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2017-2022 : un bien maigre bilan pour les métropoles

par Sébastien Fournier
Emmanuel Macron
Temps de lecture : 3 minutes

Paradoxe. Emmanuel Macron, fraîchement réélu à la tête de l’État, a souvent été taxé d’être « le président des métropoles ». Mais il aura finalement fait très peu pour elles. Retour sur cinq années marquées par une résurgence du municipalisme, amplifié par les crises des Gilets jaunes et sanitaire.

Par Philippe Pottiée-Sperry

A l’issue du quinquennat Hollande, riche en réformes pour les collectivités locales (loi Maptam du 27 janvier 2014 et loi NOTRe du 7 août 2015), tout le monde s’accordait sur la nécessité de faire une pause le temps de « digérer » ce chamboule-tout institutionnel. Le nouveau président Macron était sur la même ligne mais avec un bémol important, affirmé dès sa campagne électorale : faire de « grandes métropoles » leviers de croissance. Il s’agissait du projet de transférer les compétences des départements aux métropoles volontaires dans le périmètre de ces dernières, selon le « modèle lyonnais » mis en œuvre le 1er janvier 2015. Les métropoles de plus de 500 000 habitants deviendraient ainsi des collectivités à part entière, élues au suffrage universel direct.

Fronde des départements

Mais l’affaire a vite été mal embarquée, la perspective de fusion n’étant pas du goût des départements, toujours très puissants. Le vent de fronde est immédiat avec leurs patrons interpellant directement le chef de l’État sur « le risque d’accentuer davantage les fractures territoriales qui affaiblissent notre pays ». Les départements visés, soutenus sans surprise par le président du Sénat, craignent que les métropoles dominent sur les parties dynamiques des agglomérations et ne leur laissent que la gestion des zones périurbaines et rurales. La grogne est générale comme en Haute-Garonne, où le président du département écrit à tous les maires pour les alerter et les mobiliser.

“Un accord de coquins”

Même tonalité en Loire-Atlantique où le président d’alors, Philippe Grosvalet (PS), fustige « un accord de coquins » et « le modèle lyonnais qui n’est pas duplicable partout ». Selon lui, le département « a une culture de la solidarité et un savoir-faire que les métropoles n’ont pas ». Un message largement relayé par l’Assemblée des départements de France (ADF).

De leur côté, les présidents des métropoles concernées, pourtant choyés par Emmanuel Macron les ayant reçus à plusieurs reprises, ne se précipitent pas pour candidater. Explication : le risque d’une nouvelle guerre entre élus mais aussi les complexes et coûteuses compétences sociales. Progressivement, tous déclineront l’offre gouvernementale et le projet tombe donc aux oubliettes. Celui-ci prévoyait aussi la fusion des trois départements de la petite couronne parisienne dans la Métropole du Grand Paris, déjà évoquée en 2014 par Jean-Marc Ayrault. Là aussi l’idée est vite écartée vu la levée de boucliers des élus franciliens.

« Grand défenseur des communes et des départements, le Sénat aura joué un rôle certain dans ce refus », constate Marie- Christine Jaillet, directrice de recherche au CNRS (lire l’entretien). « Tant que sa composition n’aura pas changé, ça ne bougera pas. »

Progression du « métropole bashing »

Sur la suite du quinquennat, il ne sera plus question des métropoles et de leur modèle à conforter. Le « métropole bashing » se porte bien dans un climat qui attise l’affrontement entre elles et les autres territoires. Le divorce est à son paroxysme avec le mouvement des Gilets jaunes à partir de l’automne 2018. Ce n’est pas pour rien que quelques mois plus tard, durant le grand débat, toutes les escales du chef de l’État se feront dans des petites villes, loin des grands centres urbains. Malgré ses incantations, au sortir du grand débat, en faveur d’« un nouveau pacte territorial pour réconcilier la métropole, la ville moyenne et le rural », les deux lois qui en sortiront (« Engagement et proximité » et « 3DS ») ciblent avant tout les petites communes et un retour en arrière de l’intercommunalité.

Autorités organisatrices de l’habitat

Parmi les rares concessions accordées : la loi « 3DS », votée définitivement le 9 février dernier, fait des intercommunalités volontaires des autorités organisatrices de l’habitat. Cela devrait donner aux métropoles les coudées plus franches en matière de logement. Parmi les chantiers abandonnés figure celui de la gouvernance de la Métropole du Grand Paris, plusieurs fois évoqué pour figurer dans des projets de loi, mais jamais traité car trop sensible politiquement. La loi « 3DS » a en revanche intégré, par amendement gouvernemental, un volet sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence pour améliorer et simplifier sa gouvernance, avec notamment la disparition des conseils de territoires.

Le quinquennat Macron aura débouché sur une multitude de dispositifs ciblés (Action cœur de ville, Petites villes de demain, Agenda rural, France services…) mais rien pour les métropoles. La crise sanitaire, avec le retour en grâce des villes moyennes et du rural, enfonce le clou. La ministre de la Cohésion des territoires reconnaissait, début 2021, cette « guerre froide territoriale » avec « un climat de dénonciation des métropoles parfois violent ». Selon Jacqueline Gourault, « peu de sujets ont suscité autant de caricatures et de récupérations idéologiques et politiques ».

Finalement, le quinquennat dernier, qui semblait au début prometteur pour les métropoles, compte tenu des promesses d’Emmanuel Macron, leur aura été paradoxalement très peu favorable. Le suivant, sera-t-il meilleur pour elles ?

Lire sur le même sujet :

« Pourquoi le modèle des métropoles doit être défendu »

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