Accueil Tour d'horizonEntretiens Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole : « La différenciation peut se faire sans mettre en péril l’unité de la République française »

Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole : « La différenciation peut se faire sans mettre en péril l’unité de la République française »

par Sébastien Fournier
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Alors que les prochaines élections municipales se profilent, certains élus sortants ont décidé de ne pas se représenter. C’est le cas du président de Rennes Métropole, Emmanuel Couet, qui a décidé de quitter la vie politique. Salué unanimement pour sa capacité à réaliser le consensus, il revient pour Objectif Métropoles de France sur son expérience. Du passage au statut de métropole, au projet de nouvelle loi de décentralisation, il raconte le chemin parcouru et les choix qu’il préconise. Rencontre.

Propos recueillis par Cécile Perrin

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées durant votre présidence ?

Sur la question de l’institution, le transfert de la compétence voirie qui vient très vite tutoyer la conception des espaces publics dans chaque commune implique un niveau d’attention et d’exigence. Il a fallu veiller à ce que les maires n’aient pas le sentiment d’être dépossédés et déployer beaucoup d’énergie pour montrer que la Métropole était au service des communes. Par ailleurs, des difficultés, on en a toujours, mais je n’ai pas le souvenir de points bloquants : les projets ont été menés dans le respect des calendriers et des enveloppes financières. Il y a eu des moments à fort enjeu, en particulier économique, notamment lorsque la Métropole a contribué avec beaucoup d’autres à sauver le site de production de PSA. Avec un budget de près d’un milliard d’euros, il faut pousser et porter les actions, on aurait envie que les choses aillent plus vite, on peut pester contre telle ou telle inertie mais, globalement, il n’y a pas eu de difficultés majeures.

« Il a fallu veiller à ce que les maires n’aient pas le sentiment d’être dépossédés et déployer beaucoup d’énergie pour montrer que la Métropole était au service des communes. »

Quelles sont les réussites, les projets et les actions dont vous êtes fier ?

Globalement, ce qui a marqué le mandat, c’est que nous avons vraiment changé d’échelle. Ce que certains appellent la nouvelle décennie rennaise est la combinaison d’une trajectoire économique et démographique avec l’arrivée de projets. Il y a la LGV (ligne à grande vitesse, ndlr) : la Métropole a contribué à son financement avec la conviction qu’elle viendrait booster l’économie. Les chiffres montrent une augmentation de 27 % des flux entre Rennes et Paris, autant d’échanges qui produisent du dynamisme économique. Le Couvent des Jacobins, le nouveau centre des congrès en cœur de ville, est égale- ment une réussite avec une fréquentation au-delà des meilleurs scénarios, dès la première année. Ce projet a été réalisé en rupture avec le modèle dominant : en périphérie, s’appuyant sur l’accessibilité en voiture ; ici, zéro stationnement, le public vient en train, à pied. Lancé par mon prédécesseur, ce projet est un motif de fierté pour les Rennais, qui étaient 32 000 à se déplacer pour les journées portes ouvertes. Parmi les souvenirs qui me marqueront, ce moment où tous les habitants redécouvrent ce lieu est important.

Je pourrais aussi citer la nouvelle gare, inaugurée récemment, qui a fait l’objet d’une reconnaissance nationale pour son architecture singulière, c’est une grande réussite. Sans oublier le métro. Par rapport aux questions de mobilité, dont les enjeux sont montés à l’agenda, nous avons su anticiper. On ne s’est pas contentés de pousser le projet de ligne B du métro, mais nous avons joué sur les usages, ce que l’on appelle les mobilités durables ou intelligentes, comme le covoiturage et l’autopartage. Avec les Journées des mobilités digitales*, dont la 3e édition est en préparation, la Métropole a souhaité s’inscrire comme un territoire de référence sur ces sujets.

« La fonction est exigeante et éprouvante, c’est une responsabilité mais aussi une chance de rencontrer une diversité d’acteurs, de l’économie, de la culture, de la solidarité. »

Alors que le gouvernement prépare une nouvelle loi sur la décentralisation, quelles évolutions vous paraîtraient utiles ?

J’ai deux convictions. Je sais combien la question de l’élection au suffrage universel direct des présidents d’EPCI (établissement public de coopération intercommunale, ndlr)) est compliquée. Mais, s’agissant des métropoles, on ne peut pas continuer à avoir des EPCI qui exercent l’essentiel, sinon la totalité, des compétences stratégiques du devenir d’un territoire avec, pour Rennes Métropole, un budget de près d’un milliard d’euros, dont le président est élu au troisième tour des élections municipales. C’est une vraie question démocratique. Comme le président de la République ouvre un nouveau round institutionnel, il doit se saisir de cette question. Le deuxième sujet, je le tire de mon expérience d’élu local, comme maire, élu régional et président de métropole, ainsi qu’en tant que cadre dans les services de l’État pendant dix ans.

Le sujet est moins dans le fait de réinterroger les compétences de chacun, moins dans un grand soir que dans l’enjeu de la différenciation. L’État doit accepter que, d’une métropole à l’autre, par convention ou accord partenarial, les choses puissent se mettre en œuvre d’une façon différenciée. Les enjeux, les moyens ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre, la différenciation peut se faire sans mettre en péril l’unité de la République française.

À titre personnel, vous qui avez consacré 20 ans à la politique, que représente cette expérience à la tête de Rennes Métropole ?

C’est une expérience extraordinaire, passionnante : la fonction est exigeante et éprouvante, c’est une responsabilité mais aussi une chance de rencontrer une diversité d’acteurs, de l’économie, de la culture, de la solidarité. En tant que président, vous vous nourrissez de cette richesse du territoire.

Et après ? Que ferez-vous en septembre 2020 ?

Quoi que je fasse demain, cette richesse sera capitalisée, je resterai quelqu’un d’engagé, notamment dans le secteur associatif. J’ai plein d’envies et de projets.

* inOut est l’évènement de Rennes Métropole autour des nouvelles mobilités qui se tiendra, pour la 3e édition, du 14 au 17 mai 2020, associant le « in », salon des professionnels, et le « Out », ouvert aux citoyens.

 

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