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Tournages : quels impacts dans les territoires ?

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 5 minutes

Assurément, les tournages de films, séries, documentaires ou spots publicitaires représentent un facteur d’attractivité pour les territoires. 
Ils apportent des retombées économiques directes, ont un impact d’image et, dans certains cas, peuvent même avoir une influence touristique importante. Une aubaine dont certaines métropoles se saisissent, même si Paris continue à concentrer la majorité de l’activité.

Par Magali Tran

A Dunkerque, après la sortie du film éponyme de Christopher Nolan, en 2017, le tourisme britannique a bondi de 350 % au cours de l’été. Sur la même période, 10,5 millions d’euros ont été dépensés localement. Au total, la hausse de la fréquentation touristique, toutes nationalités confondues, a été de l’ordre de 30 % entre l’été 2016 et l’été 2017. Et, dans une enquête menée par l’Office de tourisme de Dunkerque Côte d’Opale, il ressort que « 28 % des répondants sont venus à Dunkerque en partie ou uniquement par rapport au film : des visiteurs qui allient visite des lieux du tournage, animations autour du film, visites des sites et musées de mémoire, et qui en profitent pour découvrir la ville et la plage ». D’ailleurs, l’Office s’était mis en ordre de marche très tôt, dès la période du tournage lui-même, pour proposer des parcours touristiques en lien avec le blockbuster. De même, la sortie du prochain film de Wes Anderson, prévue pour 2020, sera scrutée de près. The french dispatch a été tourné à Angoulême début 2019 et Film France, l’organe national de promotion des tournages et de la post-production en France, compte bien tenter d’en évaluer les retombées d’image. D’ailleurs, Film France a décidé de travailler main dans la main avec Atout France (agence française du développement touristique) pour promouvoir conjointement leurs actions.

Michel Gomez, délégué de la Mission Cinéma de Paris, va plus loin : « Si une ville n’est pas filmée, elle sort de l’imaginaire et perd en attractivité. » Catherine Trautmann, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, chargée de la stratégie économique, abonde dans ce sens : « Montrer le paysage urbain apporte une dimension d’attractivité. Pour inciter à cela, le fonds de soutien de l’Eurométropole doit être dépensé, au moins en partie, sur le territoire. »

Une manne économique

Sur le plan économique, les chiffres sont parlants. « Chaque euro investi par les collectivités locales dans un film, une fiction ou un documentaire génère 6,60 euros de retombées directes (rémunération, dépenses techniques et tournage) et 1 euro de tourisme (hébergement, restauration, loisirs, transport) : soit un total de 7,60 euros », estime le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Pour le tournage de Mission : impossible. Fallout, au printemps 2017, « 25 millions d’euros ont été dépensés en deux mois, dont 7 millions d’euros rien que pour la restauration et l’hébergement », précise Michel Gomez à titre d’exemple.

Dans une toute autre mesure, le téléfilm Mention particulière (une production TF1), tourné il y a deux ans pendant trois semaines à Toulouse, a généré environ 900 000 euros de dépenses locales en salaires, hôtellerie, restauration. « Or, la Région avait fourni une subvention de 90 000 euros : on est donc dans un ratio de 1 pour 10 », selon Sylvia Ferrari, directrice de l’agence d’attractivité de Toulouse. Sans compter que « nous mettons disposition gratuitement des lieux de tournage et des places de stationnement pour les véhicules techniques : cela correspond aussi à une forme de subvention », souligne en outre Catherine Blanc, conseillère métropolitaine chargée des tournages de Toulouse Métropole. Outre les frais d’hébergement et de bouche, « les équipes ont tout intérêt à embaucher des ressources locales (techniciens, figurants, comédiens) », déclare Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale de Film France, qui met à disposition gratuitement sa base de données Film France Talents, recensant 20 000 professionnels.

Concurrence ou émulation ?

Mais si la manne financière et l’impact en termes de rayonnement et d’attractivité sont réels, ne court-on pas un risque de concurrence entre les territoires ? « C’est surtout une émulation, tempère Valérie Lépine-Karnik. C’est précisément le rôle de Film France de coordonner les offres et d’animer un forum au sein duquel les territoires échangent. Nous travaillons en réseau. » Estelle Zimmermann, responsable du Bureau d’accueil des tournages de l’Eurométropole de Strasbourg, enchérit : « Nous travaillons en bonne intelligence au quotidien avec les réseaux du Grand Est. La répartition se fait, logiquement, de manière géographique. Et, en amont, lors de la phase de prospection, nous y allons de façon conjointe. » L’intérêt, c’est sur- tout que le tournage ait lieu en France plutôt qu’à l’étranger, estime la déléguée générale de Film France. Grâce au Crédit d’impôt en faveur de la production de films étrangers en France (C2I), « un film comme J’accuse, de Roman Polanski, a pu être filmé à Paris, alors qu’il aurait été tourné en studio dans les pays de l’Est il y a quelques années », abonde Michel Gomez.

Une dimension métropolitaine à conforter

Reste que les métropoles, encore récentes, doivent se structurer pour apporter un service supplémentaire, là où les villes et les régions se sont emparées du sujet depuis longtemps. Dans l’Eurométropole de Strasbourg, l’antériorité du bureau d’accueil des tournages, créé en 1997, lui donne une longueur d’avance. À l’origine, « nous menions une politique de soutien à l’activité audiovisuelle, pour renforcer les métiers de ce secteur dans notre écosystème, lors de l’installation d’Arte », rappelle Catherine Trautmann. Aujourd’hui, Strasbourg dispose à la fois des compétences et des capacités pour assurer deux ou trois projets de long métrage ou de fiction en même temps, avec de plus en plus de techniciens présents sur le territoire. Selon l’élue, « ce qui nous intéresse réellement, ce sont moins les retombées économiques que le renforcement de l’activité économique de ce secteur. On accorde beaucoup d’importance à ce que l’activité soit suffisante pour nourrir l’ensemble des métiers de la filière. Monter en échelle, c’est important pour la stabilité professionnelle des intermittents ». Grandir, donc, mais pas trop. « Nous voulons continuer à accompagner correctement les équipes, sans impact trop important sur l’occupation de l’espace public ou la gestion du stationnement », ajoute Estelle Zimmermann.

Réfléchir localement à la valeur ajoutée

À Toulouse, la métropole s’est récemment emparée du sujet. « Depuis 2016, nous avons mis en place une organisation plus efficiente », estime Catherine Blanc. Le Bureau des tournages est rattaché à l’agence d’attractivité métropolitaine pour valoriser l’ensemble de la métropole. Pour Sylvia Ferrari, sa directrice, cette organisation permet de « sortir de la ville. Notre patrimoine, avec la brique rouge caractéristique, est recherché, mais nous offrons beau- coup d’autres possibilités avec la présence de la Garonne, de la campagne ou de lacs. » À Marseille, ville très active en matière de tournages, dont celui de la série Plus belle la vie, la réflexion bat son plein pour élargir l’échelle du bureau d’accueil des tournages, actuellement rattaché à la ville.
Pour Valérie Lépine-Karnik, « à chacun de réfléchir à ses carences et à la valeur ajoutée qu’elle peut trouver en créant une structure à l’échelle de la métro- pole. Le travail doit se faire localement ». Quoi qu’il en soit, « les tournages ont des effets positifs dès lors que c’est la volonté politique de la collectivité. » Un soutien primordial pour garantir une bonne coordination avec les différents services, sollicités par les bureaux des tournages pour des demandes très spécifiques.

Mission : rien d’impossible

Filmer une course poursuite en voiture dans les rues de Paris ? Supprimer les feux de circulation tout le long de l’avenue des Champs-Élysées ? Tourner dans une capitale vide de voitures et d’habitants ? Rien d’impossible pour ces facilitateurs de l’extrême. « Nous sommes là pour trouver des solutions, rendre possibles les demandes de nos interlocuteurs », explique posément Michel Gomez, délégué de la Mission Cinéma de Paris. Pour le film d’action chinois The Hunting, le week-end de l’Ascension a été privilégié pour fermer des rues du 7e arrondissement à la circulation et permettre l’organisation d’une course poursuite en voitures. Pour les actions sur le pont du Carrousel, ce sera un dimanche matin du mois de juillet, « entre celui du 14 juillet et celui de l’arrivée du Tour de France. » Il faut viser juste et savoir anticiper. En moyenne, Paris accueille 20 tournages par jour, du long métrage au spot publicitaire. « On est en tension », admet Michel Gomez, dont le rôle est aussi de trouver l’équilibre entre les productions et la vie des riverains. « Nous faisons respirer les quartiers, avec des périodes pendants lesquelles il n’y a pas de tournages organisés. »

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