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Région/Métropole : un binôme qui fonctionne… plus ou moins

par Sébastien Fournier
Temps de lecture : 5 minutes

Les élections régionales ont mis en évidence le manque de clarification des compétences territoriales comme le développement économique. En la matière, les Régions sont chefs de file, responsables de la stratégie régionale, quand les Métropoles sont aussi compétentes pour leur territoire. Une ligne de partage floue qui n’empêche pas certaines collectivités de travailler en bonne intelligence…

Par Magali Tran

C’est une question d’état d’esprit. Et probablement de personnalité. Alors que certains poids lourds politiques s’affrontent sur le partage de la compétence développement économique qui est dévolue, comme Laurent Wauquiez à la région Auvergne-Rhône-Alpes et Gérard Collomb au Grand Lyon à l’époque, d’autres, plus discrets, tracent la route. En Bretagne, la situation est même qualifiée d’exemplaire par les connaisseurs entre la Région, chef de file du développement économique, et les deux métropoles de Rennes et de Brest, elles aussi compétentes en la matière sur leur territoire. Pourtant, difficile de savoir à quoi tient la qualité du dialogue. « J’ai toujours connu la relation Métropole/Région excellente », témoigne Éric Vandenbroucke, directeur du développement économique et international de Brest Métropole. « Il y a une fluidité dans la communication, qu’elle soit politique ou technique, avec une forme de confiance réciproque. » Un dialogue qui a notamment permis, lors de la crise sanitaire, de créer des dispositifs communs, comme l’avance remboursable « Fonds Covid Résistance », abondée par la Région, ses quatre départements, les intercommunalités et la Banque des Territoires. La Bretagne a également donné son accord pour que Brest Métropole crée un dispositif additionnel, le « Fonds Covid Résistance + ».

Les Régions étant chefs de file en matière de développement économique, ce sont elles qui détiennent la possibilité de verser des aides directes aux entreprises. Ainsi, les Métropoles qui souhaitent mettre en place de tels dispositifs doivent obtenir délégation de l’échelon régional. À Brest Métropole, l’accord a été obtenu et apporte même davantage : « La Région nous a aussi guidés sur la manière de procéder pour lancer notre appel à projets Réussir les transitions dans l’économie », poursuit Éric Vandenbroucke. Autre exemple, la région Bretagne a créé un service public d’accompagnement aux entreprises, animé par les EPCI pour échanger des informations, être attentif aux difficultés des entreprises. « Ces réunions ont notamment été utiles pendant la crise Covid », estime le directeur.

Filières structurantes

En Nouvelle-Aquitaine aussi, Bordeaux Métropole a pu se voir déléguer les aides directes pendant la crise. Et hors délégation, les collectivités travaillent ensemble sur des projets d’intérêt régional. « Cela se fait assez naturellement pour les filières fortement présentes dans la région. On mène comme cela deux projets de collaboration entre les collectivités et les groupements d’industriels : SpaceHub (avec ArianeGroup et Dassault Aviation) et Tarmaq, une cité des savoirs aéronautiques et spatiaux », souligne pour sa part Stéphane Delpeyrat, vice-président de Bordeaux Métropole en charge du développement économique. William Ballue, directeur général de l’agence d’attractivité Invest in Bordeaux, confirme : « Le couple Région/Métropole est pertinent sur le plus petit dénominateur commun, donc des sujets métropolitains, comme le numérique en ce qui concerne Bordeaux, mais aussi sur les secteurs industriels, très représentés dans la région, qui tirent la croissance, en l’occurrence les secteurs aéronautique-spatial-défense, santé et e-santé, laser-optique, chimie ou encore agro-alimentaire. »

Peser sur le plan national

En outre, le dialogue Région/Métropole permet de peser sur le plan national. Brest Métropole et la Bretagne ont ainsi récemment fait cause commune pour que le centre national de coordination de cybersécurité maritime soit implanté à Brest Métropole. « Nous avons manifesté conjointement notre intérêt et mobilisé notre écosystème », indique Éric Vandenbroucke. L’association de préfiguration France Cyber Maritime a été créée fin 2020 : « On a estimé qu’on pouvait faire valoir notre légitimité, qu’on pouvait incarner ce projet », se félicite le directeur du développement économique et international.

En Nouvelle-Aquitaine, l’heure est encore à l’élaboration d’une stratégie partagée mais, d’ores et déjà, Région et Métropole ont en commun l’agence Invest in Bordeaux. Malgré sa dénomination, « elle intervient à l’échelle du département de la Gironde, précise William Ballue. La Région a confirmé, en 2020, son besoin de pouvoir compter sur l’agence. De son côté, la Métropole l’utilise comme force spéciale pour agir en dehors de son territoire. C’est une nouveauté. Les deux s’y retrouvent pour éviter un “monopole des investissements” et donc pour que les territoires girondins ne soient pas oubliés ». Néanmoins, selon Stéphane Delpeyrat, la Région a réduit ses participations dans l’agence d’attractivité. « On demande de plus en plus aux Métropoles de se débrouiller toutes seules. Mais ce n’est pas cohérent puisqu’elles n’ont pas la compétence des aides directes aux entreprises, pointe-t-il du doigt. En matière de développement économique, il y a un vrai besoin de proximité, de résolution des problèmes, comme la disponibilité du foncier ou la mise en relation… » Pour l’élu bordelais, qui est aussi maire de Saint-Médard-en-Jalles, « on constate qu’il y a deux types de difficulté pour les Régions à intervenir dans les Métropoles. Une question de budget – tout y passerait – et une pression politique de la part des autres territoires, selon laquelle les Métropoles prendraient tout ».

Une conjonction d’efforts

Au sein de l’association Régions de France aussi, on considère que la ligne de partage des compétences devrait être plus claire. « Il y a sans doute besoin d’une clarification en matière de développement économique mais on n’attend pas grand-chose du projet de loi 4D sur le sujet », estime un observateur. Pour Éric Vandenbroucke, « lorsque les compétences sont non exclusives, il faut une cohérence avec la stratégie régionale. Mais plutôt que de le voir comme une concurrence, il faut le considérer comme une conjonction d’efforts. En Bretagne, la Région est montée en puissance sans hégémonie, avec un réseau d’acteurs bien installé ». Cela semble sage puisque les unes peuvent difficilement se passer des autres : les Régions ne peuvent pas compter sans leurs Métropoles ; tandis que les sujets transversaux, comme celui des mobilités, ne peuvent pas être traités à la seule échelle métropolitaine. Ainsi en Nouvelle-Aquitaine, la Région et la Métropole s’associent sur le projet de RER métropolitain, selon Stéphane Delpeyrat qui glisse en outre : « Cela permet aussi de partager les financements. » Cet impératif à travailler ensemble sur le développement économique, c’est aussi le message que souhaitent faire passer les associations d’élus. Régions de France et France urbaine ont ainsi engagé, depuis plusieurs mois, des cycles d’échanges pour un meilleur dialogue et pour valoriser les bonnes pratiques…

Ce que dit la loi

 

La loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) de 2015 a confié aux Régions la compétence de développement économique et de l’innovation. À ce titre, la Région doit élaborer un Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). Cette stratégie, élaborée de manière concertée, est prescriptrice sur son territoire. Sauf que les Métropoles co-produisent le volet qui les concerne. Elles sont, quant à elles, compétentes en matière de développement et d’aménagement économique, notamment pour ce qui concerne l’aménagement des Zones d’activités industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire…

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