente de la Métropole déléguée au dialogue citoyen, revient sur les spécificités du « dialogue à la nantaise ».

Propos recueillis par Magali Tran

On parle de « dialogue à la nantaise ». Quelles en sont les spécificités et qu’est-ce qui vous démarque des autres collectivités ?

À Nantes Métropole, la participation citoyenne n’est plus une option mais une façon de faire. La ville de Nantes a été en avance sur ce sujet, puis le dialogue a été mutualisé au sein de la métropole dès 2014. Aujourd’hui, on devrait rajouter cette dimension métropolitaine quand on évoque ce thème. Lors des dernières élections municipales, on a vu l’engouement pour la participation citoyenne, que beaucoup jugent nécessaire. Ici, les nouvelles équipes municipales sont montées en puissance sur cette question et, en parallèle, dans son nouveau mandat, Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, a souhaité me confier une vice-présidence entièrement dédiée à ce sujet. C’est un pas en avant qui a été franchi. Désormais, la participation citoyenne n’est plus une politique publique, c’est une façon de faire les politiques publiques. Nous devons nous laisser une marge de manœuvre réelle pour prendre en compte l’avis des citoyens.

“Dès juillet 2020, il a été acté que le « vécu de crise » de nos habitants devait être questionné”, Christelle Scuotto-Calvez

L’un des derniers avis rendus est celui de la Convention citoyenne relative à la crise sanitaire. Qu’en attendiez-vous en particulier ?

La crise sanitaire a marqué le début du mandat. Au vu de son ampleur, pour Johanna Rolland, il était inconcevable de ne pas y réfléchir. On a vu très rapidement, notamment dans le cadre des échanges que nous avons entre maires, que chacun devait faire face à des problématiques au quotidien. On a vu également monter en force les initiatives citoyennes, le réel besoin d’implication des habitants. On ne pouvait pas rater le coche. Dès juillet 2020, il a été acté que le « vécu de crise » de nos habitants devait être questionné. Non pas pour apporter des réponses dans l’immédiat mais plutôt pour voir comment réparer, anticiper ou pérenniser ce qui doit l’être. L’avis rendu a fait remonter des alertes, ancrées dans les réalités du quotidien.

Ces alertes reflètent vraiment le choix des citoyens car ils avaient le champ libre pour orienter leur réflexion sur les sujets qu’ils souhaitaient. Je les remercie d’ailleurs pour leur implication alors qu’ils ont travaillé dans des conditions difficiles, se rencontrant seulement en visio.

Comment l’avis de la Convention va-t-il infléchir certaines politiques publiques ?

Ce qui m’a marquée, c’est d’abord la confiance que les citoyens de la Convention ont placée dans ce travail. « C’est notre bébé », nous ont-ils dit en nous rendant leur avis, mais aussi « ne nous décevez pas ». Ce travail nous engage. Leurs scénarios cauchemardés ne sont pas de la science-fiction. J’ai été frappée par le côté concret de leurs demandes. Ensuite, on s’est rendu compte qu’ils proposaient parfois des choses qui existent déjà. Par exemple sur la lutte contre l’isolement, ils souhaitent la mise en place de services de mobilité à domicile à la demande, or certaines communes ont déjà ce type de service. On doit donc travailler sur la relation à l’usager et sur des actions de communication pour faire connaître nos dispositifs. Le partage des compétences est aussi un sujet à approfondir : les citoyens ne se sentent pas concernés par le mille-feuilles administratif ; ce qu’ils veulent, ce sont des réponses. Pour ce qui ne relève pas de nos compétences – communales ou métropolitaines –, Johanna Rolland s’est engagée à peser aux autres niveaux, régional ou national, à faire remonter cette parole citoyenne.

“Les citoyens deviennent des partenaires, c’est vraiment le mot qui me vient à l’esprit”, Christelle Scuotto-Calvez

Enfin, cet avis citoyen nous amènera à réviser certaines priorités. Pour les habitants, la priorité c’est la solidarité : ne laisser personne sur le bord du chemin et, en particulier, les jeunes et les personnes âgées. Avec Martine Oger, vice-présidente aux solidarités, nous allons réfléchir à la priorisation des actions. On remarque aussi que les citoyens nous attendent sur les changements amenés par le confinement, comme la montée en puissance du vélo, les marchés locaux, l’utilisation du numérique. L’avis citoyen était tout à fait dans le réel, c’est important de le noter. Les citoyens deviennent des partenaires, c’est vraiment le mot qui me vient à l’esprit. Ils sont là pour éclairer le débat et confronter les points de vue. On ne leur demande pas un avis consensuel mais un avis argumenté. À nous ensuite de nous saisir de la décision politique. L’enjeu est aussi de faire reprendre confiance dans les politiques.

“Même s’il y a toujours des râleurs, les personnes issues des panels de citoyens sont davantage conscientes de l’intérêt général”, Christelle Scuotto-Calvez

Observez-vous une montée en compétences des habitants ?

Oui, j’ai été très surprise de cela. Mais surtout, ce à quoi on fait très attention à la Métropole, et ça figure dans le pacte de citoyenneté métropolitaine, c’est bien de penser à tous ceux qui n’osent pas. Sur tous les débats que nous engageons, nous sommes allés chercher ceux qui n’ont rien à dire. En leur donnant accès aux experts, nous leur donnons confiance en eux. On a aussi cette ambition-là. On remarque également que, même s’il y a toujours dans les concertations des râleurs, qui revendiquent des sujets individuels, les personnes issues des panels de citoyens sont davantage conscientes de l’intérêt général : la montée en compétences se fait là-dessus. Aujourd’hui, on veut avancer sur la possibilité des citoyens à monter en compétences en leur donnant les éléments-clés, des informations sérieuses et fiables.

Dans ce contexte, quel est le rôle du Conseil de développement ?

Le Conseil de développement existe depuis longtemps et doit s’interroger aujourd’hui sur son rôle. Ses membres veulent rester indépendants mais continuer à être utiles. On s’est beaucoup appuyés sur eux pour écrire le pacte de citoyenneté métropolitaine. Un groupe de travail de personnes issues de la société civile sera installé d’ici à la fin de l’année pour réfléchir aux missions essentielles du Conseil de développement, dont la principale est la prospective ouverte. Il a aussi un rôle de controverse dans le débat public. Enfin, il doit travailler sur le droit d’interpellation, qui est un sujet sur lequel nous souhaitons avancer, pour que les citoyens viennent nous questionner. La proximité avec les élus, c’est une demande de la Convention citoyenne. À l’issue de six mois de réflexion sur ces sujets, un nouveau Conseil de développement sera installé. C’est un nouveau cycle qui s’ouvre pour cette instance.

Quels sont les prochains sujets à soumettre au débat ?

On a déjà lancé plusieurs sujets : un débat sur la 5G a eu lieu et on a reçu l’avis citoyen, que l’on doit maintenant instruire, sur le règlement local de publicité. On va réfléchir aussi aux déchetteries du futur, pour pouvoir mieux trier et traiter nos déchets, comme le polystyrène, ou encore les coquillages et les huîtres qui sont un sujet important pour nos territoires littoraux ! On doit également continuer à discuter sur les projets urbains, avec l’impératif d’arrêter de grignoter sur les terres agricoles. C’est ce qu’on appelle « la fabrique dialoguée de la ville ».

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