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Quand la nouvelle économie « éclaire » l’image des quartiers

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 3 minutes
Mesurer l’image des banlieues à partir des commentaires des visiteurs Airbnb, voilà le défi que s’est lancée une agence spécialisée auprès des territoires. Le résultat de l’étude est étonnant. Les auteurs veulent en profiter pour bousculer les idées reçues. L’image des banlieues, il en sera justement question jeudi 13 juin lors du prochain rendez-vous gouvernemental sur la politique de la ville, en présence du ministre de la Ville, Julien Denormandie.

Par Sébastien Fournier

Les quartiers sensibles, des quartiers repoussoirs ? Les banlieues ont toujours véhiculé une image négative dans la société française. Insécurité, délinquance, relégations sociale et territoriale, elles ont mauvaise réputation et personne n’est vraiment enthousiaste à l’idée d’y vivre. C’est un euphémisme… Le regard des Français s’est même durci ces dernières années malgré les programmes de rénovation urbaine qui ont transformé certaines « cités ». Pour tenter de faire mentir cette impopularité, une agence conseil auprès des territoires, Nouvelles Marges, s’est lancée dans la réalisation d’une étude originale, publiée en avril dernier : mesurer l’image des quartiers à partir de la satisfaction des visiteurs Airbnb. Si l’idée est inattendue, le résultat l’est tout autant. L’agence a passé au crible 1 045 hébergements, loués pour deux tiers par des Français et un tiers par des étrangers, dans 25 quartiers prioritaires de la politique de la ville comme la Cité des 4 000 à La Courneuve, le Mirail à Toulouse, la Grande Borne à Grigny, ou les Minguettes à Vénissieux… Et elle a analysé 13 000 commentaires laissés par les visiteurs. Si la méthodologie est discutable parce que les quartiers sélectionnés sont très différents les uns des autres et parce qu’ils ne correspondent pas stricto sensu aux périmètres définis par l’Etat dans le cadre de la politique de la ville, les résultats de l’étude présentent tout de même des données convaincantes. Surtout, ils nous invitent à rompre avec certaines idées reçues.

Airbnb, un indicateur de l’image des quartiers

D’abord, oui, il existe bel et bien une offre de location de courte durée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est un enseignement de taille. Et s’il y a une offre, il y a aussi une demande. Elle est, sans grande surprise, motivée par le coût de l’hébergement. Selon l’étude, les prix dans ces quartiers sont en moyenne inférieurs de 10 euros à ceux relevés dans le reste de l’agglomération. De quoi assurément attirer le chaland. Mais la chose la plus intéressante concerne l’aspect qualitatif. Les visiteurs semblent satisfaits de leur séjour en attribuant une note moyenne de 4,72 sur 5. Certes, il ne s’agit pas à proprement parler d’une appréciation sur le quartier. Mais l’analyse des commentaires, laissés sur la plateforme, en dit beaucoup sur leurs impressions. Dans 94 % des cas, elles sont positives. 39 % d’entre eux plébiscitent la situation stratégique, 27 % apprécient la desserte en transport en commun, 21 % louent même l’ambiance du quartier ! Des chiffres qui explosent pour les quartiers situés près de Paris. C’est le cas à La Courneuve, où sur 286 commentaires laissés par les locataires, près de 72 % d’entre eux valorisent le quartier (situation et transport). Seule ombre au tableau, seulement 10 % des visiteurs apprécient l’ambiance. Un jugement à relativiser puisque seuls 4 avis négatifs ont été enregistrés, dont 2 qui font état d’un sentiment d’insécurité.

Faire évoluer l’image des banlieues

Avec son étude, l’agence Nouvelles Marges ne cherche pas à renverser la table. Elle souhaite surtout contribuer à faire évoluer l’image des banlieues. « L’analyse montre que plus on y va, moins on a de clichés », résume le directeur d’étude, Jean-Pierre Papin. C’est pourquoi, selon lui, il faut y faire venir encore plus de gens. « Nous devons développer des services innovants, de l’événementiel, des politiques d’attractivité », précise-t-il. Tout un programme ! Mais ce n’est pas l’avis de tous. Pour Driss Ettazaoui, adjoint (Modem) au maire d’Evreux, qui a piloté l’année dernière un groupe de travail sur l’image des quartiers à la demande de l’ex-ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, la solution est ailleurs. « Cette étude montre ce que nous savions déjà : les représentations des Français varient selon le lien qu’ils ont avec les quartiers », avance-t-il. La priorité, c’est changer l’image qui est véhiculée dans les médias. « On assiste à un véritable dévoiement où tous les amalgames sont permis ; l’image est totalement déconnectée de la réalité », s’agace-t-il. « On peut mettre un paquet d’argent sur la table, mais si on ne revalorise pas l’image des quartiers dans les médias, on échouera », cingle M. Ettazaoui. Sous son impulsion, les élus réunis au sein de « Ville et Banlieue », viennent de créer, en partenariat avec BFM TV, l’association « Vu des quartiers ». Elle va constituer un annuaire de contacts, un projet de sourcing qui vise à identifier dans les banlieues les personnes légitimes et compétentes pour venir parler dans les médias. « Ce sera le meilleur moyen de raconter la réalité vécue par les habitants », se défend-il. Il annonce fièrement que le projet sera officialisé avec le ministre de la Ville, Julien Denormandie, à l’occasion de la grand-messe organisée par le gouvernement sur la politique de la ville, jeudi 13 juin. « On attend beaucoup de cette poignée de main », s’exclame-t-il.

Lien pour télécharger l’étude auprès de l’agence Nouvelles Marges

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