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Marseille en vert… et contre tous

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 4 minutes

La démission de l’écologiste Michèle Rubirola à la mairie de Marseille met en lumière les oppositions entre la ville-centre et les autres communes de la métropole. Un antagonisme qui pourrait être atténué si l’actuel premier adjoint socialiste, Benoît Payan prend les rênes de la ville. Encore faut-il qu’il convainque la majorité municipale.

Par William Allaire

Quand, dans la plupart des autres grandes métropoles de l’Hexagone, l’attelage ville-centre/métropole tire dans la même direction politique, sur les rives du Vieux-Port, les planètes ne sont pas alignées. Loin de là. Défaite dans les urnes, le 28 juin à Marseille par l’écologiste Michèle Rubirola, Martine Vassal a conservé les rênes de la Métropole Aix-Marseille-Provence (92 communes pour 1,9 million d’habitants). La présidente LR du département des Bouches- du-Rhône a pris sa revanche en s’arrogeant le soutien d’une majorité de maires. Une réélection surprise pour un observateur peu au fait des us et coutumes politiques locales. Mais permise par la loi « PLM » et l’incroyable complexité de l’écheveau institutionnel de l’aire marseillaise. Dans une assemblée pléthorique (240 élus dont 108 marseillais) qui fait la part belle aux petites communes*, la nouvelle majorité marseillaise est restée la grande absente de la lutte pour le perchoir métropolitain, laissant au maire PCF de Martigues, Gaby Charroux, le soin de porter les couleurs de la gauche. Un désintérêt qui a évidemment fait le jeu de Martine Vassal.

Martine Vassal à qui perd gagne

Forte de son assise départementale, Martine Vassal n’a eu aucun mal à rallier une large majorité de 145 suffrages dès le premier tour de scrutin, le 9 juillet. Une victoire qui marque toutefois un changement de perspective. Le barycentre politique de la Métropole s’est en effet déplacé hors des frontières de la ville-centre. Un mouvement incarné par l’installation du premier adjoint au maire d’Aix, Gérard Bramoullé, dans le fauteuil de premier vice-président d’AMP. Cet économiste, qui n’avait pas hésité à voter contre le budget de la Métropole mitonné par l’équipe de Jean-Claude Gaudin fin 2017 (ce qui lui avait valu de perdre toute fonction exécutive au sein de la Métropole), est aujourd’hui en charge de la stratégie financière de la collectivité. Chantre d’une conception « thatcherienne » du budget communautaire, l’élu aixois ne fait pas mystère de sa volonté de remettre à plat le « pacte de gouvernance financier et fiscal » qui régit les relations financières entre la Métropole et les six conseils de territoire. Au cœur de cette discussion : les fonds attribués aux « états spéciaux des territoires », c’est-à-dire les moyens mis à disposition des six anciennes intercommunalités pour exercer des compétences opérationnelles de proximité, qu’elles assument par délégation du conseil de la Métropole. Ce retour à la proximité est en ligne avec les revendications de Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence, et de nombreux maires qui rêvent de voir la Métropole se recentrer sur quelques compétences stratégiques : mobilité, universités, environnement, etc.

Une métropole de (petits) projets ?

Cette intégration au rabais, au nom du plus petit dénominateur commun, figure sur la nouvelle feuille de route de la présidente d’AMP : à la veille de l’élection métropolitaine, Martine Vassal et Maryse Joissains faisaient front commun pour défendre une refonte de la loi NOTRe (loi Nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015) pour l’émergence d’une « métropole de projets ». Une réforme qu’elles aimeraient voir inscrite dans le marbre de la loi « 3D » (projet de loi de décentralisation, différenciation et déconcentration).

Ce retour en arrière, vilipendé par les acteurs économiques, recevra-t-il un écho au sein du gouvernement de Jean Castex ? Le Premier ministre souhaite associer les territoires à toutes les ré- formes. Une main tendue que les maires buccorhodaniens entendent bien saisir pour lui rappeler leur exigence d’une décentralisation locale replaçant les communes au cœur de l’échiquier institutionnel. Reste à définir les frontières de ce dialogue. Le chef du gouvernement en profitera-t-il pour relancer le projet de fusion Département-Métropole envisagé par son prédécesseur avant d’être arrêté en plein vol à la veille des municipales ? À six mois des élections départementales et régionales, l’hypothèse d’une relance du dossier semble hautement improbable. Si le statu quo devait perdurer jusqu’au printemps 2021, le gouvernement devrait alors composer avec un calendrier serré, borné par l’échéance présidentielle un an plus tard.

Un budget de 4,8 milliards d’euros lesté par une dette de 2,82 milliards d’euros

Au-delà de ces bisbilles sur la gouvernance, le débat cache évidemment des considérations sonnantes et trébuchantes. Avec un budget de près de 4,8 milliards d’euros (en comptant les budgets annexes comme les transports, les déchets, l’assainissement, etc.) pour 7 875 agents, la Métropole AMP est l’un des principaux donneurs d’ordre de la région Paca. Un moteur qui prévoit d’investir l’an prochain quelque 350 millions d’euros dans les dépenses d’équipement (chiffre en baisse de 25 %), dont plus de la moitié est fléchée vers les infrastructures de transport. Mais un moteur qui vit à crédit, lesté par une dette de plus de 2,82 milliards d’euros. Le poids de cet endettement hypothèque les marges de manœuvre futures de cette collectivité née dans la douleur début 2016. Pour Maryse Joissains, « cette pression financière justifie le retour à une institution recentrée sur quelques projets stratégiques », à charge pour ses élus « d’aller demander à l’État le soutien qu’il doit à la deuxième ville du pays ». Vieille rengaine. Car depuis la mise en orbite de la fusée métropolitaine en 2016, le vœu est resté pieux…

* Saint-Antonin-sur-Bayon et Saint-Estève- Janson, villages de moins 400 âmes, disposent d’un siège au sein du conseil métropolitain, soit autant que Gardanne et Les Pennes- Mirabeau, qui comptent plus de 20 000 habitants.

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