Avec son Accord de Rouen, signé fin 2018, la Métropole Rouen Normandie compte passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les acteurs partenaires – entreprises, collectivités, administrations, citoyens… – s’engagent sur des objectifs précis et chiffrés. Et pour objectiver les choses, un « GIEC local » est chargé de consolider les données et d’évaluer les progrès réalisés.
Par Magali Tran
Accélérer. C’est ce que souhaite Frédéric Sanchez, président de la métropole Rouen Normandie avec la signature, fin 2018, de l’Accord de Rouen. S’inscrivant dans le même tempo que la COP24 de Katowice, en Pologne, et peu après les dernières conclusions du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), cette « COP21 locale » vise à « redonner un élan collectif renforcé », explique l’élu. « Les métropoles, par leurs compétences, sont le pilote dans l’avion de la lutte contre le réchauffement climatique », souligne- t-il. Seulement, à Rouen Normandie Métropole, le constat a été fait que, « au mieux, par nos compétences et nos actions, nous pouvons peser sur 15 % des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc amplifier ce mouvement ». D’autant que « nos concitoyens nous demandent d’aller plus vite. D’où la nécessité d’aller de l’avant ». Pour cela, la Métropole a décidé de miser sur un effet levier, en jouant sur l’action combinée de tous : « Tout faire en même temps, car tout fait système », insiste Frédéric Sanchez. L’ensemble des acteurs du territoire a été mobilisé le plus largement possible : communes membres de la métropole, administrations, entreprises, citoyens…
« Changer l’image de notre territoire, perçu comme industriel et pollué, ne se fera qu’en engrangeant des progrès réels » Frédéric Sanchez, président de la Métropole Rouen Normandie
« Changer l’image de notre territoire, perçu comme industriel et pollué, ne se fera qu’en engrangeant des progrès réels » Frédéric Sanchez, président de la Métropole Rouen Normandie
Des coalitions d’acteurs
Dans cette démarche systématique, chaque partenaire s’engage sur des objectifs précis et le plus souvent chiffrés. Afin de passer à la vitesse supérieure, des « coalitions » ont également vu le jour : des fédérations d’acteurs publics et privés qui veulent être plus efficaces ensemble ou qui veulent structurer une filière. Ainsi, la coalition des équipements de spectacle vivant (15 établissements), pilotée par l’Opéra de Rouen Normandie, s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de réduction des déchets : zéro plastique jetable pour la consommation des boissons d’ici à janvier 2021, réduction de 10 % des déchets et augmentation de 10 % du recyclage à horizon 2020, réduction de 10 % des consommations d’énergie via des écogestes pour janvier 2020. Le tout assorti d’un planning de mesures et d’état des lieux. Afin de structurer une filière économique autour des matériaux biosourcés de construction et de rénovation, une « coalition stratégique », animée par l’institut polytechnique UniLaSalle, regroupe une douzaine d’acteurs du secteur, comme la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), l’Unicem (Union nationale des industries de carrières et des matériaux de construction), Bouygues Construction Grand Ouest, Professions Bois, etc. Elle s’est fixée une feuille de route détaillée pour développer les ressources, les promouvoir et organiser la filière. Évidemment, « il y a des secteurs économiques pour lesquels la transition est lourde de conséquences, comme celui des transports et en particulier de la logistique », indique Frédéric Sanchez. Un sujet d’importance dans cette métropole portuaire.
L’évaluation au cœur de la démarche
Côté pouvoirs publics, les communes membres ont également pris des engagements, portant aussi bien sur l’isolation des bâtiments que sur la limitation de l’usage des produits phytosanitaires ou encore sur l’éducation à l’environnement… À titre d’exemple, pour la restructuration de sa piscine municipale, la commune de Malaunay vise l’utilisation de 100 % d’énergies renouvelables. Quant à la Métropole, en dehors des objectifs de son Plan Climat, elle compte « orienter l’essentiel de ses budgets vers la transition écologique », précise Frédéric Sanchez : développer l’offre de transports en commun, consolider les aides aux copropriétés « passoires thermiques », etc.
Au sein de L’Atelier de la COP21, ouvert début 2018, des débats et des animations permettront d’accompagner la démarche dans le temps. Car l’enjeu, pour l’année à venir, est bien d’éviter l’essoufflement et de mobiliser encore davantage de partenaires. Surtout, l’évaluation sera primordiale. Avec ses partenaires, WWF France et l’Ademe, la Métropole a instauré un « GIEC local » de quinze membres, dont le rôle est de fournir une expertise scientifique la plus neutre et objective possible ainsi que de produire des outils d’évaluation.
Au-delà de l’urgence à agir, Rouen Normandie espère aussi, « en plaçant la barre très haut, changer l’image de notre territoire, perçu comme industriel et pollué. Cela ne se fera qu’en engrangeant des progrès réels », conclut Frédéric Sanchez. Ce dont devront attester – ou non – les experts.
La signature de l’Accord de Rouen, le 29 novembre 2018, engage la Métropole, ses 71 communes membres, une centaine d’entreprises, 17 coalitions d’actions, 9 coalitions stratégiques et les habitants du territoire, autour de la transition écologique.
Quelques objectifs chiffrés
Les engagements de l’ensemble des partenaires concernent notamment…
– les énergies renouvelables : d’ici à 2050, réduction de 70 % de la consommation énergétique du territoire par rapport à 2005, réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre, multiplication par 2,5 de la production d’énergies renouvelables sur le territoire ;
– la rénovation énergétique : 45 000 rénovations de logements à horizon 2030 ;
– la mobilité propre : un déplacement sur deux effectué autrement qu’en voiture individuelle d’ici à 2030 ;
– l’agriculture responsable : 50 % des terres agricoles exploitées en bio et 100 % des exploitations agricoles engagées dans une démarche de circuits courts à horizon 2050, etc.
Sur le territoire de la Métropole de Rouen Normandie, près de 3 millions de tonnes équivalent CO2 (MTeqCO2) sont émises chaque année. Elles proviennent à 35 % de l’industrie, à 22 % du transport routier et à 30 % du bâtiment (tertiaire et résidentiel). Par ailleurs, 8 MTeqCO2 sont émises hors du territoire pour les besoins de ses habitants et de ses entreprises. Soit un total de 11 MTeqCO2. D’ici à 2050, la Métropole s’est fixée comme objectif de limiter à 2,75 MTeqCO2 au total, dont 0,75 MTeqCO2 exclusivement sur son territoire.