La ville a tôt misé sur le développement du solaire et de l’éolien en structurant une filière qui a produit de belles réussites et compte 4 000 emplois. Mais pas question de s’arrêter là…
Par Marc Fressoz
À Montpellier, il y a le vent, le soleil et les EnR… Ainsi pourrait-on parodier la fameuse chanson de François Deguelt « Le Ciel, le soleil et la mer » pour souligner la place que la cité languedocienne et son territoire entendent jouer dans la décarbonation – celle « d’être le carrefour des énergies renouvelables en France », comme l’a résumé le maire de Montpellier Michaël Delafosse à l’occasion du lancement en juin des premières rencontres consacrées à ce sujet sur le territoire de la métropole. Une initiative suivie en septembre de l’activation d’un incubateur baptisé HENERA qui choie sa première fournée de jeunes pousses, avec une visée « internationale à long terme », précise Isabelle Prévot, directrice du Business & Innovation Center (BIC), le bras armé de Montpellier pour aider les entreprises à se développer.
Montpellier entend d’abord rayonner en France comme pôle d’excellence des EnR.
Pour les élus, le sujet n’est pas tant de faire la course en tête par rapport aux autres collectivités dans la décarbonation de l’énergie consommée sur place par les habitants, les bâtiments publics et les entreprises. Même si elle a engagé cet effort de transition pour atteindre la neutralité carbone en 2050, Montpellier entend d’abord rayonner en France comme pôle d’excellence EnR en confortant un écosystème local et en gardant l’avantage sur d’autres structures territoriales comme Savoie Technolac, surtout axé sur le solaire.
Miser sur trois filières d’excellence
De telles prétentions sont-elles fondées ? En réalité, avec déjà plus de 4 000 emplois directs liés au renouvelables, et une kyrielle de sociétés implantées (EDF Renouvelables ou ENGIE Green, en passant par des producteurs comme Urbasolar, Hyd’Occ, Valeco, etc.) ou des plateformes de financements participatifs, cette partie du Languedoc ne part pas de zéro et peut s’appuyer sur une histoire. « Il se trouve que Montpellier est un peu le berceau de ces énergies, éoliennes et panneaux solaires ensuite », souligne Jules Nyssen le président du Syndicat des énergies renouvelables. « Beaucoup de boîtes indépendantes ont démarré là ou dans la région, compte tenu des caractéristiques météorologiques propices : un ensoleillement important (ndlr : 300 jours par an) et beaucoup de vent lié à des couloirs où soufflent la tramontane et le mistral », poursuit celui qui, dans une vie antérieure, fut directeur des services de la ville de Montpellier de 2008 à 2014.
La politique très pro-business et en faveur de l’innovation menée par Georges Frêche à partir des années 1980 a créé les conditions pour attirer des entreprises.
La météo ne suffit pas toujours à faire germer les graines. « La politique très pro-business et en faveur de l’innovation menée par Georges Frêche à partir des années 1980 a créé les conditions pour attirer des entreprises. » Le BIC, mis en place depuis 1987 a par exemple accompagné Urbasolar dans ses recherches de contacts et de financements. La ville le rappelle à l’envi : étant dépourvue historiquement d’industrie, la capitale du Languedoc-Roussillon a misé sur l’essor de trois filières d’excellente : les EnR en sont une ; l’industrie du jeux vidéo une deuxième ; une autre, via la MedVallée, vise à organiser un pôle d’excellence mondial en santé globale. Aujourd’hui, concernant les énergies, il s’agit donc de consolider la filière et d’élargir encore sa base.
Parmi les fiertés, deux entreprises made in Montpellier méritent d’être citées : Quadran, spécialiste des installations solaires passé aujourd’hui dans le giron de Total Énergies ; et La Compagnie du Vent, qui a rejoint ENGIE. « Souvent les fondateurs, après avoir revendu leur société, reviennent ici pour fonder d’autres structures », souligne-t-on au siège de la métropole. À l’instar de Jean-Marc Boucher qui, après avoir cédé Quadran, a lancé Qair. Signe supplémentaire de dynamisme, une autre société du cru, Élements, figure parmi celles ayant réussi, avec 50 millions d’euros, l’une des plus grosses levées de fonds en Occitanie.
Fournir des bras et des cerveaux
Mais la politique publique menée par la collectivité locale vise-t-elle uniquement à rendre ce genre de success story renouvelable ? Pas seulement. Le profil des start-up sélectionnées pour l’incubateur, accompagnés par des responsables d’EDF et de SLB (l’ex-Schlumberger) traduit « une volonté d’élargir les domaines du cluster montpellierain », indique Isabelle Prévot, la patronne du BIC. L’une par exemple développe une plateforme digitale de décarbonation prédictive basée sur l’AI, pour réduire les émissions de CO2 de la chaine logistique (CO2 Pulse) ; une autre des électrolyseurs pour produire de l’éthylène à partir du CO2 industriel (e-éthylène). Une autre (Humus) planche sur un système de production de chaleur par le compostage de la biomasse. L’AI, pour améliorer la prédiction climatique, réduire l’exposition aux aléas climatiques et contribuer à l’adaptation de nos sociétés aux changements climatiques, participe aussi de l’horizon de la filière des EnR.
Cet écosystème mêlant acteurs publics et acteurs privés poursuit aussi des visées plus prosaïques : garantir son fonctionnement en fournissant des bras et des cerveaux. Il faut des ingénieurs, des installateurs et des ouvriers spécialisés pour la maintenance et l’entretien des installations. « C’est capital », résume-t-on à la métropole. D’où une mobilisation de différents partenaires (Région, rectorat, France travail, MEDEF, CCI, Syndicat des EnR…) sur l’emploi et la formation afin de créer un vivier d’emplois durables localement et un rapprochement avec l’enseignement supérieur (Polythech, Université Paul-Valéry…). La mise en place de formation continue et le soutien pour la transformation de certains métiers de l’artisanat constitue un autre pilier. Pas question de voir la filière fondre au soleil ou emportée par le vent, faute de troupes.
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