Sa position détonne encore. Cet été, quelques jours après la prise de Kaboul par les Talibans, Gaël Perdriau, maire LR de Saint-Étienne, a plaidé en faveur du respect du droit d’asile et a ouvert sa ville aux exilés. Il s’en est pris au président de la République, coupable, selon lui, de vouloir limiter leur accueil en France. Une opinion qu’il maintient aujourd’hui alors que le débat sur l’identité nationale est relancé.
Propos recueillis par Sébastien Fournier
Après la chute de Kaboul, vous vous êtes engagé à accueillir des réfugiés afghans dans votre ville. Et vous avez critiqué les maires qui s’y opposaient…
Depuis que je fais de la politique, je m’efforce de placer l’Homme au centre des décisions que je prends. C’est le sens de mon engagement. Et ça doit l’être de tout élu. Sur la question des réfugiés afghans, c’est notre devoir d’homme. Si je rajoute à cela notre Constitution et la Déclaration des droits de l’Homme qui font la grandeur de notre pays depuis les Lumières, je m’inscris dans son histoire et dans son droit. Ceux qui disent ne pas vouloir accueillir de réfugiés politiques devraient demander une révision de nos textes.
Lors de son intervention cet été, Emmanuel Macron a fait preuve de « cynisme » selon vous, en limitant l’accueil des réfugiés dans notre pays. Mais, depuis, il s’est ravisé et il leur a tendu clairement la main, rappelant notre histoire et notre tradition. Maintenez-vous encore vos propos ?
Oui parce que ce sont seulement des paroles. Quatre mois après la prise de pouvoir des Talibans à Kaboul, il y a toujours des femmes et des hommes qui risquent leur vie en Afghanistan. Ils figurent sur les listes prioritaires du Quai d’Orsay mais sont toujours dans la même situation. Certes, une première étape est franchie. Le président de la République est revenu sur ses mots. Mais maintenant, il faut qu’il passe aux actes.
Votre prise de position est très rare dans votre famille politique. Êtes-vous entendu ?
Quelques-uns la partagent. Ils m’ont fait part de leur soutien. Vous savez, on dit rarement les choses en face en politique. J’écoute dans les médias ce que les uns et les autres avancent en réaction à mes propos. Mais per- sonne ne m’a encore dit : « C’est n’importe quoi. » Il y a des prises de position mais j’en prends connaissance de façon interposée.
« Finalement, c’est tellement plus facile de trouver un bouc émissaire, responsable de tous les maux, à travers le thème de l’identité nationale, que de réfléchir sur les profondes mutations de notre société et les réponses que l’on peut y apporter. »
Dans une tribune, vous dites que votre famille a complètement perdu le cap de ses valeurs historiques en courant après Éric Zemmour…
Nos valeurs historiques, ce sont des valeurs gaullistes. Or, Éric Zemmour s’inscrit dans une filiation pétainiste. C’est aux antipodes de notre vision de la France. C’est totalement contraire aux idées que nous défendons. Je regrette que notre parti ne mette pas en avant un projet, des propositions qui répondent aux préoccupations des Français sur les questions d’éducation, du travail et de société plus globalement. Avec la crise de la Covid-19, on a vu l’hôpital totalement à genoux. Pourtant nous n’en parlons pas. Finalement, c’est tellement plus facile de trouver un bouc émissaire, responsable de tous les maux, à travers le thème de l’identité nationale, que de réfléchir sur les profondes mutations de notre société et les réponses que l’on peut y apporter.
La question des réfugiés afghans a-t-elle été évoquée au sein de France urbaine, l’association des grandes villes et métropoles ? Y a-t-il une position commune ?
Nous avons eu une réunion sur le sujet et quels que soient les bords politiques, nous avons partagé globalement la même position. Nous avons reproché au gouvernement de ne pas avoir anticipé l’accueil de ces populations. Certains qui n’avaient rien demandé se sont vu « attribuer » des réfugiés dans leurs villes, sans être préparés. Et d’autres, dont je fais partie, qui avaient mis en place un système d’accueil n’ont eu aucune nouvelle… et n’en ont toujours pas à l’heure où je vous parle.
« Il faut faire très attention avec ces amalgames parce qu’ils nourrissent la haine comme la développe Éric Zemmour. »
Certains maires ont pris des positions contraires à la vôtre…
Chacun donne sa position et expose sa situation. Je regrette certaines d’entre-elles parce qu’elles alimentent la confusion. C’est le cas avec Christian Estrosi (ndlr, maire ex-LR de Nice). Il refuse d’accueillir des réfugiés parce qu’il y a eu un attentat à Nice. Si je me souviens bien, le premier attentat à Nice a été commis par un Français. Il faut faire très attention avec ces amalgames parce qu’ils nourrissent la haine comme la développe Éric Zemmour.
« Vous savez, la politique, c’est avant tout des déclarations. Mais ce qui importe, c’est notre capacité d’agir. »
Selon vous, les élus, dans leur ensemble, sont incapables aujourd’hui de réaliser les promesses d’égalité et de justice que porte notre démocratie. C’est violent, non ?
Emmanuel Macron a beaucoup abîmé notre pays par les propos qu’il a tenus. Vous voulez trouver du travail, vous n’avez qu’à traverser la rue ! Souvenez- vous aussi de ses propos à la gare du Nord (ndlr, en 2017) : il y a des gens qui réussissent et d’autres qui ne sont rien ! Il y a plein d’autres exemples. Et aujourd’hui, on ne tient pas parole. Vous savez, la politique, c’est avant tout des déclarations. Mais ce qui importe, c’est notre capacité d’agir. La relation de confiance entre les citoyens et leurs élus porte sur des engagements. Dès lors qu’on ne les tient pas, on rompt le contrat. Le haut niveau d’abstention en est malheureusement la conséquence.
« Mais qu’est-ce que l’identité nationale ? Il faudrait que l’on soit tous pareils ? Ce n’est certainement pas l’histoire de notre pays, et ce n’est pas celle de Saint-Étienne. »
Comment voyez-vous les choses pour 2022 ?
Encore une fois, je regrette que nous ne nous attachions pas à travailler sur les profondes mutations qui traversent notre pays. Sur la question du travail, par exemple, la révolution numérique a bouleversé l’organisation dans les entreprises, or nous n’avons pas de débat sur le sujet. La présidentielle est l’occasion de prendre conscience de toutes ces mutations, de partir sur une nouvelle vision de la société et de donner un cap à un horizon de 10 ans. Malheureusement, les discussions actuelles se focalisent sur l’identité nationale. Mais qu’est-ce que l’identité nationale ? Il faudrait que l’on soit tous pareils ? Ce n’est certainement pas l’histoire de notre pays, et ce n’est pas celle de Saint-Étienne. Nous avons connu ici des vagues successives d’immigration. Et nous vivons très bien tous ensemble.
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