A l’approche de la Conférence des villes, le rendez-vous de l’association France urbaine qui doit se tenir le 18 septembre prochain à l’Hôtel de ville de Paris, Objectif Métropoles de France a demandé à Johanna Rolland, la présidente de Nantes Métropole, de revenir sur la notion d’alliance des territoires et sur les nouvelles coopérations. Urbain et rural, main dans la main ?
Propos recueillis par Cécile Perrin
Alliance des territoires est une expression dont on vous prête la maternité… Que signifie-t-elle concrètement à vos yeux ?
Oui, j’en ai la maternité exactement. Je l’ai utilisée pour la première fois en 2013 alors que j’étais adjointe au maire de Nantes lors d’une rencontre avec le département de Loire-Atlantique. L’idée est de sortir des logiques de segmentation et d’aller vers des logiques de coopération. J’ai la conviction que le pays est confronté à une forme d’opposition entre territoires urbains et ruraux au lieu de s’inscrire dans une logique de complémentarité pour agir de manière gagnant-gagnant. Les domaines sont nombreux – mobilité, alimentation, santé… – où il faudrait sortir du registre de la compensation pour entrer dans celui de la complémentarité.
À l’heure où l’on parle de fractures territoriales, la notion d’alliance des territoires vient-elle les panser ?
Il semble convenu que les territoires urbains sont riches et que les territoires ruraux sont pauvres. Or cette affirmation est inexacte dans les faits. Elle omet les grands postes de précarité que sont les quartiers politiques de la ville, situés dans les métropoles et qu’il ne faut surtout pas oublier. Mais c’est aussi négliger certains territoires ruraux dynamiques, avec des taux de chômage très faibles comme il y en a beaucoup en Vendée. C’est pourquoi, j’appelle à construire un troisième modèle de métropole. Il existe, d’une part, des métropoles qui, il faut le dire, ont asséché leur environnement. D’autre part, dans l’Ouest, les travaux de Laurent Davezies montrent que les métropoles ont plutôt irrigué les territoires alentour. J’aspire à un troisième modèle, fait de cette irrigation et de complémentarité. C’est ce que signifie l’expression « alliance des territoires ».
« Un vrai renouvellement du logiciel de pensée est nécessaire pour traduire concrètement ce changement vers un modèle de développement plus qualitatif. »
« Un vrai renouvellement du logiciel de pensée est nécessaire pour traduire concrètement ce changement vers un modèle de développement plus qualitatif. »
Le thème est d’ailleurs porté par France urbaine et il se familiarise de plus en plus. C’est tant mieux car il s’oppose à la fragmentation, il implique de trouver des solutions qui rassemblent. La montée en puissance des enjeux de transition écologique donne une force supplémentaire à la notion. Les sujets de l’alimentation ou de la pollution n’ont rien à voir avec les frontières administratives. C’est aussi l’objet des contrats de réciprocité.
Vous êtes l’une des rares métropoles à avoir signé un contrat de réciprocité, avec le Pays de Retz. Quelle est votre recette ?
Nous avons des problématiques communes. Dans le cadre du contrat de réciprocité, nous avons choisi des sujets, comme l’alimentation et la mobilité, pour avancer de manière pragmatique. La transition alimentaire est un enjeu essentiel pour une métropole comme Nantes mais il n’est pas question d’autosuffisance alimentaire. En revanche, la ville représente un volume de besoins, en particulier les cantines scolaires avec 15 000 repas par jour. Lorsque l’on a décidé d’augmenter le bio dans les cantines de Nantes, les agriculteurs nous ont répondu qu’ils ne pouvaient pas répondre à la demande. Nous avons travaillé à la structuration de la filière, en amont et en aval. Avec le Pays de Retz, nous avons travaillé sur les enjeux du territoire, en particulier la mobilité. Le sujet de la congestion automobile est une problématique de toutes les métropoles. Du point de vue des habitants du Pays de Retz, le temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail dans la métropole est une vraie question. Nous avons été amenés à investir la problématique du covoiturage, et par exemple la possibilité pour le conducteur d’être remboursé du prix d’un ticket de tram. Il s’agit de solutions concrètes pour concilier ce dont il a été beaucoup question ces derniers temps, fin du mois et fin du monde, tout en répondant aux enjeux écologiques.
Le rapprochement avec la Bretagne est un sujet récurrent à Nantes. Des changements institutionnels en ce sens sont-ils souhaitables selon vous ?
À l’époque, j’avais pris position et dit que j’étais favorable à la fusion des deux régions. Cela n’a pas été la décision de l’État. Mais le colloque organisé sur l’alliance des territoires en juin, par exemple, est issu de cette mise en réseau entre Nantes, Rennes, Angers et Saint-Nazaire. Nous continuons à inventer des solutions. Les métropoles rennaise et nantaise ont ainsi organisé au printemps 2019, à Paris, un évènement numérique commun sur le recrutement. L’ensemble de nos écosystèmes joue la coopération pour aller attirer les talents. Car les deux métropoles sont celles présentant les plus faibles taux de chômage de France et elles misent sur la coopération pour être dynamiques. Autre action du réseau : en matière de tourisme, nous avons imaginé une marche de Saint-Nazaire au Mont- Saint-Michel en passant par Nantes et Rennes pour s’appuyer sur nos richesses à tous.
Lorsque le président de la République a proposé de fusionner les métropoles et les départements, vous avez décliné l’offre, en vous appuyant sur la complémentarité avec la Loire- Atlantique. Comment cela passe-t-il ?
J’ai décliné l’offre parce qu’elle ne correspond pas à la réalité nantaise. La Métropole exerce déjà les compétences en matière d’économie et d’innovation, la fusion ne nous apportait rien de supplémentaire sur ce point. Je pense qu’une métropole est certes une puissance financière et économique, mais elle fait également preuve d’agilité, qui aurait été compromise par une fusion. J’ai aussi décliné l’offre au nom de l’alliance des territoires pour inventer cette troisième voie, la troisième métropole. Clairement, c’est un sujet qui monte. Mais un vrai renouvellement du logiciel de pensée est nécessaire pour traduire concrètement ce changement vers un modèle de développement plus qualitatif.