Comment la décentralisation peut-elle trouver un espace de débats et d’idées dans une configuration institutionnelle qui semble si ankylosée ? Alors que des chantiers ne demandent qu’à trouver une traduction législative ou réglementaire, rien ne semble autant indécis en cette rentrée politique.
Par Martin Batko
Renouvellement de l’Assemblée nationale puis du gouvernement oblige, les observateurs scrutent l’appétence des nouveaux décideurs à l’égard des collectivités. Michel Barnier, un décentralisateur ? Rien n’indique ces dernières années qu’un gardien de Matignon passé édile local (et en l’occurrence président du Conseil départemental de Savoie) s’impose comme chantre de la décentralisation.
Sans faire un énième plaidoyer pour les collectivités, il s’agit de mesurer de plus près à quel point la vacance politique de cet été leur a été à tout point de vue défavorable. Loin d’être anodine, la vibrante critique de Bruno Le Maire sur le déficit des collectivités locales et la hausse de leurs dépenses de fonctionnement en dit beaucoup sur le « local bashing ». Le débat se noue une fois de plus sur les injonctions contradictoires entre baisse des dépenses de fonctionnement et demande de renforcement des services publics et guichets de proximité, entre besoin d’investissement dans la transition écologique et maîtrise du déficit.
Magnifique maelström
Beaucoup de représentants des associations nationales d’élus ont par ailleurs livré bataille au lendemain de la déroutante dissolution de l’Assemblée nationale, les laissant ainsi presque sans voix pour défendre leurs intérêts locaux. La grande interrogation repose justement sur leur capacité à rebondir : certains élus y ont-ils laissé des plumes ? Ne sont-ils lassés des sempiternelles accusations ? Et quelles seront les répercussions politiques, à terme, sur la méthode de travail ? À l’heure de leurs congrès, les associations d’élus pourront-elles être audibles face à une Assemblée fragmentée et pas franchement girondine ? La nomination de Catherine Vautrin à un ministère du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation saurait-elle être un premier gage de satisfaction, alors que le gouvernement vient d’indiquer aux collectivités – notamment pour les 450 plus importantes – une ponction de 2 % de leur budget de fonctionnement, réduisant leur capacité d’action ?
Comment garder la main sur une métropolisation forte en matière de mobilité, de transition écologique, d’habitat ou de petite-enfance, alors que certains maires joueront leur va-tout pour détricoter l’intercommunalité ?
En tout état de cause, les voyants ne sont pas au vert pour les grands villes et métropoles : les deux extrêmes à l’Assemblée nationale sont clairement ruralistes, certainement dû à un semblant de sociologie électorale dans les campagnes ou encore dans le péri-urbain. Elle est surtout communaliste et départementaliste, renforcée par le contingent des Républicains. Dès lors, dans ce magnifique maelström, comment faire valoir les dispositifs ZFE et ZAN, brocardés comme anti-sociaux et punitifs ? Comment garder la main sur une métropolisation forte en matière de mobilité, de transition écologique, d’habitat ou de petite-enfance, alors que certains maires joueront leur va-tout pour détricoter l’intercommunalité ? Si le calendrier parlementaire est encore incertain, ils sont nombreux à attendre la traduction d’un projet de loi prêt sur le statut de l’élu, qu’ils jugent indispensables avant les élections municipales de 2026.
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