Lors de la clôture du Congrès des maires, les discours des élus présentaient plusieurs points communs, dont plus d’autonomie dans la gestion de leurs finances. Ces dernières se réduisent d’ailleurs comme peau de chagrin, d’après les collectivités qui demandent à l’État une dotation à la fois « constante » et évolutive selon le degré d’inflation.
Par Juliette Kinkela
« Paris verra, en 2023, sa Dotation globale de fonctionnement (DGF) atteindre 40 000 euros pour l’ensemble des missions qu’elle remplit au nom de l’État. Et elle versera, en 2023, 720 millions d’euros au titre de la péréquation nationale et régionale ». Anne Hidalgo, maire de Paris, dressait le même constat qu’une grande partie des élus français le 25 novembre dernier, lors de la clôture du Congrès de l’Association des maires de France (AMF). Les financements versés par l’État sont maigres, en comparaison aux prélèvements qu’il opère au sein des collectivités territoriales.
Ces dernières voient, en outre, flamber leurs factures énergétiques, sans oublier l’inflation qui impacte leurs budgets. Difficile, dans ces conditions, de « préserver les services publics de proximité », d’après Anne Hidalgo. « Nous devons faire des choix pour voter des budgets à l’équilibre. Nous avons besoin d’une République décentralisée », clamait-elle devant une assemblée réunissant de nombreux élus. Un cri du cœur également poussé par André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF et maire d’Issoudun. « Il est temps d’amplifier le chemin pour retrouver un esprit de liberté », annonçait-il, et plus précisément en ce qui concerne les « libertés locales »
« 70 % de l’investissement »
Pour se donner les moyens de « pouvoir agir », l’AMF a formulé une série de « préconisations pour un nouvel âge des relations entre État et collectivités ». Sur le chapitre des finances locales, l’Association salue, « même s’il est modeste, le premier effort d’ajustement engagé dans le projet de loi de finances pour 2023 » concernant la DGF. L’AMF craint malgré tout un retour de bâton, avec des prélèvements plus importants pour les collectivités.
Pour conserver des marges de manœuvre, l’AMF demande l’abandon de la suppression de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), une manne qui leur permet de financer des projets locaux. « Nous voulons que les ressources qui appartiennent aux collectivités restent aux collectivités », renchérit David Lisnard, président de l’AMF et maire de Cannes, citant la disparition, il y a quelques années déjà, de la Taxe professionnelle et de la Taxe d’habitation aujourd’hui, « alors que les prélèvements obligatoires augmentent », ajoute-il. De quoi menacer la capacité des collectivités à affronter « les crises », mais aussi les investissements. Selon le maire de Cannes, « le total des dépenses de toutes les collectivités territoriales représentent 19 % du total de la dépense publique en France ». « En revanche, nous représentons 70 % de l’investissement. Nous demandons simplement que la dotation soit constante en euros et qu’elle suive l’inflation », poursuit-il. En conclusion, d’après David Lisnard, qui dit baisse des dotations dit baisse de la commande publique locale, non-respect des engagements de mandat et possiblement « crise sociale ».
Hausse de la DGF pour 2023
L’Association, en outre, revendique plus de liberté dans la gestion des dépenses publiques, rejetant ainsi la mise sous « tutelle » de l’Etat. D’après son président, les Appels à manifestation d’intérêt et Appels à projets, qui visent à soutenir les initiatives locales, en sont un symbole. « Ils excluent de la politique publique toutes les collectivités qui n’ont pas d’ingénierie juridico-administratives », explique-t-il.
En réponse au maire de Cannes, Elisabeth Borne l’a promis : « J’ai bien entendu votre message. Pas d’appels à projets mais un soutien en proximité », indique-t-elle. Sur le plan financier, la Première ministre indique que « pour donner une réponse rapide face à l’inflation, [l’État]a débloqué 430 millions d’euros en 2022 pour le bloc communal ». Pour 2023, la cheffe du gouvernement a annoncé une augmentation de 320 millions d’euros de la DGF. « Une première en 13 ans », souligne-t-elle. « Près de 95 % des communes verront leur DGF se stabiliser ou augmenter », poursuit-elle. D’autres grandes annonces ont suivi, telles qu’une enveloppe « pour relever le défi climatique », précise Elisabeth Borne. Ainsi, dans le cadre du Fonds Vert, « 2 milliards d’euros auxquels s’ajoutent près d’un milliard d’euros de nouveaux prêts de la Caisse des dépôts » seront mis à disposition des collectivités. De plus, une enveloppe de 200 millions d’euros pour accompagner « le soutien en ingénierie », en particulier dans les communes rurales, sera octroyée par la Caisse des dépôts.
Pas de quoi faire sauter au plafond le président de l’AMF, qui déplore un décalage entre le discours et les actes, entre « les chiffres annoncés et la réalité qui remonte du terrain ». Mais « l’espérance » d’un « renouveau de la décentralisation » est toujours là.
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