Six ans après le décalage des heures de cours de l’université Rennes 2, pour décongestionner le métro le matin, la métropole de Rennes poursuit sa réflexion sur les heures de pointe et compte s’attaquer aux déplacements individuels en voiture. Le co-voiturage fait figure de solution, au même titre que le télétravail, le co-working,… et un aménagement qui facilite les déplacements à pied.
Par Magali Tran
Cela fait déjà six ans qu’à Rennes, les horaires de début de certains cours, à l’université Rennes 2, ont été décalés, afin de lisser l’hyper-pointe du matin. Mais l’exemple continue d’intéresser, peu de collectivités s’étant finalement lancées dans l’aventure. Il faut dire que la démarche nécessite une bonne dose d’énergie et de force de conviction. Pour passer de l’intention à l’action, plusieurs facteurs doivent converger, selon Catherine Dameron, responsable du Bureau des Temps de Rennes : « C’est un partenariat à construire entre la collectivité, l’opérateur de transport et un établissement. » L’implication de l’opérateur de transport, en l’occurrence Keolis, est incontournable pour nourrir l’analyse et identifier les principaux « générateurs de flux », qu’à Rennes on dénomme plutôt « générateurs de temps ». Forte de ces données objectives, la collectivité peut dès lors identifier le partenaire à embarquer dans l’aventure. « Il est bien moins compliqué de travailler avec un nombre réduit d’interlocuteurs ou d’établissements. Mieux vaut donc évidemment identifier un gros prescripteur de déplacements », souligne Catherine Dameron. Enfin, sans le portage politique, rien ne peut se faire. « L’université de Rennes n’était pas réceptive au départ », se souvient Katja Krüger, adjointe à la maire de Rennes chargée des Temps de la ville, « elle considérait que la saturation du métro le matin était un problème de transport, ne relevant pas de ses compétences. » « Il a fallu toute la force de conviction de la collectivité pour leur montrer l’importance de s’impliquer, dans l’intérêt général, en termes de bien-être des étudiants, et donc d’attractivité, mais aussi en termes d’image et d’innovation », poursuit Catherine Dameron. Le mouvement était lancé. La moitié des étudiants de l’université de Rennes 2 a vu ses horaires de cours décalés de 15 minutes en septembre 2012.
Travailler en priorité sur les usages
Un an plus tard, chiffres à l’appui, « nous avons pu prouver la crédibilité de l’action. Sur une semaine type, la fréquentation avait baissé de 6 % alors même que le nombre d’étudiants avait augmenté, se félicite la responsable du Bureau des Temps. D’ailleurs, les études montrent que, de manière générale, la sensation de congestion, que ce soit en transports en commun ou en voiture, se joue sur un écart de 5 à 10 % d’utilisateurs ». Depuis, l’expérimentation a été pérennisée. « Le retour est très positif. À tel point que, pour l’inauguration de la deuxième ligne de métro, prévue en 2020, on travaille déjà avec Keolis sur les horaires de desserte de l’université Rennes 1, qui sera sur le tracé. Nous nous tenons prêts », indique Katja Krüger. Sans précipitation toutefois. « L’arrivée de la ligne B du métro va bousculer beaucoup d’habitudes. Il faudra d’abord bien observer et analyser comment les choses se passent », tempère Catherine Dameron. Pour la responsable du Bureau des Temps, « les esprits sont davantage prêts maintenant qu’il y a six ans pour ce type d’initiative. Il y a une prise de conscience : on n’a plus les moyens de développer des infrastructures lourdes. Cela confirme l’idée qu’il faut travailler en priorité sur les comportements et les usages ».
Décalage des horaires… massifs ou individuels
Katja Krüger confirme : « Cette réflexion doit être poursuivie sur d’autres points de congestion, notamment routière. » Ce qui implique de travailler sur les déplacements individuels. Une autre paire de manches. « Pour l’instant, on tâtonne. On a testé une méthode, qui s’avère peu probante. On cherche encore comment récolter des données fiables et en nombre sur les déplacements individuels, c’est très complexe. » D’autant qu’une étude menée par le Bureau des Temps montre que « de plus en plus de personnes ont des horaires de travail libres mais qu’il y a malgré tout de plus en plus de concentration des déplacements à des horaires précis, notamment entre 8 h 30 et 9 h », explique Catherine Dameron pour qui, de toute façon, le travail sur les horaires de déplacements n’est qu’un levier parmi d’autres, pour limiter la congestion. « Nous réfléchissons aussi sur le co-voiturage, le télétravail ou le co-working. Il n’y a pas de solution plus efficace qu’une autre. Ce qui aura un réel impact, c’est que les gens aient le plus de choix possibles »… et également celui de se déplacer à pied.
Plus globalement, Katja Krüger porte, auprès de ses collègues, une vision très transversale : « Comment aménager la métropole pour que l’on puisse faire un maximum de choses à pied ? » Pour y répondre, une cartographie a été réalisée, faisant figurer, autour de deux stations de la ligne A du métro (Kennedy et République), les « lieux d’intérêt » accessibles en 5, 10 ou 15 minutes de marche (école, parc, commissariats de police…). « À Rennes, on dit souvent qu’on ne voit pas l’aménagement en 3D mais en 4D, avec la dimension temporelle », conclut Katja Krüger…
L’association Tempo Territorial, qui regroupe les collectivités et acteurs des politiques temporelles, organise un séminaire de restitution de son groupe de travail « Temps et mobilités », les 23 et 24 mai 2019, à Rennes.