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Par Sébastien Fournier
« Les crises ont une vertu », disait en son temps Lionel Jospin, celle de bousculer les certitudes et de transformer les organisations. La crise des Gilets jaunes ne semble pas déroger à ce principe. Dans son intervention devant les Français, le président de la République a tenté de se défaire de l’étiquette qui lui colle à la peau, comme un sparadrap rebelle, de banquier des riches méprisant les petites gens, de chef d’Etat arrogant et jacobin. Une correction d’image diront certains, une transformation de fond diront les autres. Toujours est-il qu’il a donné à voir des solutions à court-terme et à plus longue échéance autour de la grande concertation organisée dans les territoires avec l’appui des élus locaux. Quel changement dans la méthode ! Ces élus qui avaient hier la désagréable impression d’être pris pour quantité négligeable, font l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. Le président de la République se serait-il converti à la cause territoriale ? Pas si sûr. Emmanuel Macron n’a jamais vraiment été le grand décentralisateur qu’il avait prétendu être durant la campagne présidentielle. Il n’a pas de lien charnel avec les territoires, certainement en raison de son parcours et de sa culture. Il se méfie par ailleurs des corps intermédiaires parce qu’il a fait le pari d’un rapport direct avec le corps électoral.
Casser les idées reçues
Pourtant cette nouvelle méthode peut être une réelle opportunité de transformer le pays, de réconcilier les Français et les territoires dont la crise des Gilets jaunes a révélé les nombreuses et profondes fractures. C’est le souhait de beaucoup d’élus qui voient dans la décentralisation « un produit de sortie clair ». D’ailleurs certains d’entre-eux souhaiteraient profiter de la situation pour couper court aux idées largement répandues. Non, la France n’est pas dans un manichéisme territorial, avec d’un côté des métropoles qui concentreraient les riches et de l’autre des territoires périphériques et éloignés dans lesquels seraient relégués les pauvres.
Non, la France n’est pas dans un manichéisme territorial, avec d’un côté des métropoles qui concentreraient les riches et de l’autre des territoires périphériques et éloignés dans lesquels seraient relégués les pauvres.
Les métropoles, souvent dans leur ville-centre, ont des taux de pauvreté plus importants que la moyenne nationale, comme l’ont montré bon nombre de chercheurs, de Jacques Levy à Daniel Béhar. En fait, la pauvreté se diffuse autant dans les territoires urbains que ruraux.
Corriger les inégalités
En revanche, comme le rappelle souvent l’Association des maires ruraux de France, il existe entre territoires de réelles disparités en matière d’accès aux services publics. Les grandes villes sont toujours mieux dotées que les territoires ruraux. Et ce n’est évidemment pas acceptable pour les populations. Tout le monde s’accorde à dire que le rôle de l’Etat serait essentiel pour corriger ces inégalités. La politique d’aménagement du territoire doit ressusciter dans ce pays. Mais le rôle des élus locaux devrait l’être tout autant. En renforçant la décentralisation, les collectivités pourraient en effet développer entre-elles des mécanismes de solidarité comme c’est le cas dans l’intercommunalité. Celle-ci permet de mettre en commun des moyens et de proposer une offre de service à une large échelle. Pour autant, les élus doivent jouer pleinement le jeu. Arrêter de jouer « perso », cesser d’être dans leur couloir en défendant leurs seuls intérêts. L’urgence préside à une union sacrée des élus locaux, des petites villes aux plus grandes avec les départements et les régions.
L’urgence préside à une union sacrée des élus locaux, des petites villes aux plus grandes avec les départements et les régions.
Pour l’heure, mis à part quelques initiatives prises par des maires ruraux, la concertation n’a pas vraiment commencé. Son organisation a été confiée à la Commission nationale du débat public. « On refile la patate chaude », note un fin connaisseur du dossier. De leur côté, les associations d’élus n’en ont pas pris pleinement possession. De peur de se retrouver piéger ? De donner des gages à Emmanuel Macron ? Autant dire, dans ce contexte, que la décentralisation peut encore attendre. “Il est urgent de ne pas bouger”, avertit un cadre d’une association d’élus. Les Français apprécieront.